Élus du personnel : les femmes encore sous-représentées

Si la part des femmes a progressé dans les instances représentatives du personnel depuis le début des années 2000, il existe de fortes disparités entre les secteurs économiques. Et la loi ne s'avère pas forcément être l'instrument le plus efficace pour réduire cette inégalité, selon une étude du ministère du Travail.
Grégoire Normand
La concentration des femmes dans des métiers et des catégories professionnelles plutôt éloignés des organisations syndicales pourrait également expliquer leur sous-représentation parmi les élus aux comités d’entreprises et aux délégations uniques du personnel, selon le ministère du Travail.
"La concentration des femmes dans des métiers et des catégories professionnelles plutôt éloignés des organisations syndicales pourrait également expliquer leur sous-représentation parmi les élus aux comités d’entreprises et aux délégations uniques du personnel", selon le ministère du Travail. (Crédits : Charles Platiau)

La féminisation des représentants du personnel a encore des progrès à faire. Selon une étude du service de statistiques (Dares) du ministère du Travail publiée ce vendredi 9 févier, les femmes demeurent encore sous-représentées dans un grand nombre de secteurs de l'économie française. Alors que les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes par la précarité dans leurs parcours professionnels, ce manque de représentativité constitue un défi de taille pour le monde du travail et l'égalité professionnelle.

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Des femmes plus présentes

D'après les résultats des élections professionnelles étudiées par les experts du ministère du Travail, la part des femmes titulaires dans les instances représentatives a bien progressé entre 2001 et 2012. Elle est passée de 32% à 40% sur cette période. Cette proportion s'est donc fortement rapprochée du pourcentage des femmes concernées par les élections professionnelles du secteur privé (43%). Les auteures de l'étude rappellent que cette amélioration est "cohérente avec l'évolution plus générale de la représentation des femmes dans la société."

À ce titre, le document indique que la présence des femmes a également progressé dans les élections politiques à l'échelle nationale et à l'échelle locale. "Aux élections législatives de 2012, près de 27 % des élus à l'Assemblée nationale étaient des femmes contre 12 % au début des années 2000, et un quart des sénateurs étaient des femmes (contre 10 % en 2001)."

Des disparités criantes

Malgré cette évolution favorable, la place des femmes dans les instances de représentation en entreprises varie beaucoup en fonction des secteurs économiques. "Dans la construction, seuls 15 % des élus sont des femmes, alors qu'elles sont 67 % dans l'enseignement, la santé et l'action sociale". De telles disparités peuvent refléter le faible degré de féminisation de grands secteurs. La Dares souligne clairement ce phénomène :

"Avec 11 % de femmes dans les entreprises où des élections de CE ou de DUP ont eu lieu, la construction est le secteur le moins féminisé. La part des femmes parmi les élus y est la plus faible, bien qu'elle ait presque doublé en 10 ans (de 8 % à 15 %)"

À l'inverse, les femmes peuvent être très présentes dans d'autres domaines comme l'enseignement, la santé ou l'action sociale, où deux tiers des élus sont des femmes.  Elles restent néanmoins sous-représentées parmi les élus "par rapport à leur poids parmi les salariés de ce secteur (73 %)." D'autres secteurs comme l'hébergement et la restauration, les activités financières et d'assurance, ou les activités immobilières rencontrent des situations semblables.

La faible représentation des femmes dans les comités d'entreprises et les délégations uniques du personnel reflète aussi "leur concentration dans un nombre limité de métiers, dans des secteurs d'activité peu favorables à l'implantation des syndicats et dans des emplois peu qualifiés".

> Lire aussi : Féminisation des grandes entreprises : quels sont les bons et les mauvais élèves ?

Des disparités entre syndicats

Au delà des secteurs, la proportion de femmes élues peut également varier en fonction des syndicats et des étiquettes. Il apparaît que "avec près de 46 % de femmes parmi les élus, les listes non syndicales respectent la parité relative femmes-hommes" dans les petites et moyennes entreprises (PME). Parmi les organisations représentatives du personnel, seuls la CFTC et Solidaires réussissent à faire aussi bien (44 % et 46 % respectivement). La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) rappelle que ces résultats peuvent tout simplement "refléter l'implantation de chaque syndicat dans les secteurs d'activité ainsi que leur audience auprès des différentes catégories de salariés".

Des moyens limités

Outre des disparités entre les syndicats, les expertes du ministère du Travail rappellent que les progrès en matière de parité dans le dialogue social sont à nuancer.

"Les femmes sont proportionnellement plus souvent élues dans les PME, sur des listes non syndicales, dans des instances (surtout DUP) qui disposent de moyens plus limités que ceux des entreprises qui connaissent une solide implantation syndicale".

La taille de l'entreprise et le poids des syndicats à l'intérieur des organisations peuvent être des facteurs déterminants dans la représentation des femmes dans des groupes d'élus. Les deux auteures expliquent par ailleurs qu'en 2011, une femme avait "une probabilité inférieure de 20 % à un homme d'être représentante du personnel."

Une loi inefficace ?

La loi Rebsamen de 2015 impose depuis le mois de janvier 2017 des listes paritaires. Ce texte vise "une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances représentatives dans l'entreprise". Mais son application semble présenter des limites selon l'étude. "La parité étant prévue exclusivement au niveau des candidatures, la loi Rebsamen n'assure pas des résultats réellement représentatifs de la répartition hommes/femmes des salariés de l'entreprise."

Avec la fusion des différentes instances représentatives au sein du comité économique et social (CES), les deux auteures de l'étude se demandent si cela n'aura pas "un impact défavorable sur l'accroissement de la présence des femmes dans les instances représentatives du personnel."

> Lire aussi : Fusion CE-CHSCT-DP : le nombre d'élus du personnel devrait diminuer

Grégoire Normand
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