« En pratiquant le jugaad, nous réinventons nos territoires grâce à l’ingéniosité frugale » (Navi Radjou)

Vulgarisé par le chercheur en innovation Navi Radjou, le jugaad est un état d'esprit alliant ingéniosité frugale et résilience créative. Les territoires sont de plus en plus nombreux à vouloir l'appliquer, certains s'y attelant déjà. Explications. (Cet article est issu de T La Revue n°15 - « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement »).
Navi Radjou, chercheur en innovation, est centralien et fellow de la Judge Business School à l'Université de Cambridge
Navi Radjou, chercheur en innovation, est centralien et fellow de la Judge Business School à l'Université de Cambridge (Crédits : Denis Allard/Leextra pour La Tribune)

Connaissez-vous le jugaad ? En français, ce mot hindi signifie « capacité ingénieuse à développer rapidement une solution simple et efficace avec des moyens limités dans une situation de contraintes ». Propagé par Navi Radjou, centralien et fellow de la Judge Business School à l'Université de Cambridge, cet état d'esprit alliant ingéniosité frugale et résilience créative est amené à devenir, dans les prochaines années, le mantra de celles et ceux qui veulent hâter la transition écologique et sociale. Avec ce qui représente infiniment plus qu'une solution clé en mains, Radjou propose de renouveler notre regard et de repenser l'innovation de demain. À ce titre, le jugaad constitue une aventure humaine, économique et sociale et, peut-être même, un voyage vers une Terra incognita sur le point de dévoiler ses trésors. Englobant tous les enjeux du moment, à la fois souple, inclusif et local, le jugaad est d'autant plus intéressant qu'il est adaptable aux différentes entreprises et aux particularités territoriales. Et c'est bien là l'exploit de Navi Radjou : offrir un nouvel horizon à l'innovation en alliant le meilleur du local et de la mondialisation. Dès lors, son concept fait florès. Partout, il mise sur l'ingéniosité humaine et emporte logiquement l'adhésion, du géant de la Silicon Valley à la PME ardéchoise et jusqu'au bricoleur génial perdu au fin fond du Gujarat. Aujourd'hui prisé par nombre de grands patrons, d'innovateurs, de créateurs et de responsables politiques, le jugaad fascine. Mais surtout, il dessine un nouvel horizon pour demain. À l'occasion de la publication d'une nouvelle édition de son best-seller L'Innovation Jugaad (Diateino, 2023), nous avons interviewé Navi Radjou.

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Commençons par le commencement. Vous avez grandi à Pondichéry, en Inde. Dans quelle mesure votre enfance a-t-elle conditionné votre intérêt pour le système D et l'innovation frugale ?

Navi Radjou Il me semble que cela s'est d'abord concentré autour de l'observation de notre mode de vie d'alors et de choses très concrètes. Dans les années 1970 et 1980, en Inde, il y avait déjà beaucoup d'épisodes de sécheresse. Mon frère et moi, nous nous levions à cinq heures du matin pour trouver de la fraîcheur et tirer de l'eau. De l'eau qui était d'ailleurs rationnée. Il fallait ainsi remplir des seaux pour pouvoir se laver et cuisiner durant la journée. Cela m'a marqué durablement. Aujourd'hui encore, quand j'ouvre le robinet, il y a cette peur inconsciente liée au manque d'eau. Cette peur a conditionné pas mal de choses, je crois.

Quoi donc ?

 N.R. Eh bien, j'ai compris très tôt que les ressources n'étaient ni inépuisables, ni garanties. Dès l'enfance, j'ai pris conscience de la rareté. Mais plutôt que cela ne devienne une contrainte, j'ai compris qu'il fallait s'adapter. Et ce faisant, un changement de vision pareil à un retournement s'est opéré. Il faut également se replonger dans le contexte de l'époque. Il y a quarante ans, l'Inde n'était pas ouverte économiquement. Concrètement, il n'y avait pas de télé chez nous, pas de téléphone fixe, ni mobile évidemment, pas de voiture. Ce n'était pas comme aujourd'hui, en Occident, où il s'agit de passer de l'abondance à la sobriété. Pour nous, à l'époque, la sobriété était native. On n'avait pas le choix ! De là vient le fait que l'on ne vivait pas la situation comme une contrainte. C'était naturel. Quelque part, il fallait composer. Composer avec l'existant. Quand j'étais petit, je n'avais pas de jouet « à l'occidentale », « de marque » pourrait-on dire. Les jouets étaient en bois. Sinon, il fallait les construire soi-même. Et c'était très bien ainsi, puisque cela a développé une certaine forme d'esprit. Et puis, un dernier point, qui me semble essentiel : il y avait beaucoup de partage. De mise en commun. De mutualisation des biens, de prêt, notamment en ce qui concerne les moyens de transport. Tout cela formait, plus ou moins consciemment, ce que l'on appelle aujourd'hui « le système D ».

Attachons-nous au mot jugaad, qui est au cœur de votre réflexion. D'où vient-il ? Que signifie-t-il ?

N.R. En Inde, il faut savoir que le jugaad est partout. On y pense sans le nommer, c'est une solution à toute épreuve qui permet de résoudre les problèmes, de savoir les anticiper, de faire avec... On l'a traduit par une expression française que j'aime beaucoup : « l'ingéniosité frugale ». Il s'agit de la décortiquer. On s'attache généralement à l'aspect frugal puisque l'époque et l'impératif écologique le commandent, mais le côté ingéniosité importe beaucoup également. Notre souci, au début, était le suivant : comment rendre des services de base - énergie, santé, éducation, etc. - accessibles au plus grand nombre ? Comment leur faire atteindre cela ? Très vite, mes collègues et moi avons perçu qu'il se passait des choses intéressantes en la matière dans les pays du Sud. Une certaine effervescence créatrice. Dans les villes, mais aussi dans les villages reculés, chacun essayait alors de trouver des solutions, de bricoler, d'inventer. En parallèle, les multinationales commençaient, elles aussi, à constituer leurs centres de recherche & développement. Et parfois, celles-ci s'inspiraient directement des méthodes chinoises ou indiennes. C'est ainsi que Nokia a procédé de la façon suivante : en se disant on va créer des produits « made in India, for India ». Dès que le concept de marché émergeant se crée, les grands groupes s'y engouffrent et font à sa manière. On peut donc mettre en œuvre des solutions simples, abordables, locales. La genèse du concept, sa raison d'être partait d'un objectif clair : comment apporter de la dignité et de l'inclusivité aux populations défavorisées. Suivant cela, on s'est dit : il y aurait peut-être une autre approche à privilégier et surtout une autre façon d'innover. C'est comme cela que se théorise le jugaad.

Pour autant, le jugaad ce n'est certainement pas une méthode à répliquer automatiquement, écrivez-vous...

N.R. On ne propose rien d'infaillible, pas de solution clé en mains ! Le jugaad, c'est un état d'esprit plutôt qu'une recette à appliquer étape par étape. Alors il faut l'adapter à chaque territoire en tenant compte de ses contraintes et de ses spécificités. Décathlon a créé sa méthode sur cette base. La région Nouvelle-Aquitaine, avec son président Alain Rousset, a adopté une feuille de route de la transition baptisée « Néo terra ». Tout cela va dans le bon sens ! Mais il n'y a jamais une uniformité, une méthode toute faite que l'on plaque automatiquement. Parfois, c'est un mélange d'écologie et d'industrie. À Loos-en-Gohelle, petite commune du Nord au pied des terrils, l'idée est de faire la transition avec tout le monde, sans inquiéter, sans cliver, en proposant un horizon désirable (lire notre reportage dans T La Revue n°13, NDLR). En Rhône-Alpes l'objectif est différent, purement écologique. Chacun sa façon d'y arriver, avec son contexte, ses envies et ses propres outils ! L'innovation marche à cette condition.

Vous êtes un fervent défenseur de l'échelon local, qu'il s'agisse de la ville, du département ou de la région. Là serait, selon vous, le maillon le plus efficace par rapport à des États défaillants ou trop difficiles à faire pivoter ?

N.R. J'ai un côté girondin, un peu rebelle contre l'autorité. Je ne suis pas contre l'État, j'aimerais juste qu'il devienne un facilitateur et un connecteur au-delà du rôle financier qu'il joue habituellement. Il faudrait que l'État soit polyvalent, flexible, or ce n'est pas toujours le cas. J'observe que souvent les territoires utilisent déjà les bonnes pratiques. Une délégation sénatoriale travaille d'ailleurs sur le sujet en ce moment même. Dans la stratégie, il faut à la fois du top down et du bottom up. Mais s'il y a trop de top down, on n'écoute pas assez, on ne prend pas assez en compte la parole venant du bas. Pour mieux comprendre cette nécessité, il faut prendre un exemple concret. Prenons la crise climatique. Celle-ci impacte différemment chaque région. Dans les Landes, il pleut beaucoup alors que dans le Sud, la sécheresse atteint des niveaux inquiétants. Dans un territoire donné, on subira des feux de forêts, dans un autre, des inondations. Même chose pour les ressources. Chaque lieu a la sienne et toutes sont différentes. L'innovation doit impérativement prendre en compte cela. Il nous faut utiliser la ressource endémique. Cela nous amène à mon dernier point : nous poser les questions « où aller ? » « où atterrir ? ». Là encore, j'observe que les réponses ne sont pas les mêmes en fonction de la ville, de la région, du territoire et des populations concernés.

Concrètement, qu'est-ce que la démarche d'innovation frugale ? En quoi celle-ci diffère-t-elle de l'innovation telle qu'on se la représente habituellement ?

N.R. Pour le comprendre, il faut convoquer Claude Lévi-Strauss. En 1962, ce dernier publie un livre intitulé La Pensée sauvage. Il y distingue deux figures : le savant et le bricoleur. Lévi-Strauss y montre comment le savant, quand il fait face à un problème, se met en quête de ressources extérieures afin d'aboutir à une solution complexe, sophistiquée. Le bricoleur, de son côté, commence toujours par faire un inventaire. Qu'ai-je autour de moi ? Quels sont les éléments directement à ma disposition ? Avec tout cela, le bricoleur entend trouver une solution relativement simple et efficace. Et surtout rapide ! Chez le bricoleur, la donnée temps fait que pour résoudre un problème rapidement, on ne peut pas être absolument perfectionniste. Cela peut venir dans un second temps, bien sûr. Et cela fait le lien entre l'innovation et le jugaad. Si, dans mon village, les gens ont besoin de conserver de l'eau au frais et qu'il n'y a ni électricité, ni réfrigérateur à disposition mais que je suis potier, alors j'aurais certainement des compétences pour trouver une solution technique à mettre en œuvre en utilisant d'une part mon savoir-faire et ma compétence, de l'autre mes ressources intimes.

À ce propos, parlez-nous donc du docteur Renato Favero et de son innovation si précieuse durant la crise du Covid-19...

N.R. Renato Favero est un médecin anesthésiste retraité qui avait fait sa carrière au sein d'un hôpital en Lombardie. Lorsqu'est survenue la crise du Covid-19, Favero voyait ses ex-collègues se démener en réanimation avec trop peu de respirateurs et pâtir de l'impossibilité de trouver de nouveaux appareils du fait de la demande mondiale. Favero raconte que son premier réflexe fut d'aller dans son garage. Il savait qu'il y aurait là une solution. Il le pressentait. Son idée s'est alors articulée autour d'une question atypique : « Pourquoi ne pas adapter un masque de plongée en apnée Décathlon, trouvable en grande quantité, et l'utiliser comme un ventilateur non invasif ? » Le Docteur Favero s'est alors associé avec Cristian Fracassi, un designer, pour développer la valve Charlotte. Ensemble, ils ont multiplié les tests, les versions susceptibles de mieux fonctionner. La création d'un composant imprimé en 3D a permis d'adapter sans effort le masque de plongée Decathlon Easybreath pour en faire un ventilateur. Isinnova - la société de conseil en innovation fondée par Fracassi - a ensuite mis à disposition les fichiers de conception de la valve Charlotte gratuitement sur Internet. L'état d'esprit agile et altruiste de Renato Favero et d'Isinnova a sauvé des milliers de vies en Italie et dans le monde. C'est tout à fait l'esprit jugaad. Et c'est d'autant plus intéressant que cela ne s'enferme dans aucune case du débat actuel : il s'agit d'une innovation frugale à mi-chemin entre la low-tech (le masque de plongée) et la high-tech (l'imprimante 3D). C'est une innovation hybride, collective également.

Dans ce dernier exemple, l'innovation à la manière jugaad est directement utile. On est frugal, on est ingénieux, on n'a pas le choix, au fond... Pourtant, on a parfois l'impression qu'à force de complexité et de technologisation à outrance, l'innovation perd de son sens. Qu'en dites-vous ?

N.R. La question est liée, en fait, à la question du besoin. Pendant la crise du Covid-19, le besoin était clairement identifié : nous n'avions plus assez de respirateurs alors on s'est mis à inventer des solutions alternatives comme le masque de Renato Favero. C'était utile. Et ce fut d'ailleurs tellement ingénieux et efficace que les médias du monde entier se sont emparés du sujet. Mais lorsque nous ne sommes pas en temps de crise, le besoin se fait plus flou. Une fameuse phrase de Steve Jobs raconte cela. « Vous ne pouvez pas demander aux gens ce que va être la prochaine grande révolution », disait-il. Et pour étayer son opinion, il s'appuyait sur une citation de Henry Ford qui a dit un jour : « Si j'avais demandé à mes clients ce qu'ils voulaient, ils m'auraient répondu : un cheval plus rapide. » On comprend avec cet exemple que le consommateur se méprend souvent sur la nature de son besoin. D'où l'importance, quand on parle de besoin, d'être dans une approche consumer centric plutôt que consumer driven, c'est-à-dire en observation du comportement du consommateur. Souvent, les besoins latents ne sont jamais explicités. Pour reprendre l'exemple du potier indien qui trouve une solution pour conserver de l'eau au frais, le besoin était avéré mais jamais clairement prononcé. D'où la volonté de clore le livre par un chapitre sur l'empathie. C'est bien elle qui fait que le potier a voulu trouver une solution non seulement pour lui mais pour son village et sa région. C'est l'empathie qui nous fait voir et écouter l'autre, aller à sa rencontre, comprendre sa vie, ses problèmes, ses besoins spéciaux. Je vois quelque chose : la situation me remue tellement que je me mets à chercher une solution technique pour remédier au problème. Il ne faut pas croire que cela s'adresse uniquement aux besoins d'un Autre lointain. Souvent, la solution innovante est trouvée par ceux-là mêmes qui sont au contact direct du problème. Le potier indien a créé une solution pour le contexte de sa région. Le médecin italien a inventé son respirateur en plein Covid-19 en mesurant directement les défaillances du système de santé dans son hôpital. C'est localement que l'action s'imagine et se dénoue !

Certains mots font peur... La « décroissance », en Europe, effraie une bonne partie de l'opinion. On a l'impression qu'il s'agit d'un sacrifice. Que répondez-vous à cela ? Et est-ce que le jugaad est en mesure de montrer un autre chemin ?

N.R. Il y a un certain danger à imposer l'arrêt de la consommation. Trop souvent, on entend des discours du type : « Ne faites plus cela ! » ou bien « Cessez d'agir de telle manière ! » On manie trop souvent le bâton et trop peu la carotte. Lors de la parution de la première édition du livre, au début des années 2000, on sentait une émulation, une mouvance, quelque chose qui permettait d'entrevoir un autre futur sur de meilleures bases. Ce n'étaient pas que des solutions technologiques qui en émanaient, mais aussi, et surtout, d'autres modèles de développement : l'économie de partage, le localisme. Et puis, en 2015, le vent a tourné. On s'est remis à penser l'innovation en des termes très « techno ». J'aimerais, pour ma part, voir de nouveaux modèles s'inventer, notamment autour de l'usage. Car il y a tant à faire et à explorer ! Par exemple, en Chine, Unilever teste le vrac au contact direct du client, au sein même des bâtiments d'habitation. C'est-à-dire qu'ils livrent des installations de vrac dans les sous-sols des tours pour que le consommateur ne se déplace plus jusqu'au supermarché. C'est intéressant à plusieurs titres : pour lutter contre la pollution, l'engorgement urbain et pour permettre aux personnes âgées de maintenir de l'autonomie. Il y a plein d'innovations d'usage, dans les pays émergents mais aussi en France. Cela se passe partout ! Et là, on ne décroît pas, on fait autrement ! Et on combat ce que les Américains nomment sobriety fatigue, en d'autres mots, la lassitude citoyenne autour d'un discours culpabilisant. Le vocabulaire compte. On pourrait parler plus d'alternatives.

Dans votre livre, vous dites, comme pour bousculer le lecteur, que les crises nous font du bien... Finalement, traverser des crises nous ferait progresser ?

N.R. Oui ! Si vous regardez bien, que ce soient la Grande Récession ou la crise climatique que nous vivons actuellement, ces moments challengent nos schémas mentaux, nous secouent. Il en fut de même avec le Covid-19. À cette occasion, nous avons vu deux choses : d'abord, une forme de lâcher-prise, notamment dans les normes et les lois, car il s'agissait d'aller vite et de trouver des solutions aux problèmes peu courants posés par la propagation de la pandémie. L'AFNOR a permis de produire une quantité de masques importante en un temps record. La réglementation a été relâchée. De même en matière de relation au travail salarié. Il y eut nombre de dérogations permettant de travailler depuis chez soi, de réduire la présence physique. L'innovation fut ainsi politique. La crise vous donne cette marge de manœuvre. Dans les territoires, on a constaté que l'un des effets de la crise du Covid-19 fut de retrouver une certaine forme de solidarité. Soudain, on parlait avec son voisin, on aidait ceux qui étaient proches géographiquement, on sortait moins de son quartier ou de sa ville alors on en prenait d'autant plus soin. Et c'est d'autant plus intéressant que l'on ne parlait alors pas de charité mais bien d'innovation dans la manière de vivre ensemble.

On pourrait voir dans le jugaad l'importation d'une philosophie indienne. Or, aux quatre coins du monde, on agit sur le même principe, dites-vous ?

N.R. Tout à fait ! Le cas de l'Afrique nous a beaucoup intéressés avec mes coauteurs Simone Ahuja et Jaideep Prabhu. Car partout sur ce continent, on expérimente des conditions extrêmes mais aussi des solutions pour y faire face. Un exemple très intéressant le résume bien : la téléphonie mobile. Il y a dix ans, en Afrique subsaharienne, 80 % des habitants n'avaient ni compte bancaire ni accès à des services financiers. Mais tous avaient un téléphone portable. L'idée, c'était donc de faire avec l'existant, de faire avec l'abondant (la téléphonie mobile) pour remédier à ce qui est rare (le service bancaire). Cette réflexion est à la base de la création d'Orange Money, notamment. En Afrique, il y a cette capacité de recourir à la « débrouille ». On appelle cela le « Système D » dans toute l'Afrique francophone. Cela prouve surtout que l'esprit jugaad ne se limite pas à l'Inde, qu'il est exportable et déjà mis en œuvre aux quatre coins du monde avec ses adaptations, ses variantes, de la Chine, au Brésil en passant par le Kenya, la Côte d'Ivoire et le Nigeria où des entrepreneurs vraiment ambitieux sont également à la poursuite de la croissance dans un environnement difficile.

Il semblerait que la nouvelle génération de chercheurs soit très réceptive à l'innovation frugale...

N.R. Je crois que la nouvelle génération est déterminée à faire mieux avec moins. C'est un changement de vision par rapport à leurs aînés. Ça va donc dans la bonne direction ! Il existe des manifestes qui vont en ce sens au sein de plusieurs écoles d'architecture ou encore à Nantes, chez les ingénieurs de L'École nationale supérieure Mines-Télécom Atlantique Bretagne Pays de la Loire (IMT). Pour ma part, en lien avec l'IMT Grand-Est, je travaille à la création d'un cursus spécial autour de l'innovation frugale. Les futurs ingénieurs que je rencontre sont très « cablés » pour travailler sur ces sujets ! C'est plutôt auprès des quadras et quinquas qu'il faut faire de la pédagogie. Mais je suis optimiste. Les interlocuteurs sont réceptifs. La vraie question étant toujours la même : a-t-on encore le luxe d'attendre que la transition se fasse doucement ? Le climat ambiant pousse les acteurs à temporiser encore plus. Pour prendre une image parlante, il ne faudrait pas se contenter de mettre du vieux vin dans une nouvelle bouteille avec une belle étiquette... Nous avons besoin d'un changement de paradigme. Pas de prolonger des modèles obsolètes.

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Commentaires 4
à écrit le 02/07/2023 à 9:43
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Et dire, qu'il suffirait de supprimer la publicité pour que cela ne se vende pas et que l'on sache s'en "passer" !

à écrit le 01/07/2023 à 7:53
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Ben oui consommer moins et mieux en se servant de cet extraordinaire outil délaissé par nos classes dirigeantes car les empêchant de gagner toujours plus toujours plus vite, qu'est le cerveau. tout simplement mais ce qui est simple est compliqué à me...

le 01/07/2023 à 9:19
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Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Un exemple , prenez une circulaire administrative rédigée intentionnellement dans des termes abscons qu'il est indispensable d'y adjoindre une note explicative pour être comprise par le plus gran...

le 01/07/2023 à 9:39
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"Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?" Parce que ça permet de multiplier les intermédiaires et ainsi les placements de réseaux.

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