Entreprises : envolée record des faillites en 2022 (+50%), la crise énergétique pèse sur 2023

Les défaillances ont bondi de 49,9% entre 2021 et 2022 pour s'établir à 42.000 (contre 28.000 en 2021, 32.000 en 2020 et 51.000 en 2019), selon les derniers chiffres dévoilés par le cabinet Altares. Les faillites ont grimpé en flèche dans toutes les régions françaises. Le débranchement progressif des aides du « quoi qu'il en coûte », la guerre en Ukraine et le coup de frein de l'économie ont allongé les files d'attente dans les tribunaux de commerce. Les PME et jeunes entreprises, fragilisées par les longues années de pandémie, sont les plus menacées par la poursuite de la crise énergétique en 2023 et les menaces de récession.
Grégoire Normand
Les faillites ont bondi dans la restauration et les brasseries.
Les faillites ont bondi dans la restauration et les brasseries. (Crédits : Reuters)

Un an après l'éclatement de la guerre en Ukraine, la tendance à la baisse des faillites d'entreprises a-t-elle commencé à s'inverser ? Après plusieurs années de « quoi qu'il en coûte», le ciblage des aides va-t-il précipiter beaucoup de PME et TPE dans la difficulté? L'ampleur de la récession en 2020 (-7,9%) avait laissé craindre une déferlante de faillites en France et en Europe. Mais les différents dispositifs d'aides mis en œuvre sur les trois dernières années ont plutôt bien protégé une grande partie du tissu productif tricolore. Mais après cette parenthèse, l'onde de choc provoquée par la guerre en Ukraine a changé la donne.

Selon un bilan d'Altares dévoilé ce mardi 17 janvier, le nombre de faillites d'entreprises s'est envolé de 50% entre 2021 et 2022, mais sans retrouver son niveau d'avant-Covid. Le cabinet a enregistré 42.500 faillites l'année dernière, contre 28.371 en 2021 et 32.280 en 2020, mais encore assez loin des 52.144 de 2019.

« Sur 2022, le nombre de 42.000 reste en deçà de celui d'avant Covid [52.144 en 2019]. Sur le chiffre de 50%, il s'agit d'un record. Cela signifie que sur chaque mois, il y a eu une forte hausse », détaille Thierry Millon, directeur des études chez Altares interrogé par La Tribune.

Aux difficultés d'approvisionnement s'est ajoutée la crise énergétique qui frappe tout le Vieux Continent. Il est encore difficile à ce stade d'évaluer les dégâts de cette crise aux multiples facettes. La croissance économique a fortement marqué le pas à la fin de l'année 2022 et reste engluée à 0,1% au premier trimestre, selon les dernières prévisions de la Banque de France publiées la semaine dernière.

« Depuis la fin 2021, il y a eu une amorce des hausses de défauts dans les entreprises. C'est plus difficile depuis le début de l'année 2022. Cette tendance lourde, qui ne s'est pas démentie en fin d'année 2022, nous embarque sur une trajectoire inconfortable en 2023 », a ajouté Thierry Millon.

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La restauration (+112%) et l'industrie (+68%) en première ligne

Parmi les secteurs étudiés, la restauration et les débits de boisson sont en première ligne. Après avoir bénéficié du « quoi qu'il en coûte  » et du fort rebond de l'économie en 2021, les restaurants font part de nombreuses difficultés. En 2022, plus de 4.400 établissements ont mis la clé sous la porte, selon le bilan d'Altares. C'est un bond spectaculaire de 112% par rapport à 2021. Au dernier trimestre, le rythme n'a quasiment pas faibli, à 108% par rapport à la même période l'année précédente. « La guerre en Ukraine et l'inflation ont eu un impact sur la clientèle dans les restaurants », précise M. Millon.

L'autre secteur en pleine torpeur est l'industrie. Les défaillances ont largement accéléré en 2022 (+68%). « 3.083 procédures ont été ouvertes dont 1.314 en agroalimentaire », souligne Altares. Les confinements en Chine et la guerre en Ukraine ont déstabilisé les chaînes d'approvisionnement en Europe, auxquels il faut ajouter l'envolée des prix de l'énergie et des matières premières. Résultat, de nombreux industriels ont dû ralentir la cadence ou mettre sur pause les lignes de production en attendant des jours meilleurs. L'industrie tricolore, déjà à la peine, pourrait payer un lourd tribut dans cette crise.

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Parmi les autres secteurs concernés par des augmentations impressionnantes figurent les transports et le commerce (+55%).

« C'est dans le commerce de détail que les tendances sont les plus sévères notamment dans le multi-rayons (827 ; +85%) et plus particulièrement en épicerie dont le nombre des défaillances a doublé en 2022 (635) dépassant ainsi déjà largement celui de 2019 (568) », indique Altares.

Le commerce en ligne est également frappé de plein fouet. La fin des mesures de confinement et la réouverture des commerces physiques ont mis un coup d'arrêt aux opportunités de la vente en ligne dans de nombreux secteurs.

« Le commerce en ligne fait face à un défaut de demande », résume Thierry Millon.

+78% pour les PME jusqu'à 100 salariés

Par taille d'entreprise, ce sont les PME qui ont connu la hausse la plus importante des défaillances entre 2021 et 2022 : +78% pour les petites et moyennes entreprises jusqu'à 100 salariés. La fin de l'année a été particulièrement douloureuse avec la plus forte dégradation enregistrée depuis 2014 (+93%).

« Certaines structures peuvent mettre en difficulté des territoires entiers, explique Thierry Millon. Il existe un vrai risque "d'effet domino" dans certaines régions. Le tiers des PME en faillite l'année dernière sont tombées au dernier trimestre. La trajectoire des PME me paraît plus problématique en raison du risque de propagation. Les PME sont des entreprises qui embarquent des prêteurs, des sous-traitants, des clients », alerte le spécialiste.

Les plus grandes entreprises sont loin d'être épargnées avec une hausse de 28%, mais ce chiffre reste très en deçà de la moyenne nationale (+50%). Sur le front de l'emploi, le nombre d'emplois menacés a bondi à plus de 140.000 l'année dernière, contre moins de 100.000 en 2021.

Hauts-de-France et Occitanie dans le rouge

Mais ces chiffres demeurent bien inférieurs à ceux d'avant la crise sanitaire. En 2019 et 2018, les emplois menacés dépassaient la barre symbolique des 170.000.

Au plan géographique, les Hauts-de-France (77,1%), l'Occitanie (62,7%) et la Corse (66,8%) sont les trois régions où les dynamiques de faillites sont les plus fortes. A l'inverse, l'Ile-de-France (+35%) et la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur (PACA) freinent cette envolée.

En 2023, la crainte d'un retour au niveau de 2019 plus rapide que prévu

Les entreprises entament 2023 dans un contexte économique particulièrement dégradé. La plupart des économistes et instituts de conjoncture ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance ces derniers mois et le spectre d'une récession en Europe se renforce de jour en jour. Dans ce climat d'incertitudes, le cabinet spécialiste de l'état de santé des entreprises anticipe un retour au niveau de 2019 plus rapidement que prévu.

« 2019 s'était achevé sur 52.000 défaillances, 2023 pourrait dépasser ce seuil et nous ramener aux valeurs de 2017 au-delà de 55.000 », prévient Thierry Million.

« Le scénario le plus favorable serait de revenir aux chiffres de 2019 avant la fin de l'année 2023. Le scénario le plus défavorable est que la France dépasse les 60.000, » poursuit l'expert.

Le cabinet table sur « une poursuite de la hausse. Mais pas d'accélération en 2023. Tout va dépendre de la capacité des entreprises à rembourser leur dette (PGE, cotisations). Le but est d'éviter un effet ciseau rapidement. »

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Méthode : les statistiques Altares de défaillances d'entreprises comptabilisent l'ensemble des entités légales disposant d'un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l'objet d'un jugement d'ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire.

Grégoire Normand
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