Les nuages s'accumulent encore au dessus de l'économie française. Après les deux longues années de pandémie, la croissance française devrait marquer le pas plus que prévu en 2022 selon la plupart des instituts de statistiques. L'éclatement de la guerre en Ukraine à la fin du mois de février a considérablement assombri les perspectives économiques. Alors que l'armée russe a changé de stratégie en se concentrant sur quelques fronts, la perspective d'une guerre à rallonge se confirme deux mois après le début des hostilités. Dans ce contexte troublé, les chefs d'entreprises restent particulièrement pessimistes. L'indicateur de l'optimisme mesuré dans le cadre de la Grande consultation des entrepreneurs (GCE) menée par OpinionWay pour La Tribune, CCI France et LCI est resté au plus bas en avril à 67 contre 66 en mars, soit un niveau inédit depuis janvier 2021.
Dans les entreprises de plus de 10 salariés, le moral est encore plus bas (à 64) que dans les très petites entreprises inférieures à 10 employés (67). Dans son dernier bulletin économique dévoilé jeudi 28 avril, la Banque centrale européenne (BCE) estime que "l'inflation restera élevée au cours des prochains mois, principalement en raison de la vive hausse des coûts de l'énergie". Les confinements de masse en Chine et la politique "zéro covid" menée par Pékin risquent encore de perturber les chaînes d'approvisionnement pour un long moment. Face à cette conjoncture dégradée, les entreprises doivent arrêter des choix.
La moitié des entreprises françaises ont entrepris des démarches pour faire face à la hausse des prix
L'un des principaux enseignements de ce baromètre est que 50% des entreprises interrogées ont indiqué qu'elles avaient entrepris des démarches pour faire face à la hausse des prix de l'énergie (essence, électricité, gaz). Derrière cette moyenne, des disparités spectaculaires existent entre les secteurs.
Ainsi, dans l'industrie par exemple, 68% des répondants ont été obligés de prendre de nouvelles mesures. Ce ratio s'élève à 64% dans la construction et 61% dans le commerce. À l'opposé, 41% des entreprises dans les services affirment qu'elles sont restées attentistes.
Ces écarts montrent bien que la succession des crises depuis maintenant le printemps 2020 (pandémie, guerre en Ukraine) frappe les secteurs de manière très différenciée.
Jouer sur le prix de vente, les marges ou l'alternative énergétique
Parmi les mesures évoquées, 15% des répondants affirment qu'ils ont augmenté les prix de vente de leurs produits pour répercuter ces hausses des prix de l'énergie. Dans la construction, un tiers des dirigeants ont choisi cette option, contre 24% dans le commerce et 21% dans l'industrie.
La seconde mesure la plus évoquée est la baisse des marges pour 15% des répondants. Là encore, il existe de fortes disparités selon les secteurs. Dans la construction par exemple, 26% ont décidé de rogner sur leurs marges contre 24% dans le commerce, 20% dans l'industrie ou seulement 8% dans les services.
Enfin, 8% des personnes interrogées indiquent qu'elles ont adopté des solutions alternatives sur le plan énergétique, 3% ont renégocié leur contrat d'énergie, 2% ont changé de fournisseur et 2% ont renforcé le recours au télétravail.
Même si les différentes mesures gouvernementales (bouclier tarifaire, prise en charge d'une partie des factures d'énergie, plan de résilience) permettent d'amortir une partie du choc énergétique, une grande partie des entreprises sont prises en tenaille pour tenter de limiter les dégâts.
Paradoxalement, la confiance en l'avenir remonte
Après avoir chuté fortement entre février et mars, les indicateurs concernant les perspectives sont reparties à la hausse au mois d'avril. Au plus bas au mois de mars (11%, un record depuis que la série, lancée en 2015, existe), la proportion d'entreprises confiantes sur le futur de l'économie mondiale grimpe légèrement pour atteindre 15%.
Sur l'économie française, le pourcentage d'entreprises confiantes sur les perspectives est également en hausse, passant de 18% à 22%. Enfin, le niveau de confiance des dirigeants à l'égard de leur entreprise rebondit également pour passer de 64% à 67%. Autre signe d'espoir, 90% des dirigeants interrogés envisagent de maintenir le nombre de salariés au même niveau, quand 9% songent même à embaucher. A l'inverse, seulement 1% des répondants veut tailler dans ses effectifs dans les 12 prochains mois. En dépit de nombreux aléas et de perspectives incertaines, une partie des dirigeants gardent donc le moral.
___
(*) Méthode : étude réalisée auprès d'un échantillon de 607 dirigeants d'entreprise. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation. L'échantillon a été interrogé par téléphone. Les interviews ont eu lieu du 13 au 22 avril 2022, soit entre les deux tours de l'élection présidentielle.