
Depuis ce lundi 3 avril, les tarifs de l'intérim médical dans les hôpitaux publics sont plafonnés, à 1.390 euros brut pour 24 heures. Un tour de vis assumé par le gouvernement. Ce dernier a décidé de faire appliquer cette mesure qui existe depuis 2016, sans jamais avoir été mise en œuvre réellement, malgré les craintes de fermetures de services. Le ministre de la Santé se veut rassurant :
« Nous travaillons avec les ARS (ndlr : agences régionales de santé) et avons des solutions pour les trois premières semaines d'avril. Il n'y a pas de service qui va fermer de façon sèche, grâce à la mobilisation des établissements, des médecins » et à la « solidarité territoriale », a déclaré François Braun sur BFMTV/RMC.
Un certain nombre de médecins intérimaires, qui sont cruciaux pour beaucoup d'hôpitaux de petites et moyennes villes, ont assuré qu'ils ne viendraient pas travailler s'ils ne pouvaient plus négocier leurs tarifs. « On suit l'affaire deux fois par jour, les plannings (des hôpitaux) sont remplis », a assuré le ministre. Et d'ajouter, plutôt confiant : « Je ne doute pas que de nombreux intérimaires reviennent ».
Les médecins hospitaliers favorables au changement
Dans un pointage en fin de semaine dernière, le Syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH) recensait 167 services « menacés de fermeture imminente » dans une centaine d'hôpitaux en France. Les services menacés de fermeture ou de perturbations de fonctionnement sont souvent des services très sensibles pour les élus locaux et la population, comme les maternités, les urgences ou les blocs opératoires. « Nous sommes déterminés à refuser tout "plafonnement" », prévient son président, l'urgentiste Éric Reboli.
Il est toutefois bien esseulé dans la communauté médicale. Les syndicats de praticiens hospitaliers lorgnent en effet les économies potentielles sur l'intérim - qui coûte chaque année 1,5 milliard aux hôpitaux - et demandent au gouvernement d'ouvrir une négociation salariale.
« Il faut remettre de l'attractivité pour la médecine hospitalière », plaide également Thierry Godeau, président de la conférence nationale des commissions médicales d'établissements de centres hospitaliers. Au nom de ses confrères de 750 hôpitaux publics, il souhaite « parler des gardes, des astreintes », ou encore « doubler la rémunération des heures supplémentaires ».
Revendication soutenue par l'Ordre des médecins, qui juge dans le même temps que « certaines pratiques excessives (...) n'ont déontologiquement plus lieu d'être » et appelle les intérimaires et « l'administration hospitalière » à « respecter le tact et la mesure dans les rémunérations ».
Les directeurs d'hôpitaux du Syncass-CFDT, premier syndicat chez ces hauts fonctionnaires, espèrent eux « pouvoir compter sur le soutien de l'État », afin qu'aucun de leurs collègues ne se retrouve « seul pour assumer la fermeture d'un service faute de praticiens acceptant les tarifs fixés par les textes ».
Une grève attendue
En coulisse, le ministre se prépare depuis des mois à un printemps difficile. « Les intérimaires vont se mettre en grève ou refuser de travailler, on le sait parfaitement, ça va durer un mois », prédisait-il déjà en octobre. « Il y a eu des dérives de l'intérim », a-t-il indiqué encore ce lundi. « C'est un système de marchandisation de la santé qu'il faut condamner et c'est contre ça que je me bats ».
Il promet depuis des mois d'en finir avec « l'intérim cannibale » et ses « dérives » - jusqu'à 4.000 voire 5.000 euros brut pour 24 heures - « qui signeront à court terme la mort de notre service public hospitalier ». Ce qui ne l'a pas empêché d'accorder la semaine dernière une hausse de 20% au salaire des intérimaires, pour atteindre ces fameux 1.390 euros brut. « Une somme tout à fait acceptable », estimait-il.
L'application de ce plafond, voté en 2016, s'est en tout cas heurtée aux murs jusqu'à présent. Lorsque l'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, fixe en 2018 le tarif maximal à 1.400 euros pour 24 heures, les médecins intérimaires répliquent par une « liste noire » des hôpitaux à « éviter ». Lorsque le dispositif est renforcé avec une deuxième loi en 2021, alors que le prix de la garde est descendu à 1.170 euros, Olivier Véran suspend in extremis son entrée en vigueur, en pleine vague hivernale de Covid.
(Avec AFP)