"L'autonomie financière des collectivités a été mise à mal", Johanna Rolland, France urbaine

INTERVIEW. Élue présidente de l'association d'élu(e)s France urbaine en septembre, qui regroupe les dirigeant(e)s des grandes villes et des métropoles, la maire (PS) de Nantes et patronne de Nantes Métropole, Johanna Rolland, interpelle le gouvernement sur la question des finances locales. En tête des priorités, la question du versement transport.
César Armand
La France demeure un pays jacobin et centralisé dénonce la maire (PS) de Nantes et présidente de France urbaine Johanna Rolland.
"La France demeure un pays jacobin et centralisé" dénonce la maire (PS) de Nantes et présidente de France urbaine Johanna Rolland. (Crédits : Martial RUAUD – Ville de Nantes.)

[article publié le 4 novembre 2020 à 15h20, mis à jour le 4 novembre 2020 à 17h35 avec les annonces du gouvernement sur le versement transport]

LA TRIBUNE - Dans quel état d'esprit sont les grandes villes près d'une semaine après le retour du confinement ?

JOHANNA ROLLAND - 
Nous nous sommes réunis mardi matin [le 3 novembre, Ndlr] en visioconférence pendant près de deux heures. De nombreux sujets ont été mis sur la table, provoquant de denses et riches échanges entre nous, et en premier lieu la situation sanitaire.

Les niveaux de l'épidémie restent encore différents selon les territoires, où de 30% à 80% des lits de réanimation sont occupés. La situation est particulièrement grave. Toutes les sensibilités politiques constatent en outre une très forte hausse de la pauvreté dans nos métropoles, mais la réponse de l'État reste largement insuffisante avec seulement 0,8% du plan de relance consacré à la question.

En première ligne, les associations nous alertent et nous devons déclencher des premières mesures, mais il nous faut des moyens de fonctionnement. Aujourd'hui, nous n'avons toujours pas de réponse du gouvernement, alors que nos dépenses de solidarité apportent des filets de sécurité. Nous avons donc décidé de confier au maire de Nancy et président de la Métropole du Grand Nancy, Mathieu Klein, un groupe de travail dédié.

Vos collectivités ont d'ailleurs déjà perdu des milliards d'euros depuis le début de la crise sanitaire. Entre la territorialisation du plan de relance et la loi 3D qui arrive au Parlement, espérez-vous toujours l'autonomie financière ?
Nous sommes unanimes sur la question des finances locales. Quid de l'autonomie des collectivités sans liberté de financement et sans garantie sur les recettes? Nous attendons ce tournant qui est absolument indispensable, mais nous n'avons obtenu aucune réponse.

La France demeure un pays jacobin et centralisé. Or, il ne peut y avoir de nouvelle étape de la décentralisation sans réelle autonomie des collectivités. A ce stade, nous entendons un Premier ministre attaché au rôle des territoires, mais nous attendons toujours, fortement et fermement, une traduction de ces éléments.

À cet égard, le sujet du versement transport [la contribution des entreprises aux collectivités pour financer les transports en commun, Ndlr] est une question d'équité. Si elle est réglée pour les autorités organisatrices de mobilité structurées en syndicats, à l'image de la solution trouvée par le gouvernement pour Île-de-France Mobilités, elle ne l'est pas pour la majorité d'entre elles qui ne sont pas en syndicat mixte. Ce sera un manque à gagner annuel de 10 à 20 millions d'euros pour nos finances dès 2020.

[Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 contiendra "le financement nécessaire pour assurer le dispositif d'avance remboursable aux autorités organisatrices de mobilité à hauteur de 1,2 milliard pour Ile-de-France Mobilités (et) à hauteur de 750 millions d'euros pour les autres autorités organisatrices", a indiqué, dans l'après-midi du 4 novembre, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Ndlr]

Nous nous situons à un moment important, étant attendus sur la relance du pays.

Dans nos colonnes la semaine dernière, la ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, annonçait justement le déblocage de 16 des 100 milliards d'euros sous forme d'enveloppes régionalisées. Certain(e)s président(e)s de région aimeraient récupérer l'ensemble des compétences économiques...

Ce débat a déjà été tranché lors de l'examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). La constitution des grandes régions renforce en outre cette nécessité de partager ces prérogatives entre eux et nous.

Lire aussi : La revanche des pouvoirs locaux


Autre grand axe du plan de relance : la transition écologique. Comment articuler les actions de l'État et des métropoles ?

La transition écologique et énergétique pèse pour un tiers du plan de relance, conformément aux obligations réglementaires de l'Union européenne. C'est pourquoi je peine à voir le volontarisme écologique. Voulons-nous une relance à l'identique d'avant-crise ?

Aussi est-ce un thème que je souhaite pousser particulièrement à la tête de France urbaine. Les métropoles représentent 70% des émissions de gaz à effet de serre. Autant il est possible de les voir comme une part du problème. Pour autant, je considère qu'elles sont une part de la solution.

Si nous voulons davantage de durabilité, nous devons conjuguer les enjeux de transition écologique et de croissance économique. La ministre du Logement Emmanuelle Wargon nous a proposé un temps de travail avec elle. Nous l'avons accepté dans une logique de responsabilité.

Les professionnels de l'immobilier regrettent que la construction neuve soit la grande oubliée de France Relance, alors que les villes attirent toujours plus d'habitants.

Il faut regarder la politique du logement comme un continuum : du logement social au logement libre en passant par le logement abordable.

La baisse des impôts de production va en revanche vous impacter directement. Comment allez-vous y faire face ?

J'adopte clairement une position pour le moins circonspecte. Lors de la dernière rencontre État-collectivités, nous avons eu un échange assez vif sur le sujet. Cette situation vient s'ajouter à une situation préexistante où l'autonomie financière des collectivités, qui ont engagé des dépenses très fortes comme l'achat de masques, a été mise à mal. Pour l'heure, l'idée d'un fonds de compensation n'a pas non plus obtenu de retour favorable.

Lire aussi : Fiscalité locale: trois ans et demi de désamour entre les métropoles et Macron?

César Armand
Commentaires 2
à écrit le 05/11/2020 à 16:37
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Quand on centralise les moyens financiers, tout en décentralisant les responsabilités, il faut pas sortir de l'ENA pour comprendre le piège!

à écrit le 04/11/2020 à 18:35
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Et bien elles n'ont qu'à s'en prendre à Macron, destructeur en chef du pacte social français.

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