« L’urgence écologique exige de remettre en cause le modèle libéral climaticide défendu par Emmanuel Macron » (Yannick Jadot)

L’ENTRETIEN DU JEUDY- Un an après son cuisant échec à l’élection présidentielle, Yannick Jadot continue son combat contre le réchauffement climatique. Face au coup d’accélérateur de la Chine et des Etats-Unis dans la transition écologique, celui qui va quitter ses fonctions de député européen pour se présenter aux sénatoriales à Paris, redoute que l’Europe ne se fasse doubler par ses rivaux. En cause : son manque d’agilité lié à son cadre réglementaire et normatif. Dénonçant l’inaction climatique d’Emmanuel Macron devant la multiplication des catastrophes naturelles, Yannick Jadot appelle à « remettre en cause le modèle libéral, aujourd'hui clairement climaticide » défendu par le chef de l’Etat. Sur le plan politique, il défend une liste écologiste autonome pour les prochaines élections européennes prévues l’an prochain et milite, pour la prochaine présidentielle de 2027, « pour un programme et une candidature d'union » qui doit « se construire de manière plus équilibrée entre ses différentes composantes Insoumis, écologistes, communistes, socialistes ». En précisant aussitôt que la Nupes n’est pas le bon cadre politique pour cela.
« Au moment où la crise climatique s'accélère, l'Union européenne patine et se laisse déborder par la Chine et l'Amérique de Joe Biden qui investissent massivement dans les renouvelables et les voitures électriques »
« Au moment où la crise climatique s'accélère, l'Union européenne patine et se laisse déborder par la Chine et l'Amérique de Joe Biden qui investissent massivement dans les renouvelables et les voitures électriques » (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous êtes rapporteur au Parlement européen d'un projet de révision des émissions de CO2 qui vise à interdire les camions à moteur thermique. Avez-vous espoir d'aboutir rapidement ?

YANNICK JADOT -
L'idée est toujours la même : tout mettre en œuvre pour que l'Europe atteigne la neutralité climatique au plus tard d'ici à 2050. On constate tous les jours que le dérèglement s'accélère dramatiquement : on doit agir. L'action des écologistes au Parlement européen est constante depuis quinze ans : réviser tous les champs des politiques publiques. Cela va de la réduction des émissions de gaz à effet de serre au développement des renouvelables, à l'efficacité des bâtiments, aux voitures moins polluantes et maintenant la dernière pièce du puzzle ce sont les émissions de CO2 des camions.

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L'objectif, c'est zéro camion à moteur thermique vendus en 2040 avec des étapes intermédiaires en 2030 et 2035. Il s'agit d'accompagner les constructeurs européens (Volvo, Scania, Renault Trucks...) à engager cette mutation technologique et industrielle. Il n'y a pas de temps à perdre car un Etat américain comme la Californie - où les constructeurs européens sont leaders du marché - interdira les camions polluants dès 2036...

2040, n'est-ce pas trop court pour imposer des camions électriques ou à l'hydrogène ?

C'est un enjeu climatique. Le transport routier, c'est 2% des véhicules qui sont sur nos routes mais c'est presque 30% de nos émissions. Même si nous développons le fret ferroviaire, le transport routier va continuer de croître, il faut donc que ce secteur s'adapte. C'est aussi un enjeu sanitaire. La pollution de l'air tue massivement. En Europe, on compte 270.000 morts prématurées liées aux seules particules fines. C'est enfin un enjeu industriel. Moi, ça fait quinze ans que je me bats au Parlement européen pour que notre industrie soit le fer de lance de notre transition écologique. Les constructeurs savent que cette transition est indispensable et que l'on ne peut pas perdre la bataille industrielle engagée avec la Chine. La bataille pour le climat est aussi industrielle !

Il y a une autre urgence : ce sont les bus. Il faudra que d'ici à 2030, 100% des bus qui circulent dans nos villes soient propres.

La transition écologique avance-t-elle plus vite au niveau européen qu'au niveau national ?

Sans aucun doute ! L'Europe est historiquement le fer de lance de la lutte contre le dérèglement climatique. Par sa politique de normes, elle est devenue leader même si pour moi ça n'avance pas assez vite. Mais au moment où la crise climatique s'accélère, l'Union européenne patine et se laisse déborder par la Chine et l'Amérique de Joe Biden qui investissent massivement dans les renouvelables et les voitures électriques. L'Union européenne est un géant des règles et des normes mais un nain budgétaire : elle permet aujourd'hui beaucoup d'aides d'Etat dans les pays membres mais ces aides sont distribuées sans condition environnementale ou sociale. De même, elle bloque toujours la création d'un Buy European Act qui permettrait de privilégier les entreprises européennes dans nos marchés publics (13% du PIB !) dans les secteurs stratégiques, comme le font massivement les Etats-Unis.

Vous évoquez un moment de bascule. Que voulez-vous dire ?

Ce que tous les scientifiques constatent : une accélération du dérèglement climatique et l'inévitable multiplication des événements climatiques extrêmes (sécheresse, canicule, tornade, raz-de-marée, etc...). Nous avons le choix entre deux possibilités : soit, comme le dit l'économiste américain Lester Brown, un moment « Pearl Harbour » c'est-à-dire cet instant de bascule du déni à un état de guerre qu'on affronte, soit se laisser anesthésier et tétaniser, c'est-à-dire ne rien faire. Je crois hélas que ce deuxième est celui choisi par les droites européennes et, en France, par Emmanuel Macron.

Vous êtes sévère. Emmanuel Macron mène le combat pour l'industrie verte, le développement de l'avion du futur, le plan eau, la politique de sobriété. Lui-même a évoqué la « fin de l'abondance »...

Pour évoquer il évoque ! Mais Emmanuel Macron ne prend pas la mesure de l'urgence écologique. Parce que cette urgence exige de remettre en cause le modèle libéral, aujourd'hui clairement climaticide qu'il défend... Il mène une politique d'accommodement alors que la catastrophe est déjà là. C'est vrai qu'il a encouragé la sobriété et les Français ont réduit leur consommation. Mais le message face aux urgences ça ne peut pas être « mettez des cols roulés ! ». La sobriété individuelle doit s'accompagner d'une sobriété collective : où sont les investissements massifs pour la rénovation thermique des bâtiments et dans les transports publics ? Les gouvernements d'Emmanuel Macron refusent de le faire. Le président accumule les erreurs. Il réclame une « pause environnementale » quand il faut accélérer et accompagner socialement et industriellement. Il écarte d'un revers de main l'ISF climatique proposé par les économistes Selma Mahfouz et Pisani-Ferry. C'était le sens d'une de mes propositions lors de ma campagne présidentielle. Sur les voitures électriques, il dit qu'il faut accélérer mais il laisse les constructeurs faire des SUV toujours plus lourds et chers, excluant toute une partie des Français... Au fond, Emmanuel Macron pense que les technologies vont permettre de maintenir ce modèle d'abondance sans le transformer. Il s'adresse à l'imaginaire des Français en évoquant de nouvelles centrales nucléaires ou des avions verts qui ne seront disponibles au mieux que dans 15 ou 20 ans.... Mais il anesthésie les Français qui sont déjà tétanisés par le dérèglement climatique sous nos yeux. Il leur dit « ça va bien se passer » c'est-à-dire qu'on va pouvoir continuer à voyager sans contrainte, à consommer sans restriction, à cultiver sans changer les méthodes productives de l'agriculture française. L'éléphant est au milieu de la pièce et on fait comme si on pouvait l'éviter. Tout ça est absurde voire criminel.

Mais le président de la République ne peut pas tenir en permanence un discours anxiogène...

Comme ses prédécesseurs il fait beaucoup de contrition dans la suite de « La planète brûle et nous regardons ailleurs ». Mais ce qu'on attend de lui c'est une mobilisation de l'ensemble des forces vives de pays, en pensant l'écologie non comme une contrainte mais comme un projet de société, de réconciliation avec le futur et de réconciliation entre nous. Son rôle est aussi de nous projeter dans cet avenir, de dessiner des solutions plutôt que de regarder ailleurs. Oui, nos sociétés sont prises de vertige quand on évoque une hausse de 4°C en moyenne à l'horizon 2100 et chaque dixième de degré de réchauffement percute notre quotidien. Je sais que la tâche des gouvernants n'est pas simple mais il faut sortir du déni. Or, en matière de transition écologique, Emmanuel Macron organise un refus d'obstacle. Et c'est très grave car on n'a encore rien vu. Les crises vont se multiplier au fur et à mesure de l'accélération des chocs thermiques. Les guerres vont revenir. La question de l'accaparement de l'eau, celle de la disparition des terres, de l'augmentation des migrations vont générer tensions et conflits partout sur la planète. Les sociétés vont regarder l'avenir avec de plus en plus d'angoisses et de peurs et, de plus en plus, être tentées de se replier sur leur passé. Cette tendance à regarder derrière quand on est pris de vertige est mauvaise conseillère plutôt que de regarder devant et plus haut. C'est le rôle d'un président de la République de fixer un cap, de faire regarder le pays devant et plus haut. Il faut sortir du déni. S'il ne le fait pas, alors les populistes avec leurs discours contre les étrangers, les musulmans, les noirs, les écologistes, les féministes progresseront. La situation n'est bien sûr pas propre à la France. Une lame de fond est en train de porter l'extrême droite en Europe, de la Suède à la Finlande, de la Pologne à la Hongrie et à l'Italie et, peut-être, demain en Espagne.

Craignez-vous vraiment une relance de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur (pays d'Amérique du sud) alors qu'il est suspendu depuis 2019 ?

La Commission européenne avait porté et conclu l'Accord avec Bolsonaro. Ensuite, il a été suspendu sous la pression notamment des élus écologistes. Maintenant, la présidente de la Commission relance cet accord de libre-échange avec Lula. Or, cet accord est totalement orthogonal avec les données du monde d'aujourd'hui et surtout la crise climatique. Il a été conçu en 1999 c'est-à-dire au siècle dernier ! Les questions climatiques, celles des droits sociaux et des droits humains ne se posaient pas de la même façon. Cet accord, qui consiste à favoriser les importations de boeuf, de poulets, de soja et d'éthanol contre des exportations de voitures, est une catastrophe. Il va accélérer la déforestation de l'Amazonie, aggraver le réchauffement climatique et la pauvreté dans les pays du Mercosur.

Quel bilan tirez-vous de vos trois mandats de député européen ?

J'ai d'abord eu deux premiers mandats marqués par une énorme défiance vis-à-vis de l'Union européenne. Il a fallu affronter la crise de l'euro et la quasi faillite de la Grèce. C'est l'époque où une partie des Etats membres ont fustigé les pays du sud accusés de ne pas savoir gérer leurs budgets. On a frôlé la scission. Et puis, le patron de la BCE de l'époque a dit « on sauve la Grèce quoi qu'il en coûte ». Mario Draghi a sauvé l'UE. Depuis, plus personne ne veut sortir de l'euro. La crise a renforcé l'Europe. Après il y a eu le Brexit qui s'est soldé par un échec de reconquête de souveraineté. Ceux qui ont le plus voté pour le Brexit sont ceux qui sont le plus touchés comme les agriculteurs anglais. Il reste néanmoins une division latente entre les pays de l'Est et de l'Ouest notamment à cause des régimes illibéraux en Pologne et en Hongrie.

La crise du Covid a aussi contribué à renforcer l'UE notamment par son action rapide sur les vaccins. Enfin, avec la guerre en Ukraine, elle a démontré sa solidarité et son soutien très fort à notre voisin ukrainien attaqué par Poutine. L'Europe s'est renforcée en prouvant qu'elles pouvaient changer ses règles. Les contraintes restent lourdes : sans véritable capacité d'investissement, soumise à la montée des extrêmes droites anti-migrants, toujours confrontée aux égoïsmes nationaux, aux agressions illibérales à l'extérieur et en son sein, l'UE doit franchir une nouvelle étape : environnementale, sociale et industrielle. C'est sur ses valeurs qu'elle puisera, démocratiquement, les forces pour relever les grands défis.

Quelles sont vos principales fiertés ?

L'Europe ressort encore plus écolo. Ce qui n'est pas la moindre de mes satisfactions. On s'est battu pour imposer le « green deal ». Et même si cela ne va pas assez loin, tous ces enjeux du climat, de défense de la biodiversité, et de leurs articulations avec la justice sociale et le progrès économique sont au cœur de l'agenda. On a fait reculer le climato-scepticisme. La perspective n'est pas forcément totalement réjouissante. L'UE doit encore changer de braquet et investir bien davantage si elle veut rester à la pointe du combat contre le dérèglement climatique.

L'influence française en Europe est-elle en déclin ?

Avant Emmanuel Macron, le leadership en Europe était de facto allemand avec Angela Merkel. Quand Emmanuel Macron arrive, il porte incontestablement des positions très européennes. Il affiche de bonnes intentions et veut faire bouger les choses. Il y a eu un moment Macron au niveau européen. Mais hélas, ça ne s'est pas passé comme ça. Le moteur franco-allemand s'est grippé. L'attitude d'Emmanuel Macron vis-à-vis de Poutine a très vite jeté un trouble et, cela dès son arrivée. Ses propositions en matière de politique de défense vont braquer l'Europe de l'Est, car il reprend trop complaisamment la propagande russe sur les menaces sur la sécurité de la Russie comme si c'était nous qui portions la menace. Une erreur lourde de conséquences alors que se profilait l'invasion en Ukraine. Jusqu'à celle-ci, Emmanuel Macron va relayer la propagande russe. Son seul succès, notamment avec l'Allemagne, sur la scène européenne depuis 2017 c'est le plan de relance et cette idée de mutualiser les dettes. Mais au final, l'influence française a reculé. On le voit notamment sur les politiques industrielles. A force de vouloir faire financer par l'Union la faillite du nucléaire français, Emmanuel Macron apparaît rétrograde et nationaliste. Il n'est plus du tout perçu comme un leader en Europe. Il est plutôt vu comme quelqu'un d'arrogant, donneur de leçons qui veut imposer ses vues plutôt que de convaincre. Ce qui est le plus insupportable c'est qu'il fait de la politique européenne à destination de l'opinion française au lieu de faire avancer l'Europe pour convaincre les Français. Aujourd'hui, le leader en Europe ce n'est pas Macron c'est Zelensky

Pourquoi quittez-vous le Parlement européen ?

Parce que j'ai fait trois mandats. Je pense y avoir bien travaillé notamment sur les questions de commerce, de politique industrielle et d'écologie. J'ai quelques victoires quand même sur l'interdiction de la pêche électrique, l'interdiction de la pêche en eaux profondes et la lutte contre la mondialisation dérégulée. J'ai été le premier rapporteur européen sur l'ajustement carbone aux frontières.

Soutenez-vous une liste écologiste autonome ou une liste Nupes à la prochaine élection européenne ?

Une liste écologiste autonome ! D'abord, parce que nous sommes profondément pro-européens, sans ambiguïté. Pour nous, l'Europe ne fait pas partie du problème, l'Europe est une large partie de la solution. Tous les grands sujets auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui ne se régleront qu'au niveau européen. C'est pour cela qu'il faut un maximum de députés écologistes. C'est sans doute aussi pour cette raison que nous performons à ce scrutin, Les Verts hier et Europe-Ecologie/Les Verts aujourd'hui n'ont jamais fait de la politique nationale avec les élections européennes. Ce qui est la tentation de beaucoup de partis. L'argument des Insoumis qui nous explique qu'on pourrait être en tête avec une liste commune de la gauche n'est pas le sujet. Le sujet c'est l'Europe et la place de l'écologie et de la gauche au niveau européen. L'Europe est une cause sincère pour les écologistes. C'est pour cela que nous avons toujours refusé de nationaliser le scrutin européen.

Donc on fait comme avant. Et à la prochaine élection présidentielle, la gauche et les écologistes iront chacun avec leur candidat ?

Je suis convaincu et, j'avais tenté de le faire en 2017 (ndlr, Jadot avait retiré sa candidature) et en 2022, qu'il nous faudra un programme et une candidature d'union. Je rappelle que lors de la dernière présidentielle, Jean-Luc Mélenchon n'a pas voulu en entendre parler, ni d'ailleurs Fabien Roussel ou Anne Hidalgo. Tactiquement et politiquement, nous n'aurons pas le choix en 2027.

La Nupes est-elle le bon vecteur pour préparer une candidature d'union en 2027 ?

Je ne pense pas que ce soit le bon cadre politique. Cela a été un accord performant pour les élections législatives. Nous n'avons pas gagné mais nous avons obtenu des sièges. Il faut rendre à César ce qui lui appartient : Jean-Luc Mélenchon a eu la bonne intuition et il l'a mise en œuvre. Mais cet accord est d'abord électoral. Et repose sur le seul rapport de force du premier tour de l'élection présidentielle dont on connaît les dynamiques de votes utiles. L'union doit se construire de manière plus équilibrée entre ses différentes composantes Insoumis, écologistes, communistes, socialistes, et en associant les forces vives du pays pour créer la dynamique indispensable pour battre l'extrême droite. Car l'objectif n'est pas seulement d'être au second tour, mais de le gagner ! On ne peut organiser 2027 au sein d'une structure, la Nupes, qui dépend trop largement des idées, bonnes ou mauvaises, des coups de gueule, voire les oukases de Jean-Luc Mélenchon. Enfin, pour gagner, il faut arrêter la mise en scène quotidienne des gauches irréconciliables. La haine au quotidien c'est le chemin le plus court pour perdre.

Quel regard portez-vous sur François Ruffin ?

François fait partie incontestablement des personnalités qui émergent et seront au cœur de la construction du projet d'union pour 2027.

Bernard Cazeneuve peut-il incarner l'avenir de la gauche ?

Non. Je ne conteste pas ses qualités de serviteur de l'Etat mais je ne comprends pas sa stratégie de disqualification de tous les autres à gauche. La haine est mauvaise conseillère. Pour lui, les écologistes qui questionnent sur le nucléaire sont disqualifiés. Pour lui, les Insoumis sont assimilés à l'extrême droite. Quant au PS, son Premier secrétaire Olivier Faure l'aurait tué. Ce n'est pas avec de tels arguments qu'on reconstruira demain.

Validez-vous l'écoféminisme de Sandrine Rousseau ?

L'écologie a toujours été féministe. Le féminisme est même consubstantiel de l'écologie politique. Sandrine Rousseau, après d'autres, le porte avec son propre style. Nous portons collectivement ce combat majeur aujourd'hui menacé notamment par la régression d'extrême droite.

Avez-vous analysé les causes de votre échec à la présidentielle ?

Oui. Ma stratégie consistait à porter un projet d'écologie de gouvernement. Je me suis heurté à deux difficultés. D'abord la guerre en Ukraine a tout écrasé et Emmanuel Macron a tout fait pour retarder puis contourner la campagne. Du coup, il n'y a jamais eu de véritables confrontations projets contre projets. On n'a pas parlé d'école, d'écologie, de logement etc... Les Français ont été privés de cette campagne et on en voit le prix aujourd'hui avec le blocage politique du pays. Beaucoup de Français ont voté « contre », tactiquement, plutôt que de voter pour leurs idées. Il est temps de mettre la proportionnelle à l'Assemblée pour renforcer le parlementarisme et sortir d'un présidentialisme dont on voit aujourd'hui les dérives dramatiques.

J'ai voulu, face à l'angoisse de nos concitoyens et à leurs doutes quant à la capacité des écologistes à gouverner, démontrer qu'il y a un chemin pour mettre en œuvre les grandes transitions, énergétique, agricole, sociale, démocratique, économique... Dans cette drôle de campagne, j'aurais surement dû insister autant sur le pourquoi que sur le comment. Dernière leçon, pour mener une campagne présidentielle dans de bonnes conditions, il faut une véritable machine en matière d'organisation. Les écologistes doivent s'équiper !

Le mouvement Europe-Ecologie/Les Verts semble bousculé par la radicalité de certains mouvements de contestation écologique comme Les Soulèvements de la Terre que Gérald Darmanin vient de dissoudre ?

Tout le monde est bousculé par l'accélération du réchauffement climatique. Et en premier lieu les jeunes. Cela nous percute physiquement. Les jeunes veulent agir et je les comprends. Au fond, ces militants reprennent à leur façon ce qui est au cœur de l'écologie politique depuis sa fondation : la désobéissance civile. Moi-même, j'ai arraché des OGM et envahi des sites nucléaires.

Condamnez-vous le recours à la violence par les militants des Soulèvements de la terre notamment à Sainte-Soline ?

Oui, je condamne fermement toutes les formes de violence. Mais il ne faut pas tout confondre. Les Black Blocs revendiquent la violence et parasitent les mobilisations écologistes. Pas les militants des Soulèvements de la Terre. La désobéissance civile participe de la construction de la loi. Quand j'ai arraché des OGM, Nicolas Sarkozy a fini par acter la fin de leur mise en culture. Les victoires sur la démocratie, l'égalité des droits, l'accès aux trithérapies sur le VIH se sont souvent construites sur la désobéissance civile, non violente, et à visage découvert. A Sainte-Soline, les Soulèvements de la terre ont organisé le débat entre les pro et anti bassines. Gérald Darmanin a choisi d'installer un climat de violence. C'est exactement la critique du rapporteur des Nations Unies. Le dispositif de maintien de l'ordre a été discret lors de la manifestation contre le projet d'autoroute entre Toulouse et Castres. Et il n'y a eu aucun débordement.

Quand il y a eu des violences nous les condamnons. Mais il y en avait eu aussi à Notre-Dame-des-Landes contre la construction d'un aéroport auquel l'Etat a fini par renoncer. Je le regrette mais l'inaction de l'Etat sur les défis que sont nos conditions mêmes de vie conduit certaines personnes à considérer la violence comme une option. Je le répète, c'est une impasse dangereuse pour la démocratie et le mouvement écologiste.

Vous contestez la dissolution des Soulèvements de la Terre ?

Oui et c'est même une faute politique. C'est quoi la prochaine étape ? La dissolution de la CGT et de la CFDT parce qu'il y a eu des violences dans les manifestations contre la réforme des retraites ! Emmanuel Macron et Gérald Darmanin usent des mêmes méthodes que la Pologne et la Hongrie, des régimes illibéraux. Ils ouvrent en grand un boulevard à Marine Le Pen. Ce pouvoir a décidément un problème avec les contre-pouvoirs. Emmanuel Macron ne réglera aucun défi environnemental en criminalisant les écologistes.

L'écoterrorisme existe-il ?

Bien sûr que non, c'est juste indigne dans un pays qui a été autant marqué par le terrorisme et notamment le terrorisme islamiste que Gérald Darmanin utilise une telle expression. Des centaines de meurtres ont été perpétrés sur notre sol. Qu'Emmanuel Macron laisse son ministre de l'Intérieur instrumentaliser les victimes du terrorisme démontre l'indigence de leur réponse en matière d'urgence écologique. Ceux qui meurent, ce sont les défenseurs de l'environnement. 1.700 ont été assassinés dans le monde ces vingt dernières années.

Manifester contre la ligne TGV Lyon/Turin, une drôle d'idée pour des écologistes ?

Non, ce n'est aucunement irresponsable parce qu'il n'y a pas de raison de construire cette ligne TGV. Une ligne ferroviaire existe, elle s'appelle la ligne du Mont-Cenis. On a mis un milliard pour la réhabiliter et on peut parfaitement faire rouler des trains de fret avec des camions à bord. Pourquoi dépenser des dizaines de milliards, défoncer une montagne, provoquer des dégâts hydrauliques parfois irréversibles pour un projet qui n'est plus adapté, quand il existe une alternative qui certes, tant pis pour eux, ne conduit pas à gaspiller des milliards d'euros au bénéfice de grands groupes de construction ?

Les écolos apparaissent de plus en plus comme une force politique anti-tout...

Non, arrêtez avec cette facilité. En fait, quand on alerte, on est catastrophiste et quand on propose des solutions, on est irresponsable. Et quand la crise est là, on est incompétent. Ça fait beaucoup. Nous sommes les réalistes ! Ceux qui reprennent sérieusement les rapports scientifiques. Evidemment que nous défendons le train. Mais l'obsession de la SNCF sur le TGV a abîmé profondément les trains du quotidien. Ce qu'on dit, c'est plutôt que de faire des investissements qui vont détruire des territoires pour gagner dix minutes, mettons les milliards dans les trains du quotidien. Plutôt que de continuer à soutenir avec l'argent public un modèle agricole qui appauvrit les paysans et la terre, accapare l'eau et contamine nos organismes et la nature, accompagnons les agriculteurs vers un modèle vertueux.


Christophe Béchu, bon ou mauvais ministre de la Transition écologique ?

Ravi d'apprendre qu'il y a un ministre de la Transition écologique... La question, ce n'est pas de savoir qui est le ministre de l'Environnement. C'est plutôt qu'est-ce que veut faire le président de la République ? Force est de constater que malgré ses promesses et ses discours, il n'a pas fait grand-chose en six ans. La France sous sa présidence est mise en demeure ou condamnée par l'Union européenne sur le climat, la qualité de l'air, les espèces protégées, les énergies renouvelables... Ça fait beaucoup et nous en payons de très lourdes conséquences !

A entendre les écologistes répéter sans arrêt que les pouvoirs politiques ne font rien, on se dit qu'en fait on ne peut rien faire. L'écologie est-elle compatible avec la démocratie ?

Au contraire, c'est la condition même du maintien de la démocratie. On a besoin de tout le monde pour réussir cette mutation des modes de vie et de production. Moi je l'ai dit, on change la pêche avec les pêcheurs. On change l'agriculture avec les agriculteurs. On change l'économie avec les entreprises et on change la société avec les citoyens. Si on ne résout pas la crise écologique, il n'y aura pas d'avenir désirable.

Vous êtes candidat aux sénatoriales à Paris. Vous cherchiez une planque après l'échec à la présidentielle ?

Non, c'est la suite de ma vie d'engagement pour l'écologie. Après Greenpeace, le Parlement européen, je vais la poursuivre au Sénat en représentant le territoire parisien.


Anne Hidalgo, maire de la capitale depuis neuf ans, bon ou mauvais bilan ?

Quand je regarde comment les écologistes ont réussi à peser pour faire basculer le Plan local d'urbanisme plus adapté au dérèglement climatique, je me dis qu'on fait œuvre collective. Je pense que les écologistes ont sacrément contribué à faire évoluer la capitale dans le bon sens. Après, je reconnais à Anne Hidalgo des qualités incontestables.

Un troisième mandat de maire de Paris serait-il raisonnable ?

Ça, c'est une question qu'il faut lui poser.

Et vous, après le Sénat, vous viserez la mairie en 2026 ?

Je suis candidat aux sénatoriales, et peser, avec le mouvement écologiste pour que la France ne soit pas le prochain pays dirigé par une coalition droite-extrême droite.

Les écologistes ne sont pas intéressés par Paris ?

Nos maires transforment nos villes et nos villages. Paris est un concentré de défis environnementaux et sociaux. Bien sûr nous avons un projet pour Paris.

Pourquoi êtes-vous l'un des rares écologistes à défendre les JO de Paris ?

J'adore le sport et je l'avoue, les grandes compétitions. Puisque les jeux sont à Paris, faisons en sorte qu'ils soient les plus responsables possibles, que l'empreinte soit réduite au maximum et qu'on en profite pour accélérer la transformation de Paris et des villes concernées, comme sur le réseau de transports par exemple.

Quels seraient vos invités (personnages morts ou vivants) pour un dîner parfait ?

Olympe de Gouges, Victor Hugo, Lucie Aubrac, Jean Jaurès, Wangari Maathai, Albert Camus, Marguerite Yourcenar, l'Abbé Pierre.

En quoi souhaiteriez-vous vous réincarner ?

Un chêne.

Qu'aimeriez-vous sur votre épitaphe ?

Rien. Je choisis la crémation et la dispersion des cendres. Chacun se fera la sienne !

Et si c'était à refaire, quel métier aimeriez-vous exercer ?

Architecte-urbaniste, un métier essentiel pour habiter ensemble et transformer nos villes.

De quoi rêviez-vous enfant ?

Joueur de foot ! J'avais dans ma chambre les posters de Dominique Rocheteau et Kevin Keegan, stars à Saint-Etienne et Liverpool, clubs phare des années 70.

Où aimeriez-vous être en 2027 ?

A 20h01, le soir du second tour de l'élection présidentielle, en train de fêter la victoire des écologistes et de la gauche.

Commentaires 12
à écrit le 29/06/2023 à 12:19
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Si le modèle libéral est climaticide, la proposition de Mr Jadot, si je comprend bien, c’est de mettre en place un modèle autoritaire genre communiste repeint en vert ……..Le problème étant que les gens n’en veulent pas. Alors on fait comment ?

à écrit le 29/06/2023 à 11:43
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Macron libéral??? Un raccourci bête... il est tout sauf libéral, il régit tout via un état centralisateur... Comme quoi Jadot et consort ne posent pas les bons problèmes

à écrit le 29/06/2023 à 9:13
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En parlant d'urgence écologique : Investir 290.000 dollars pour voyager à vie avec la compagnie United Airlines. C'est ce qu'a fait Tom Stuker, un Américain de 69 ans, dans les années 90. L'affaire a été plus que rentable, raconte le Washington ...

à écrit le 29/06/2023 à 7:22
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"modèle libéral climaticide" Et ben c'est pas avec ça que tu vas gagner des élections vieux...

à écrit le 28/06/2023 à 21:53
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Il y a urgence, urgence à ne rien faire, sauf à dessaler l' eau de mer pour passer cette période et surtout, surtout, cesser d' écouter la messe mondialiste qui rebondit après covid sur son dada de seconde partie, j' ai ...

le 29/06/2023 à 8:45
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@Gedeon. Dessaler l'eau de mer! En voilà une idée qu'elle est bonne, qui ne consomme pas d'énergie et pas polluante pour un sous. Avant de dessaler faudrait commencer par dessaouler. Jadot à raison. Ça fait "ch..r" à entendre, mais c'est la triste r...

à écrit le 28/06/2023 à 21:34
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Dommage, mais ce monsieur manque de crédibilité, il connait son catéchisme et l'échangerait contre une place au soleil ! ;-)

le 29/06/2023 à 8:58
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A la différence du catéchisme chrétien, celui des écolos est basée sur des sommes d’erreurs certes pleines de bonne volonté et visant une cause noble -la défense de nos environnements- mais qui se sont révélées extrêmement funestes. Les écolos sont d...

à écrit le 28/06/2023 à 21:33
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Il n'y a aucune urgence écologique. Ce fait 200 ans qu'on exploite les hydrocarbures, et on va continuer

à écrit le 28/06/2023 à 19:23
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Développer le fret ferroviaire ? Mais la SNCF est incapable de rendre un vrai service : elle se comporte encore comme une administration parce que ses cheminots syndiqués y font la loi...

à écrit le 28/06/2023 à 19:01
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Halte à l'éco-anxiété ! S'il y est vrai qu'il y a un problème avec le climat, faire supporter toute la charge mentale et financière aux Français est d'une débilité sans nom. On ne représente que 0,9% de la population mondiale et notre croissance est ...

à écrit le 28/06/2023 à 18:19
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stop que frais m macron et son gouvernement si demain une vague de grand froid sabbater sur la planete terre parlerait il de réchauffement ou de variation climatique serait il aussi sur de ces affirmation c'est pourtant ce qui est arrive plusieur...

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