Michel-Edouard Leclerc, ministre des consommateurs

PORTRAIT-. 44 ans après avoir intégré l’entreprise fondée par son père Edouard, Michel Edouard ne songe pas une seconde à la retraite. Au contraire, à 71 ans, celui qui définit son rôle comme un « super influenceur » au service de ses adhérents écume les plateaux de télévision et les studios des radios depuis des années pour défendre la grande distribution et le pouvoir d’achat des Français. Une sorte de ministre des consommateurs qui sait monter au front pour ferrailler avec les industriels une renégociation des prix alimentaires.
Je n'oublie pas d'où je viens et quelles sont nos valeurs », confie celui qui se définit comme un « épicier sentimental ».
Je n'oublie pas d'où je viens et quelles sont nos valeurs », confie celui qui se définit comme un « épicier sentimental ». (Crédits : DR)

Son bureau ressemble à une caverne d'Ali Baba. Michel-Edouard Leclerc est intarissable sur sa passion des livres et des BD. Comme dans les magasins Leclerc, ses rayons sont pleins : des essais partout - son préféré « la société du spectacle » de Guy Debord y trône en bonne place - et des BD dans tous les coins avec une planche de Corto Maltese, le marin aventurier devenu son mantra. Posés au sol et sur les étagères tels des ex-voto, des maquettes de bateaux à voile à trois mâts ou des clippers du XVIIIème témoignent de sa passion pour la marine et la Bretagne. « MEL » comme l'appellent amis et collaborateurs rappelle fièrement qu'il est Cap-hornier et a franchi à trois reprises la grande houle des cinquantièmes hurlants. « Mes parents ne voulaient pas que je roule à mobylette mais à 17 ans ils m'ont laissé traverser la Manche. » Dix ans plus tard, après des études de philosophie et de sciences politiques à la Sorbonne, l'aîné des fils Leclerc rentre dans le « Mouvement » fondé par le paternel. Il commencera par s'occuper du dossier pétrole...

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Son père Edouard Leclerc et le fief familial de Landerneau ne sont jamais bien loin quand vous partagez un moment avec le très charismatique « MEL », président du comité stratégique des centres E.Leclerc. Dans ce bureau basé sur les quais de Seine à Ivry-sur-Seine, bien loin de ses bases bretonnes où il vit trois jours par semaine, Michel-Edouard Leclerc a fait une bonne place à une photo de Paris Match (prise en 1958) sur laquelle on voit son père, balais à la main, devant le magasin des débuts de l'aventure commerciale de la famille Leclerc. Comme un rappel à l'ordre. « Je n'oublie pas d'où je viens et quelles sont nos valeurs », confie celui qui se définit comme un « épicier sentimental ».

« Le chroniqueur de BFMTV »

En quarante-cinq ans de vie professionnelle - il a 71 ans et ne songe pas une seconde à la retraite - l'emblématique patron des Centres E.Leclerc n'en finit pas de combattre la vie chère et de faire prospérer son enseigne. Les temps ont beau être durs. Tout va bien pour la «coopérative » Leclerc : un million de clients en plus sur la dernière année, des résultats en hausse et une place de leader de la grande distribution. Celui qui définit son rôle comme un « super influenceur » au service de ses adhérents remplit sa mission à merveille. S'il écume les plateaux de télévision et les studios des radios depuis des années, « MEL » a mis en 2023 les bouchées doubles. Jamais à court d'une bonne vacherie, l'humoriste de RTL Philippe Caverivière le décrit en « chroniqueur de BFMTV »... De fait, les chaînes infos se l'arrachent. Un bon client qui fait de l'audience... Véritable as de la communication, le leader de la grande distribution a le verbe clair, le sens de la formule et de la punch line qui met les ministres de Bercy sous pression. La langue de bois très peu pour lui alors il n'hésite pas à flinguer certaines initiatives ministérielles ou à cartonner les industriels accusés régulièrement de ne pas répercuter - à juste titre - les baisses de prix. Mais qu'on ne s'y trompe pas, sa gouaille, son sens de tutoiement facile et ses ficelles de camelot ne doivent pas masquer que le patron préféré des Français n'a rien d'un philanthrope. Il veut avant tout des prix bas pour attirer les consommateurs et enrichir ses adhérents, lui compris. Le comité stratégique - véritable organise politique - qu'il dirige à Ivry-sur-Seine, brasse des milliards.

Six présidents et vingt-sept ministres

Et la recette fonctionne. Depuis quarante-cinq ans, Michel-Edouard Leclerc se bagarre. Il se définit d'ailleurs comme quelqu'un qui fait de la politique. Une sorte de ministre des consommateurs. En quatre décennies, il a connu six présidents de la République et vingt-six ministres de l'Economie avant Bruno Le Maire avec lequel il ferraille à distance. Il n'a pas hésité à sécher, au printemps, la photo de famille à Bercy avec tous les patrons de la grande distribution en compagnie du ministre. Le tout pour célébrer l'accord sur le panier anti-inflation. Pas question de s'associer à la com du gouvernement, encore moins de se mélanger avec des concurrents « moins performants », dit-il, que les magasins Leclerc, leader des prix bas selon les comparateurs. « MEL » sait qu'il est fort et les injonctions des ministres lui coulent dessus comme de l'eau sur les ailes du canard.

Il les connaît bien pourtant ces animaux politiques. S'il a rédigé une thèse d'économie sous la direction de Raymond Barre, il concède avoir noué des liens d'amitié avec François Léotard, Alain Madelin ou encore Jean-Pierre Raffarin. Il admet avoir été « proches » de Pierre Bérégovoy et Jacques Delors, figures de cette gauche modérée dans les rangs de laquelle il a milité lorsqu'il fréquentait le PSU de Michel Rocard. Militant de l'Europe et de l'euro, il a su être prudent pour ne pas gêner ses affaires. Cet hiver, il n'a pas hésité à critiquer la réforme des retraites. Mais hausse des épaules quand le journaliste lui demande s'il s'inquiète de l'élection de Marine Le Pen en 2027. « Je ne vois absolument pas ça », assène celui qui sillonne chaque semaine les rayons de ses magasins où se pressent les Français de toutes classes.

Bruno Jeudy

@JeudyBruno

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Commentaires 7
à écrit le 22/06/2023 à 13:16
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Le plus intelligent des fabulateurs . Grace à lui Lidl caracole en tete des progressions ...

à écrit le 22/06/2023 à 8:34
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Le problème avec Monsieur Leclerc ,c'est qu' à terme , à force de tordre le bras à ses fournisseurs ,il finira par transformer ses clients en chômeur .D'ailleurs ,on trouve maintenant plus de produits "made in France " chez Lidl que chez Leclerc .......

à écrit le 22/06/2023 à 7:14
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En effet un vulgaire commentateur donc comme sur votre article où Olivia Gregoire commente la fréquentation touristique. Mais qu'est-ce qu'ils sont faibles c'est incroyable nos ministres.

à écrit le 21/06/2023 à 19:19
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Mdr les patrons de Leclerc sont tous parmi les plus riches de leurs départements… Qu’ils partagent…

le 21/06/2023 à 20:31
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S'ils donnaient tout ce qu'ils gagnent (une fois les impôts payés), vous avez calculé combien ça vous ferait, à vous ? Parfois les grands nombres divisés par des grands nombres, ça fait peu, et les gens sont déçu "c'est tout ??" [quand ça existait, l...

à écrit le 21/06/2023 à 18:49
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Ministre des consommateurs !!! n'en jetez plus la coure est pleine ! Il défend en premier lieu l'entreprise familiale et c'est déjà beaucoup .

le 22/06/2023 à 2:28
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@idx. Sur, mais lui il courre. A part ca dans votre beau pays liberal plein d'envieux, de jaloux et surtout de frustres, on n'aime pas les gens qui reussissent et deviennent riches.

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