La Cour des comptes dénonce les surcoûts du déménagement de l'Insee à Metz

Les Sages de la rue Cambon regrettent notamment les surcoûts liés à des facilités en matière d'emploi et à la gestion immobilière de ce transfert.
Fabien Piliu
Selon la Cour des comptes, le déménagement d'une partie des effectifs de l'Insee à Metz a entrainé des surcouts importants

Une gabegie ? La Cour des comptes n'emploie pas le terme. Néanmoins, dans leur rapport sur le transfert de services de l'INSEE à Metz, les Sages de la rue Cambon regrettent et dénoncent les surcoûts du déménagement d'une partie des services de l'Insee dans la préfecture de Lorraine nécessaires à la création du Centre statistique de Metz (CSM).
Concrètement, la Cour constate des surcoûts importants en matière de dépenses de personnel, de fonctionnement. La gestion immobilière de ce dossier est également dénoncée.

Alors que le coût du CSM s'est élevé à 14,3 millions d'euros en 2014, pour un peu plus de 200 agents en poste à Metz - 8,5 millions au titre de la masse salariale, 4,1 millions d'euros de dépenses de fonctionnement et 1,7 million de dépenses d'investissement -, la Cour a identifié les surcoûts liés à la relocalisation d'agents publics. " Les diverses aides à la mobilité des agents doivent être considérées comme des surcoûts : depuis 2013, 73 agents ont perçu la prime temporaire de mobilité de 4.000 euros et sept agents une prime de restructuration de 15.000 euros. Cependant, les 80 agents concernés n'ont pas encore perçu la totalité de ces primes. Fin 2014, le montant cumulé versé pour les primes liées à la délocalisation avoisine les 325 000 euros. Aucun versement n'a encore eu lieu en 2015. La totalité des primes pourraient s'élever à 397.000 euros, dans l'hypothèse où aucun agent ne quitte le centre et en l'absence de nouvelles arrivées ", précise le rapport.

Des facilités d'embauche coûteuses

Ce n'est pas la seule dérive budgétaire observée par la Cour en matière de dépenses de personnel. " Pour permettre la montée en puissance du CSM, le ministre de l'économie et des finances a autorisé l'Insee à ajuster son niveau d'emplois de sorte qu'elle puisse recruter des agents sur le site de Metz »n explique la Cour. C'est-à-dire que l'Insee a obtenu des facilités pour alléger son schéma d'emplois, ce qui s'est traduit par l'embauche de 182 emplois équivalent temps plein (ETP). Le montant de ce surcoût est estimé à 27 millions d'euros sur cinq ans.

Difficilement identifiables reconnait la Cour, les surcoûts de fonctionnement concernent pour l'essentiel les dépenses liées à la location, à l'entretien et à l'équipement des locaux. Ils sont évalués à 775.000 euros par an pour les exercices 2013 et 2014. " En 2015, avec la prise à bail des locaux de la DIRECCTE pour six mois, les loyers et charges supplémentaires s'élèvent à 200.000 euros ", avance le rapport. En 2016, le surcoût net en année pleine s'élèvera à 1,2 million d'euros. " L'estimation moyenne des surcoûts annuels nets de loyers et charges pour les locaux temporaires peut donc être évaluée à environ 1 million d'euros ", estime la Cour.

Sur le troisième point, la gestion immobilière, " la décision, après diverses hésitations, d'implanter l'Insee en centre-ville, dans l'ancienne gare impériale, a été source de retards et de surcoûts de l'ordre d'un million d'euros, en moyenne annuelle sur la période 2011 à 2016 "(...) " Ces surcoûts sont dus à l'implantation temporaire des services délocalisés de l'Insee dans deux bâtiments dans l'attente de la livraison du bâtiment définitif prévue en 2017 ", explique le rapport qui précise également les coûts d'acquisition et de rénovation de la gare impériale supportés par l'État : 22 millions d'euros. Le loyer budgétaire à la charge de l'INSEE devrait être de l'ordre d'un million d'euros par an à compter de 2017.

Un projet pourtant revu à la baisse

Il faut noter que ces surcoûts interviennent alors que le projet initial de CSM a été largement revu à la baisse. Initialement, ce sont 625 personnes qui devaient intégrer le CSM. Aujourd'hui, ce ne sont que 350 personnes qui devraient y travailler. " Il est regrettable que cette opération n'ait pas abouti à une réorganisation plus poussée de l'appareil statistique de l'État, avec un regroupement auprès de l'INSEE des services statistiques des ministères sociaux, voire d'autres ministères ", estime la Cour, rappelant que l'objectif de transférer 50 statisticiens issus des ministères sociaux (DREES et DARES) n'a été abandonné unilatéralement par leurs ministères de tutelle et que l'Insee a " délaissé " l'objectif quantitatif initial de transférer 575 agents pour n'en relocaliser que 350.

" Alors même que l'annonce de ce projet, parfois perçu comme punitif', avait suscité dans un premier temps des réactions hostiles et des mouvements sociaux de la part d'une partie des agents, la direction générale a fait prévaloir une approche fonctionnelle sur la réalisation complète des objectifs chiffrés. Cette approche l'a amenée à réduire progressivement à 350 le nombre d'agents devant être implantés à Metz. L'INSEE a soumis ce schéma à ses autorités ministérielles qui ont fini par l'approuver et en ont informé le maire de Metz. Si la configuration finale du centre statistique apparaît cohérente sous l'angle de l'organisation de l'INSEE et permet certaines rationalisations, notamment dans le domaine informatique, le schéma n'a pas fait l'objet d'une décision explicite du Premier ministre. Dans ces conditions, il est indispensable que le dossier soit repris au niveau interministériel, afin de fixer le nombre d'emplois de l'INSEE, de la DREES et de la DARES délocalisés au centre statistique de Metz ", recommande la Cour.

Une punition ordonnée par le gouvernement en 2008 ?

" Punitif " ? Le mot est officiellement lâché. En effet, après l'annonce surprise de François Fillon à la mi-août 2008 de transférer une partie de l'Insee et des services des statistiques ministériels (SSM) à Metz pour créer d'ici à 2011 un pôle national de la statistique, les agents de l'Institut, traditionnellement discrets, avaient hurlé leur colère. Leur peur : un démontage de l'Insee avec le départ de 1.000 à 1.500 personnes à Metz. Un objectif révisé à 500 personnes par l'exécutif après la lecture du rapport rédigé par Jean-Philippe Cotis, alors directeur général de l'Insee, et Jean-Pierre Duport, le vice-président du Conseil national de l'information statistique (Cnis).

Les membres de l'Institut interrogés à l'époque par La Tribune estimaient alors que l'Insee payait le prix de certaines erreurs, de certaines insolences vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Selon les plus anciens de la maison, leur premier différend remontait à l'époque où celui-ci était maire de Neuilly-sur-Seine. " Le recensement de 1999 n'a pas comptabilisé un nombre suffisant d'habitants, privant la commune de plusieurs subventions ", expliquait un ancien membre de l'Insee.

Le conflit prit une autre dimension avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy à Bercy en 2004, le ministre souhaitant disposer des chiffres de l'Insee quelques heures, voire quelques jours avant leur publication afin d'adapter son discours aux circonstances. Une volonté ministérielle à laquelle s'est farouchement opposé l'ancien directeur général de l'Insee, Jean-Michel Charpin, par déontologie et par respect des règles internationales, aujourd'hui définies par le code de bonnes pratiques de la statistique européenne. Jusqu'à son limogeage brutal en octobre 2007.

Exemple des relations tendues entre l'ancien président de la République et l'Insee, celui-ci avait tenu les propos suivants. " Les prévisions sont révisées maintenant de manière quasi hebdomadaire. Je propose que l'on annonce une révision de la croissance très catastrophique et puis l'Insee révisera les siennes pour être bien sûr que l'on plonge un peu plus ", avait-il déclaré le 20 mars 2008 lors du Conseil européen à l'issue de la présentation par l'Insee de ses nouvelles prévisions de croissance, plus sombres que celles de Bercy.

Fabien Piliu
Commentaires 3
à écrit le 04/11/2015 à 19:52
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Que dire de plus, lamentablement.

à écrit le 04/11/2015 à 19:40
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l' INSEE ne vaut RIEN. En effet pour pénaliser les communes et ne pas leur donner la dotation de fonctionnement auxquelles elles ont droit vient de sortir la nombre d'habitants des dites communes MAIS EN 2012. Alors pour le reste en particulier le re...

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