Budget 2024 : Bercy veut accélérer sur la fiscalité écologique, mais le flou du financement persiste

À quelques jours de la présentation du budget 2024, Bercy a annoncé une hausse de la fiscalité sur le gaz et a confirmé une taxe sur les infrastructures de transport. Mais beaucoup de zones d'ombre persistent sur les acteurs visés et les modalités de cette fiscalité. Les experts pointent le flou du financement à moyen terme et l'absence de visibilité pour favoriser les investissements du privé.
Grégoire Normand
Le budget 2024 sera présenté le 27 septembre prochain.
Le budget 2024 sera présenté le 27 septembre prochain. (Crédits : Reuters)

Les dossiers brûlants s'empilent à une allure vertigineuse sur le bureau de la Première ministre Elisabeth Borne. Pressé par l'urgence du réchauffement climatique, l'exécutif doit présenter sa feuille de route sur la planification écologique aux principaux partis politiques lundi 18 septembre. Plusieurs fois reportée pendant l'été, cette présentation doit fixer les grands axes de réduction des émissions de CO2 de la France d'ici 2030.

Avant fin septembre, le président de la République doit également réunir un conseil de la planification écologique. Entre ces deux dates importantes, Bercy continue de peaufiner les dernières grandes lignes du budget 2024. Lors d'une réunion avec des journalistes jeudi 14 septembre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et celui des Comptes Publics, Thomas Cazenave ont esquissé les grandes lignes de la fiscalité écologique à venir.

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Financement : le flou persiste sur les 7 milliards d'euros supplémentaires

Sur le financement de la transition, il existe d'importantes zones d'ombre. Le gouvernement a confirmé l'enveloppe consacrée à la transition écologique de 7 milliards d'euros supplémentaires l'année prochaine. « Cette enveloppe va dans le bon sens, estime Emeline Notari, en charge de la fiscalité au Réseau action climat (RAC). Mais on ne voit pas ce qu'il y a vraiment de nouveau », a-t-elle ajouté. Les ministres de Bercy comptent financer une partie de cette enveloppe de 7 milliards par un réajustement de la fiscalité brune vers la fiscalité verte.

Outre ce basculement, l'exécutif a avancé qu'une partie des 16 milliards d'euros d'économies à réaliser devrait également servir à financer la transition. Quant à la loi de programmation des finances publiques (LPFP), « on est dans le flou », regrette Emeline Notari. « Elle doit sortir dans quelques jours et on ne sait toujours pas s'il y aura un volet spécifique dédié à la transition dans cette loi de finances ou s'il y aura un véhicule budgétaire. Les investisseurs privés ont besoin de visibilité. Ce budget 2024 doit être une première étape vers plus de visibilité. Il faut qu'il y ait une logique de feuille de route ».

Une taxe sur les gestionnaires des infrastructures de transport à préciser

Pour financer une partie de la transition, l'exécutif envisage une taxe sur les infrastructures de transport. « L'objectif est de faire contribuer en priorité les transports de longue distance qui sont les plus émetteurs de CO2 », a déclaré le ministre. « Ces recettes serviront, en toute cohérence, à financer des moyens de transports moins carbonés notamment le ferroviaire », a-t-il ajouté.

À ce stade, les modalités de cette taxe et les infrastructures ne sont pas encore tranchées. Sans surprise, les autoroutes et les aéroports sont dans le collimateur de Bercy. Les détails devraient être dévoilés lors de la présentation du projet de loi de finances 2024 prévue le 27 septembre prochain. En attendant, les concessionnaires d'autoroute et gestionnaires d'aéroports risquent de monter au front.

Une hausse des taxes sur le gaz

Dans la ligne de mire de l'exécutif figurent les énergies fossiles. Même si le gouvernement a exclu toute hausse d'impôt, la fiscalité sur le gaz devrait remonter l'année prochaine. Mais l'exécutif n'a pas précisé les montants de cette hausse, ni les modalités.

Aujourd'hui, les prix du gaz baissent. « Nous compenserons donc la baisse des prix par une réévaluation de l'accise sur le gaz, dont le produit sera intégralement reversé à la transition écologique et à l'accompagnement des ménages », a expliqué Bruno Le Maire. Le ministre a notamment évoqué les moyens supplémentaires alloués à Ma Prime Renov'. L'enveloppe « va augmenter de 1,6 milliard d'euros. C'est une augmentation de 50% qu'il faut financer ».

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Fin du gazole non routier (GNR) pour le BTP et les agriculteurs

S'agissant du gazole non routier (GNR), le gouvernement a confirmé sa suppression pour les entreprises des travaux publics et pour les agriculteurs. « Concrètement les agriculteurs verront la fiscalité du GNR augmenter de 2,85 centimes d'euros par litre de carburant en 2024 et les entreprises de travaux publics », a ajouté le locataire de Bercy.

Le ministre a assuré que « toutes les recettes fiscales supplémentaires iront aux agriculteurs et aux entrepreneurs des travaux publics » pour les aider dans la transition. Face au risque de contestation, l'exécutif a mené de longs échanges avec la FNSEA, le principal syndicat chez les agriculteurs, et les représentants des travaux publics ces derniers jours avant de parvenir à accord.

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En revanche, l'exécutif a épargné les sociétés de transports routiers. Jusqu'à maintenant, l'exécutif a évité un retour des «gilets jaunes » malgré les réformes d'ampleur comme les retraites ou l'assurance-chômage. Mais la colère des ronds-points de l'hiver 2018 a marqué les esprits dans les sphères du pouvoir macroniste. En effet, la hausse d'une taxe sur les carburants avait mis le feu aux poudres partout sur les territoires obligeant Emmanuel Macron a dégainer des rallonges budgétaires.

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Industrie verte : le crédit d'impôt se précise

L'exécutif veut faire de la réindustrialisation le fer de lance de sa politique économique pour les prochaines années. Sans surprise, il met en avant les principes d'une politique de l'offre à travers son projet de loi industrie verte présenté au printemps.

Le texte de loi prévoit notamment un crédit d'impôt pour favoriser la production de pompes à chaleur, d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. Ce crédit doit s'étendre du premier janvier 2024 à fin 2028 pour un total de 3,7 milliards d'euros. En pleine guerre de subventions sino-américaines, l'Europe et la France tentent de se frayer une place sur le sujet brûlant de l'industrie verte. La Commission européenne vient de lancer une enquête sur les subventions chinoises. Mais Pékin n'a pas tardé à réagir en menaçant le Vieux continent de représailles.

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La France a raté ses objectifs de transition en 2022

La question du financement est d'autant plus importante qu'en matière de transition, la France accuse un sérieux retard au regard de ses objectifs. Dans un bilan dévoilé ce jeudi 14 septembre, l'observatoire climat énergie a montré que l'Hexagone a raté ses objectifs climat en 2022. « La France ne respecte pas son objectif d'émissions nettes pour l'année 2022. Le principal écart vient de la moindre absorption des émissions par les forêts et les sols », soulignent les experts.

Sur le front de l'énergie, la France est également en dehors des clous. « La situation énergétique de la France est critique, avec un retard sur les objectifs de baisse de la consommation d'énergie et de développement des énergies renouvelables », ajoutent-ils. Le chemin vers une véritable transition pourrait prendre du temps.

Grégoire Normand
Commentaires 12
à écrit le 17/09/2023 à 10:59
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Pourquoi ne pas mettre en place une fiscalité écologique mais à la condition d’en supprimer une autre équivalente !! Sinon, on va se retrouver à payer de nouvelles taxes s’ajoutant déjà aux nombreuses existantes…….

le 17/09/2023 à 22:10
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Les taxes, comme celle sur le carbone, peut parfois être faites pour dissuader d'utiliser une énergie (en aidant en contrepartie les plus pauvres pour pas que ça ne les ruine, voire les aider à changer de chauffage, plus efficace, vu qu'il faut faire...

à écrit le 17/09/2023 à 9:40
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Maudit soit Vespasien et son "l'impôt n'a pas d'odeur"!

à écrit le 16/09/2023 à 16:46
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Toujours pas de proposition d'audit de la dépense publique pour voir/savoir si l'argent est utilisé de manière optimale ... !

à écrit le 16/09/2023 à 10:04
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Il serait plus simple de mettre une TVA à 5 % sur toutes les énergies et de compléter par une taxe carbone pour remplacer l’actuel TVA à 20 % que l’Etat utilise sans trop de justification sur toutes les énergies ou presque…. Mais c’est sur, il faut t...

à écrit le 16/09/2023 à 8:03
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Comme d’habitude de nouvelles taxes l’imagination n’est pas leur fort

à écrit le 16/09/2023 à 7:23
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Quand on ne veut pas on ne peut pas.

à écrit le 15/09/2023 à 18:17
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Encore la charrue avant les bœufs 🤡 décidément, ce n'est plus un syndrome mais une véritable pathologie. Rien que l'entrée en matière de cet article (en gras) est une grosse perle, eh hop une capture d'écran pour mon hémérothèque s'impose. Souvent je...

à écrit le 15/09/2023 à 18:17
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encore une entourloupe a le maire pour nous piquer du pognon je magouille et j'encaissec'est vraiment l'acrobate financier vivement que l'on ne le voit plus!!!

le 15/09/2023 à 18:35
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Vous ne savez pas ce qui va en résulter mais vous râlez déjà.

à écrit le 15/09/2023 à 18:09
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mais oui, elle est la la solution a la solvabilite de l'etat!!!!!!!!!! l'ecologie non de dieu!!! il faut voter un impot ecolo, donc indiscutable moralement, et la morale est de gauche ou n'est pas, ca facilite le transit energetique, et les retraites...

le 15/09/2023 à 18:33
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A part quelques excités les français ne veulent pas de guerre civile trop attachés à leur petit confort.

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