Le gouvernement temporise sur le travail de nuit dans le commerce alimentaire

Après la polémique sur la réforme du travail de nuit, le gouvernement annonce une concertation, qui ne débouchera pas sur un projet moins-disant socialement, promet le ministère du Travail.
Le travail de nuit, nuit!, s'exclame la CFTC, qui rappelle les risques accrus pour la santé. Outre les perturbations biologiques, travailler le soir c'est souvent sacrifier la vie familiale et le lien social, souligne le syndicat.
"Le travail de nuit, nuit!", s'exclame la CFTC, qui rappelle "les risques accrus" pour la santé. "Outre les perturbations biologiques, travailler le soir c'est souvent sacrifier la vie familiale et le lien social", souligne le syndicat. (Crédits : Eric Gaillard)

Le gouvernement a décidé de temporiser sur le sujet explosif du travail de nuit dans les commerces alimentaires, en annonçant une concertation au lieu de l'article contesté qui devait être présenté mercredi en Conseil des ministres.

Cet article avait soulevé dans sa première rédaction un tollé des syndicats. Il proposait de permettre aux supermarchés et autres supérettes d'ouvrir de 21h à minuit en bénéficiant de dérogations aux règles du travail de nuit accordées à des secteurs comme le spectacle, le cinéma ou les discothèques.

Actuellement, seuls les commerces alimentaires dépendant des zones touristiques internationales (ZTI) peuvent ouvrir en soirée, à des conditions bien précises: une rémunération double, un strict volontariat et un repos compensateur équivalent, ainsi que des contributions à la garde d'enfants et au trajet de retour tardif.

Or, dans sa première mouture, l'article imposait simplement de conclure un accord d'entreprise ou une convention ou accord de branche, avec des contreparties en temps de repos pour les heures travaillées en soirée, mais sans rendre obligatoire une compensation financière.

Tollé syndical

Devant le tollé syndical, le ministère du Travail avait revu sa copie et proposait un alignement "vers le haut" des règles pour les commerces alimentaires sur celles des zones touristiques internationales (ZTI).

"Un correctif avait été apporté qui tenait compte de nos remarques", observe Olivier Guivarch, de la CFDT Services. Mais ainsi rédigé, l'article "ne plaît pas au patronat", et a finalement été retiré mardi matin du projet de loi, selon ce syndicaliste.

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD, employeurs) déplore que la première version du texte n'ait pas été reprise "purement et simplement" et ajoute que "le renvoi à une ordonnance ne devra pas se traduire par un allongement excessif des délais".

Finalement, le Conseil des ministres va simplement habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de 18 mois "toute mesure nécessaire afin d'adapter la législation applicable en matière de travail de nuit" pour les commerces de détail à dominante alimentaire.

"Délétère pour la santé"

Le ministère du Travail assure que la concertation, ouverte "à la demande de toutes les parties", ne débouchera pas sur un projet moins-disant socialement.

Les syndicats en doutent, soulignant qu'ils "n'étaient pas demandeurs" d'un assouplissement du travail de nuit.

"Le gouvernement répond à un lobbying de la grande distribution", estime Carole Desiano, secrétaire fédérale FO-FGTA, pour qui "derrière l'offensive sur le travail de nuit et le dimanche, il y a l'automatisation des caisses et les menaces sur l'emploi".

"Le travail de nuit, nuit!", s'exclame la CFTC, qui rappelle "les risques accrus" pour la santé. "Outre les perturbations biologiques, travailler le soir c'est souvent sacrifier la vie familiale et le lien social", souligne le syndicat.

"De plus en plus de travaux scientifiques montrent que le travail de nuit met les salariés concernés en dette de sommeil avec des conséquences connues: l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les dépressions. Cela aurait même une incidence sur le cancer du sein chez la femme", a indiqué à l'AFP le Dr Marc Rey, président de l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV).

"On continue à étendre le travail de nuit ou en horaires décalés, alors que c'est très délétère pour la santé des salariés concernés et que ça pose un problème majeur à notre société qui en paie les conséquences sanitaires", constate-t-il. "On se tire une balle dans le pied car c'est la société qui en paie la prise en charge".

Légaliser la pratique actuelle

Sylvie Vachoux, secrétaire fédérale de la CGT-Commerce, rappelle que la grande distribution emploie beaucoup de femmes et de temps partiels. "Les mamans qui ont des enfants en bas âge, comment feront-elles?", interroge-t-elle. "C'est quoi une société où on doit faire garder ses enfants jusqu'à minuit pour travailler, tout ça pour vendre une boîte de petits pois ?"

De nombreux magasins pratiquent des ouvertures de soirée et du dimanche après-midi en dehors du cadre légal, en dépit des condamnations.

Lire aussi : Commerce : des députés LREM veulent « aller plus loin » sur l'ouverture dominicale

Pour le délégué général de la FCD Jacques Creyssel, l'enjeu de la loi n'est "pas d'élargir cette possibilité [d'ouverture le soir] ni les contreparties mais simplement d'apporter une sécurité juridique à ces ouvertures". Autrement dit, de légaliser la pratique actuelle.

Commentaires 10
à écrit le 16/11/2019 à 20:37
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Les stations d’essence - épicerie sont ouvertes 24/24, Pas d’intérêt à généraliser cela a tous les commerces Le travail de nuit devrait «  interdit » pour tous et toutes sauf «  métiers pour la sécurité et l’urgence énergétique ou intervention «  S...

à écrit le 13/11/2019 à 17:35
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Nous vivons une époque moderne. Il faut 6 mois pour pouvoir consulter un ophtalmo et ca n'empêche pas les députés LREM de dormir. Par contre il semblent considérer comme une liberté fondamentale la possibilité d'acheter de la quincaillerie et de ...

le 14/11/2019 à 8:21
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Vous avez deja vecu dans un pays ou les supermarchés sont ouvert 24/24? Je ne pense pas parce que vous auriez changé d'avis. Dans d'autres pays les opticiens peuvent changer une prescription de vue pour Myope ou presbyte simple. Cela evite 6 mois pou...

le 14/11/2019 à 13:27
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@Gina G : oui mais on n'est pas non plus obligé de suivre toutes les conneries faites à l'étranger non plus !! Parce qu'après, il y a des "effets secondaires" (on a déjà assez à faire avec nos Gilets Jaunes, on ne va pas en plus en arriver au Frexit ...

à écrit le 13/11/2019 à 17:14
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Il est facile pour un patron de la distribution, qui n'a jamais travaillé de nuit de l'imposer à d'autres (qui n'ont pas toujours le choix)...et en plus ils voudraient que ce soit pour le même prix ! Esclavagistes, négriers, des moins que rien. Et i...

à écrit le 13/11/2019 à 15:56
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En 1991, avant le traité de Maastricht et le démantèlement du droit du travail qu’il a engagé, il n’y avait en France que 3,5 % des salariés qui travaillaient « habituellement » de nuit. En 2012, soit deux décennies après la mise en œuvre des « ré...

à écrit le 13/11/2019 à 15:48
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Fallait-il s'attendre à autre chose de cette bourgeoisie liberale de droite et de gauche qu'est LREM : En décembre 2000, le gouvernement socialiste vient de rétablir définitivement le travail de nuit des femmes. Dès 1987, la loi Seguin sur « l’a...

à écrit le 13/11/2019 à 15:00
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pas souvent d accord avec la CGT, mais la c est vraiment n importe quoi. Quel interet de faire ouvrir les supermarche en pleine nuit ? qui va aller acheter a manger a minuit ? Et ca n a aucune rentabilite car payer du personnel pour 2-3 clients va ...

à écrit le 13/11/2019 à 13:45
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Internet est en train de tuer la grande distribution! Les touristes n'achètent pas leur nourriture sur internet! Garder ceci, "rémunération double, un strict volontariat et un repos compensateur équivalent, ainsi que des contributions à la garde d'...

à écrit le 13/11/2019 à 13:07
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Après 21h ça doit être du travail de nuit, ou sinon cette notion n'a plus aucun sens (pourquoi pas 3h du mat tant qu'on y est..). Si ça oblige des supermarchés à fermer à 21h et bien tant pis. L'être humain n'est pas un ordinateur, il est soumis à de...

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