Les vagues d'épidémie pourraient faire des ravages dans les semaines à venir. Selon une note du cabinet Asterès commandée par les administrateurs et mandataires judiciaires, le nombre de faillites d'entreprises devrait fortement augmenter dans les mois à venir. La mise en place de nombreuses aides en 2020 et leur prolongement cette année ont largement contribué à amortir le choc de la crise sanitaire. Les liquidations judiciaires ont diminué de 37% en 2020.
Avec le chômage partiel, le fonds de solidarité et les prêts garantis, les annulations de charges et reports de cotisations, l'Etat s'est en quelque sorte substitué aux entreprises pour assurer les salaires des entreprises fermées administrativement et les charges fixes (loyers, factures...).
« Les aides ont eu des effets très importants. Même si les prévisions de croissance sont révisées à la hausse, le rattrapage économique devrait être partiel. Des entreprises devraient sortir du marché. Beaucoup sont endettées et se retrouvent avec des problèmes de liquidité ou en situation d'insolvabilité. Les procédures pourraient augmenter dans une proportion située entre 2,3% et 12,1% » a déclaré l'économiste Pierre Bentata lors d'un point presse ce mercredi 7 avril. La levée de toutes ces mesures au moment de la reprise devrait être particulièrement délicate. Beaucoup d'économistes redoutent un débranchement trop rapide de ces perfusions.
« Les faillites sont là pour sanctionner une mauvaise gestion en temps normal. Là, le manque de chiffre d'affaires n'est pas la conséquence d'une mauvaise gestion mais à l'impossibilité de travailler. Il faut donc soutenir les entreprises en difficulté [...] La levée des restrictions pourraient commencer à partir du 15 mai et l'économie pourrait être libérée en quasi totalité dès cet été. Le rebond sera d'autant plus important que les entreprises seront sauvées » a ajouté l'économiste Nicolas Bouzou.
Un effet « rattrapage » inévitable sur les entreprises zombies
La mise sous cloche de l'économie au cours de l'année 2020 a mis en difficulté un grand nombre de secteurs. Si certains comme l'industrie ou le bâtiment ont pu sortir rapidement du marasme, d'autres, dans les services marchands notamment, restent profondément meurtris. Beaucoup d'établissements dans la restauration, l'hôtellerie ou la culture pourraient tirer le rideau dans les mois à venir. Les économistes tablent sur un effet « rattrapage » au cours des mois à venir. Parmi les sociétés les plus menacées, figurent en premier lieu « les entreprises zombies ». Ces firmes qui avaient déjà des difficultés de liquidité avant la crise devraient rapidement mettre la clé sous la porte au moment de la levée de mesures de prophylaxie et de la fin des aides.
« Bien que ce rattrapage concerne l'ensemble des secteurs, il devrait être plus fort dans les domaines qui ont subi les restrictions les plus fortes, car dans ces derniers, les aides publiques ont eu un rôle prépondérant. Ainsi, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, les procédures ouvertes devant les tribunaux de commerce pourraient augmenter de 25% par rapport à l'année 2019 » expliquent les économistes. « Le défi du débranchement des aides publiques sera très important. Il faut vraiment une expertise et un connaissance très fine de l'entreprise pour pouvoir traiter au cas par cas » a précisé Pierre Bentata. A cela s'ajoutent « l'insuffisance de la reprise » et la multiplication des problèmes de liquidité. La proportion d'entreprises connaissant des difficultés de liquidité a été multipliée par 2,5 en 2020 passant de 3,8% à 10%.
Un effet « domino » redoutable
L'ensemble des conséquences macroéconomiques des défaillances d'entreprises est à ce stade encore difficile à appréhender. Plusieurs économistes craignent des effets « domino » dans des régions où certaines filières sont très implantées comme l'aéronautique dans le Sud Ouest par exemple. En effet, les difficultés enregistrées par Airbus ont déjà mis à terre de nombreux fournisseurs et sous-traitants. A l'échelle des métropoles de Toulouse et Bordeaux, beaucoup de PME et TPE sont asphyxiées par ces pertes.
Les répercussions sur le marché du travail pourraient être immenses. D'après des travaux menés par l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), près de 175.000 emplois pourraient disparaître en raison des faillites d'entreprises. « Plusieurs études ont observé qu'en période de crise, davantage d'emplois sont détruits si celle-ci s'accompagne de faillites plutôt que d'une baisse généralisée et homogène de l'activité » ajoutent les auteurs de la note. La grande hétérogénéité des entreprises et des secteurs va accroître les difficultés d'accompagnement pour les pouvoirs publics lors de la période de transition vers la reprise.
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