Les syndicats reçus à Matignon à partir de ce mardi, la réforme des retraites toujours en tête

Après une rencontre avec l'intersyndicale début avril qui avait tourné court, Elisabeth Borne reçoit cette fois chacune des cinq organisations représentatives, sans ordre du jour précis. Si la réforme des retraites a été promulguée, et les décrets d'application sont en cours d'écriture pour une mise en place au 1er septembre, cet épineux dossier devrait rester ancré dans les esprits.
Les syndicats lors d'une manifestation contre la réforme des retraites au mois d'avril.
Les syndicats lors d'une manifestation contre la réforme des retraites au mois d'avril. (Crédits : Reuters)

Les syndicats vont-ils claquer la porte aussitôt les discussions avec l'exécutif terminées ? Les organisations représentatives reviennent ce mardi et mercredi à Matignon. Une première depuis la promulgation de la très contestée réforme des retraites.

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Et pour cause, la dernière rencontre en intersyndicale au début du mois d'avril, avait tourné particulièrement court, le dialogue s'étant alors rompu entre le gouvernement et les syndicats.

Cette fois-ci, l'exécutif opte pour des rencontres bilatérales, sans ordre précis. Alors qu'elle souffle mardi sa première bougie à Matignon, recevant lundi un satisfecit d'Emmanuel Macron pour son action teintée de « force, détermination et courage », Elisabeth Borne s'entretiendra ainsi en fin d'après-midi ce lundi avec FO et la CFDT. Puis mercredi matin avec la CFE-CGC et la CFTC, avant la CGT l'après-midi. Ces rencontres s'inscrivent dans le cadre de la feuille de route qu'Emmanuel Macron a confiée à Elisabeth Borne pour relancer l'exécutif après la crise des retraites.

Pour Laurent Berger, l'heure est à la réparation

La Première ministre, régulièrement chahutée par les casseroles d'opposants à la réforme des retraites qui a porté l'âge de départ à 64 ans, se dit « à l'écoute des priorités » des organisations syndicales et patronales. Les syndicats, eux, sont bien décidés à ne pas tourner la page des retraites de sitôt.

« On va d'abord lui parler des retraites en lui disant qu'il y a un nouveau rendez-vous à l'Assemblée nationale et qu'il faut laisser faire ce rendez-vous », et puis « on lui dira qu'il faut réparer » ce qu'elle a « un peu abîmé dans le monde du travail », a déclaré ce mardi matin Laurent Berger, numéro un de la CFDT, sur France 2.

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Le texte de Liot au cœur des discussions parlementaires

Lundi, l'intersyndicale a redit dans un communiqué son opposition « déterminée » à la réforme, contre laquelle elle organise une 14e journée de grève et de manifestations le 6 juin, deux jours avant l'examen d'une proposition de loi du groupe Liot visant son abrogation.

Le texte de Liot fait l'objet d'intenses réflexions au sein des groupes de la majorité qui soupèsent notamment l'argument de l'« irrecevabilité financière », en référence à la règle constitutionnelle qui veut qu'une proposition venant des parlementaires ne peut pas dégrader les finances publiques. Elisabeth Borne a réuni dimanche à Matignon pour en discuter les groupes Renaissance, Horizons et MoDem, avec la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet. Plusieurs ministres et responsables de la majorité en ont aussi parlé à l'Elysée lundi matin, selon un participant. L'intergroupe de la majorité dévoilera mardi sa stratégie.

D'autres sujets sur la table

Après l'adoption au forceps de la réforme des retraites, les syndicats viennent avec une besace pleine de revendications et pourraient faire monter les enchères. Dans le contexte de l'inflation, ils entendent surtout parler salaires, et rediront qu'ils jugent « injuste et brutale » la dégressivité des allocations chômage ou la mise en place d'obligation d'heures de travail contre le versement du RSA (revenu minimum pour les personnes sans ressources, ndlr).

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L'ensemble des syndicats demande que les aides publiques aux entreprises soient « conditionnées » à des objectifs sociaux, comme la hausse des salaires, et environnementaux. La CFDT, elle, va plaider pour une suspension des exonérations de cotisations pour les branches qui ont des minima inférieurs aux Smic. La CGT, qui vient, selon les mots de sa numéro un, Sophie Binet, au Parisien « pour poser des exigences », « pour négocier, pas pour discuter », souhaite une indexation des salaires sur la hausse des prix.

Une défiance forte

Les organisations patronales, qui seront reçues la semaine prochaine, elles, auraient préféré une négociation autonome avec les syndicats avant de voir le gouvernement. Outre l'emploi des seniors ou la pénibilité, autant de sujets retoqués de la réforme par le Conseil constitutionnel, la Première ministre entend bâtir avec les partenaires sociaux un « agenda social » pour un « nouveau pacte de la vie au travail ».

Un projet de loi, « qui embarquera le résultat des négociations » entre les syndicats et le patronat, devrait être déposé en fin d'année ou en début d'année 2024, selon Matignon. Mais malgré la reprise du dialogue, « la défiance restera extrêmement profonde », a prévenu Sophie Binet pour qui « il n'y aura pas de retour à la normale si cette réforme (des retraites) n'est pas abandonnée ». « On va continuer à dire que la page n'est pas tournée » sur les retraites, mais « on ne peut pas ne pas parler de l'inflation, du pouvoir d'achat », explique à l'AFP le président de la CFTC Cyril Chabanier.

Riester juge « logique » que le texte d'abrogation n'aille pas au vote

Le ministre délégué aux Relations avec le Parlement a jugé mardi « logique » que la proposition de loi d'abrogation du recul de l'âge légal de départ à la retraite soit empêchée d'aller jusqu'au vote le 8 juin, car elle n'est pas financée. Les trois groupes constituant la majorité à l'Assemblée nationale (Renaissance, Modem, Horizons) doivent se réunir mardi matin pour envisager de recourir à l'article 40 de la Constitution contre ce texte présenté par le groupe Liot.

Ce dernier prescrit que propositions et amendements des parlementaires ne sont pas recevables s'ils entraînent une diminution des recettes ou un alourdissement des charges publiques. « C'est logique, puisqu'ils créent 15 milliards ou 18 milliards de dépenses supplémentaires sans expliquer comment ils financent », a estimé Franck Riester sur Radio J, jugeant la proposition de loi « irresponsable ».

La proposition de loi, soutenue par les oppositions, est vue comme l'ultime possibilité de remettre en cause la réforme des retraites ou a minima d'adresser un nouvel avertissement politique à l'exécutif. En cas de vote, elle aurait des chances de réunir une majorité de députés. Le texte prévoit l'organisation d'une conférence sociale pour décider comment financer le déficit à venir des caisses de retraite autrement qu'en reculant l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Il est selon le ministre « non conforme à la Constitution du fait de cet article 40, clairement il n'y a pas de débat ». Anticipant déjà les critiques des oppositions, il a ajouté : « C'est quand même une drôle d'idée que d'imaginer que, dans une démocratie comme la nôtre, il faudrait s'asseoir sur la Constitution ». Par crainte de ne pas obtenir de majorité sur le texte initial, la Première ministre avait utilisé mi-mars l'article 49.3 de la Constitution pour le faire adopter sans vote. Elle avait ensuite échappé à neuf voix près à une motion de censure.

(Avec AFP)

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