Finances locales : quel impact sur la commande publique après les annonces du gouvernement ?

Haut conseil des finances publiques, cadre financier pluriannuel... Lors des Assises des Finances publiques organisées le 19 à Bercy, le ministre Bruno le Maire et la Première ministre Elisabeth Borne ont multiplié les annonces à l'égard des élus locaux. Quitte à oublier que les collectivités territoriales représentent 70% de la commande publique nationale. Décryptage.
César Armand
(Crédits : DR)

Au milieu des coupes budgétaires annoncées à Bercy le 19 juin lors des « Assises des finances publiques » et sans doute du fait de l'absence des trois principales associations d'élus locaux, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a caressé les collectivités territoriales dans le sens du poil. Bruno Le Maire a salué leur « bonne gestion », rappelé qu'elles avaient « dégagé pour la plupart des excédents » et promis d'ouvrir « une nouvelle méthode » avec elles pour les quatre dernières années du quinquennat.

Il n'a pas eu un mot en revanche sur la commande publique, c'est-à-dire sur l'ensemble des contrats passés par les élus locaux pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Et ce alors que les communes, intercommunalités, départements et régions représentent près de 70% de la commande publique en France. Les 30% restants étant l'État et ses établissements.

Vers un principe d'auto-assurance?

Le locataire de Bercy a en effet préféré évoquer le « principe d'auto-assurance des recettes des collectivités locales » qui leur permet de « se constituer des réserves financières en cas de coups durs ».

« Jusqu'à présent, l'Etat a joué ce rôle d'assureur en dernier recours », a poursuivi Bruno Le Maire.

Des propos qui ont surpris les principaux intéressés, à commencer par Bertrand Hauchecorne, maire (Sans étiquette) de Mareau-aux-Prés (1.250 habitants, Loiret) et président de la commission Finances à l'association des maires ruraux (AMRF). « Lorsque nous avons des excédents budgétaires, soit nous prenons moins d'emprunts, soit nous les affectons à d'autres. Qu'est-ce qu'il y a de neuf au niveau législatif ? » s'interroge-t-il.

Du côté de l'association des maires de France (AMF), qui a boycotté la réunion du 19 juin, son co-président de la commission des Finances Antoine Homé s'interroge sur la formule « jusqu'à présent, l'Etat a joué ce rôle d'assureur en dernier recours ».

« En cas de pépin conjoncturel, est-ce que ça veut dire qu'il n'y aura plus de filet de sécurité ? », se demande le maire (PS) de Wittenheim (Haut-Rhin).

Quid des réserves financières ?

Outre les maires, les conseils départementaux, qui ont aussi séché le raout d'hier, cherchent à traduire ce qu'entend le ministre par « réserves financières ». Aujourd'hui, leurs recettes proviennent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dits aussi « frais de notaire ». Sauf qu'avec la crise de l'immobilier, ces recettes ont chuté de 14 à 30% selon les départements. Aussi François Sauvadet, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), met en garde l'exécutif : « Que la sortie de réserve ne soit pas à la main de l'Etat ».

« Nous n'avons pas d'argent caché ! » s'exclame encore François Sauvadet.

Les conseils régionaux, qui ont également boudé le rendez-vous, adopteront, elles, une position commune sur ce sujet le 5 juillet prochain. « Bercy n'a pas apporté de précisions suffisantes. Il peut y avoir un écart entre un mécanisme automatique de mise en réserve dans un fonds commun géré par une gouvernance à déterminer et une capacité propre de chaque collectivité de mise en réserve », relève, déjà, le délégué général de Régions de France, Philippe Bailbé.

Beaucoup de doutes sur le Haut conseil des finances publiques

Dans un autre registre, Bruno Le Maire propose la mise en place d'un Haut conseil des Finances publiques pour « réunir tous les acteurs de la dépense locale à tous les échelons pour définir des choix stratégiques ». Il viendra compléter le Comité des Finances locales (CFL) présidé par le maire (PS) d'Issoudun (Indre), André Laignel, premier vice-président délégué de l'association des maires de France (AMF) et composé d'élus, de parlementaires et de hauts-fonctionnaires.

Là encore, l'idée du ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique prend de court les élus locaux.

« Cela peut être le cadre d'une discussion entre les collectivités et le patron de Bercy sur les finances locales à la différence du CFL où l'administration nous présente des projets d'arrêtés techniques », affirme Bertrand Hauchecorne des maires ruraux (AMRF).

« Pas besoin de machins supplémentaires. Ce dont nous avons besoin, c'est de la confiance et d'une mise à plat des finances locales ! », s'époumone François Sauvadet des départements (ADF).

« Superfétatoire. Rien n'interdit le ministre Bruno Le Maire de venir au Comité des Finances locales. Nous serions très heureux qu'il vienne plus souvent », appuie Antoine Homé de l'AMF.

D'accord pour un cadre financier pluriannuel... sous conditions

Intervenant en clôture, la Première ministre a, elle, promis d'associer « davantage » les élus locaux aux décisions qui les concernent avec « un cadre financier pluriannuel ».

Les collectivités attendent en effet de la visibilité pour prévoir leurs investissements. Le maire rural Bertrand Hauchecorne a déposé, début janvier, une demande de « Fonds vert » pour changer son éclairage au LED, mais n'a pas de nouvelle de la préfecture départementale. « Quand mon adjointe aux Affaires scolaires me demande ce que nous pouvons avoir comme subventions, je lui réponds que je n'en sais rien... », explique-t-il, et ce alors que les travaux démarreront lors des prochaines vacances de Noel en décembre prochain.

Du côté des départements, la dernière décision d'augmenter de 1,5% le point d'indice des fonctionnaires, y compris territoriaux, n'est pas passée. « Chez moi en Côte d'Or, cela va représenter 1,5 million d'euros supplémentaires », illustre François Sauvadet, patron de l'Assemblée des départements de France (ADF).

Les régions déclarent, elles, « attendre une plus grande prévisibilité des recettes et des dépenses ».« Toute initiative en ce sens serait la bienvenue. Notre présidente Carole Delga répondra à l'invitation de Matignon pour poursuivre le dialogue », assure leur délégué général Philippe Bailbé.

La question de la commande publique n'est pas réglée

Auto-assurance des recettes, Haut conseil des finances publiques et maintenant cadre financier pluriannuel, autant de sujets qui viendront nourrir le projet de loi de programmation des finances publiques prévu pour l'été et la loi de finances 2024 censée être adoptée cet été. Sauf que la question de la commande publique n'est pas réglée, malgré le signal faible de crise du logement et plus généralement de l'immobilier.

« D'un côté, nous avons des ressources qui se stabilisent voire qui baissent et de l'autre, des dépenses qui augmentent. Résultat : l'investissement va trinquer », souligne François Sauvadet, des départements de France. Et en premier, l'investissement dans les communes car c'est là aussi le rôle des conseils départementaux en plus de la gestion des collèges et des routes.

« Lorsqu'on contraint les collectivités à des dépenses supplémentaires, l'arbitrage qui en découle se fait sur l'investissement », confirme Philippe Bailbé des régions de France.

Et pour cause : à la différence de l'État, les collectivités territoriales sont soumises à la « règle d'or », c'est-à-dire qu'elles doivent voter des budgets à l'équilibre entre les dépenses et les recettes. « La prévisibilité, c'est la meilleure garantie de la commande publique », conclut le porte-parole des conseils régionaux, porteurs à eux seuls de 25% de ma commande publique locale avec 14 milliards d'euros rien qu'en 2022.

A bon entendeur...

César Armand
Commentaire 1
à écrit le 21/06/2023 à 8:19
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"Quitte à oublier que les collectivités territoriales représentent 70% de la commande publique nationale" Oui mais la commande publique nationale c'est du pot de vin, ça ils connaissent, tandis que la dépense publique locale c'est de la gestion d'arg...

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