Finances locales : réunis en congrès, les départements déçus par les annonces d'Elisabeth Borne

Intervenant en clôture des Assises des départements de France (ADF) à Strasbourg, ce 10 novembre, la Première ministre Elisabeth Borne a promis un soutien budgétaire aux conseils départementaux dont les finances sont prises en tenaille entre des recettes en baisse et des charges en augmentation. Mais les élus concernés ne sont pas satisfaits : ils réclament davantage d'autonomie. Explications.
La Première ministre Elisabeth Borne s'est entretenue avec Jean-Léonce Dupont, président (UDI) de la commission Finances des Départements de France et président du département du Calvados, sous le regard de Dominique Faure, ministre déléguée en charge des collectivités territoriales et de la ruralité.
La Première ministre Elisabeth Borne s'est entretenue avec Jean-Léonce Dupont, président (UDI) de la commission Finances des Départements de France et président du département du Calvados, sous le regard de Dominique Faure, ministre déléguée en charge des collectivités territoriales et de la ruralité. (Crédits : Olivier Mirguet)

Quand la Premier ministre Elisabeth Borne a annoncé sa décision de « porter l'aide de l'Etat aux départements à 100 millions d'euros » pour financer l'aide aux mineurs non accompagnés, l'assistance a frémi, sans applaudir. Et pour cause : les conseils départementaux, réunis au Parlement européen à Strasbourg ces 8 et 9 novembre pour leurs assises annuelles, attendaient un geste plus fort de la part du gouvernement.

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La promesse de la mise en place d'un autre fonds de soutien de 100 millions d'euros, cette fois au bénéfice d'une quinzaine de départements dont la situation financière est particulièrement délicate, n'a pas davantage fait réagir le public présent.

Cela n'a pas découragé la locataire de Matignon qui a promis une troisième enveloppe d'environ 150 millions d'euros pour le financement de l'autonomie des personnes âgées. Un versement composé d'une douzaine de flux financiers via la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et devra être simplifié, a poursuivi Elisabeth Borne.

Plus de 50 départements plombés par la baisse des frais de notaire

Trois enveloppes d'un total de 350 millions d'euros mais qui ne satisfont pas les départements, confrontés à des situations financières très tendues, qui espéraient davantage d'espèces sonnantes et trébuchantes de la part du gouvernement.

« Les recettes de droits de mutations à titre onéreux (DMTO) sont en chute de 20 % à 30 % », a calculé le président (LR) du conseil départemental de la Haute-Marne, en référence à ces recettes plus connues sous le terme de frais de notaire, en baisse du fait de la crise du logement qui grippe les transactions immobilières.

« D'une dizaine de départements en difficulté l'année dernière, on est passé à plus de 50 cette année. Il n'y a pas de points communs entre ces départements, qui sont de droite comme de gauche, ruraux ou urbains », a poursuivi le porte-parole du groupe de la droite, du centre et des indépendants de l'Assemblée des départements de France (ADF).

« Les fonds d'urgence et de sauvegarde ne sont plus à la maille de nos besoins », a renchéri le socialiste Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde.

Déception sur le fonds de sauvegarde

Beaucoup de patrons de conseils départementaux pariaient en effet sur le fonds de sauvegarde, alimenté à la fois par un excédent des recettes nationales de la TVA et par les départements eux-mêmes, au service de ceux en grande difficulté. Sauf que le compte n'y est pas, regrettent les principaux intéressés.

« Nous attendions un abondement de 100 millions d'euros. A priori, l'abondement de l'Etat va s'élever à 53 millions d'euros, à parité. C'est un effort mais cela reste une déception », a réagi Jean-Léonce Dupont, président (UDI) de la commission Finances de l'ADF et président du département du Calvados, interrogé par La Tribune.

Et de pousuivre : « Cette déception pourrait être minorée par le fait qu'ils ne s'agisse pas d'un soutien "one shot", mais d'un soutien de l'Etat dans la durée, qui pourrait être décroissant en fonction de l'évolution positive du fonds alimenté par le départements »,

D'autant que la liste d'une quinzaine de départements en grande difficulté, et qui pourraient en bénéficier, n'a pas (encore ?) été diffusée.

Une tension palpable

Dans un hémicycle réduit au silence, faute de débat avec la Première ministre, la défiance vis-à-vis du gouvernement était d'ailleurs palpable. Dans leur résolution votée à la quasi-unanimité (558 voix pour, 4 contre, 18 abstentions) au terme de ces deux journées de rencontres à Strasbourg, les départements de France ont d'abord exprimé leur colère face à une décentralisation en panne, et face à une situation financière qui les place « sous perfusion permanente ».

Les présidents de conseil départemental fustigent « l'indigence des moyens » qui leur sont accordés pour mener à bien leurs missions - accueil des mineurs isolés, aide à l'autonomie des personnes âgées -, et se disent obligés à « abandonner leurs politiques volontaristes au détriment de l'innovation ».

Les départements dénoncent « le glissement des carences de l'Etat vers les conseils départementaux » et le « sophisme jacobin » qui en découle, et proposent de « considérer enfin la décentralisation comme une solution pour moderniser tant l'organisation de la République que notre démocratie ».

La mission Woerth dans le viseur

Dans ce texte offensif de six pages, les départements ciblent également la mission confiée par Emmanuel Macron au député Renaissance de l'Oise Eric Woerth, chargé d'une mission relative à la décentralisation. L'ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy sera notamment chargé d'explorer une simplification de l'organisation territoriale, « en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd'hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles ».

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Une piste qu'il aurait déjà écartée selon le président (LR) de l'association des maires de France, David Lisnard, qui l'a eu au téléphone en début de semaine, mais les conseils départementaux, se sentant sans doute menacés dans leur existence, n'ont pas tardé à ouvrir un contrefeu.

« Nous attendons du gouvernement qu'il rappelle sa confiance portée aux collectivités locales, et qu'il sorte de cette posture de défiance », prévient Chaynesse Khirouni, présidente (PS) du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle.

Sollicitée par La Tribune, l'élue déplore « la volonté de recentralisation des politiques publiques, notamment sur la protection de l'enfance. Il faut donner aux départements les moyens d'agir, de retrouver une autonomie financière, des leviers fiscaux ».

« L'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active ne sont pas compensés à la hauteur de ce que l'Etat nous doit », enchaîne Chaynesse Khirouni.

« Sur l'aide personnalisée à l'autonomie (APA), la Meurthe-et-Moselle ne perçoit que 47 % de compensation. C'est largement insuffisant », alerte-t-elle.

Racler les fonds de tiroirs

En attendant la péréquation, certains départements se voient donc obligés de racler les fonds de tiroirs. Le président (UDI) de l'Assemblée des départements de France et président de la Côte d'Or, François Sauvadet a rapporté devant Elisabeth Borne le témoignage du directeur d'un Ehpad qui n'était « plus en mesure de payer les salaires à la fin du mois ».

Les conseils départementaux demandent ainsi davantage d'autonomie financière et fiscale. « Les ressources financières des collectivités locales doivent provenir de redevances et d'impôts locaux », a insisté Nicolas Lacroix, mettant en lumière ce que les élus départementaux n'osent avouer : l'asphyxie. « Nous allons passer en résistance et vous ne pourrez pas passer outre. Avec nous, le 49.3, ça n'existe pas », a prévenu le président (LR) de la Haute-Marne. A ce moment précis, l'assemblée a applaudi.

Commentaires 4
à écrit le 11/11/2023 à 16:24
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Emmanuel Macron promet un milliard d’euros pour la recherche polaire.

à écrit le 11/11/2023 à 15:10
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Le poids des dépenses locales demeurent inférieur à la moyenne européenne (11,2 % du PIB en 2021 contre 17,9 % dans les autres pays européens). La France reste marquée par une forte tradition centralisatrice quand on la compare à ses partenaires euro...

à écrit le 11/11/2023 à 11:00
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ils sont decus, c'est normal, la fete du pognon qui coule de nulle part grace au ' russellement par anti gravite' ( concept de gauche qui dit que l'argent s'ecoule vers le haut, grace a des lois de la physique tolerante), c'est fini.....les droits de...

à écrit le 11/11/2023 à 9:35
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Ben oui mais la pauvre, ça fait déjà 5 jours qu'elle travaille gratuitement pour les marché financiers ! C'est ça le sens du sacrifice.

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