
Un rideau de fer baissé. Une vitrine de magasin bardée d'autocollants « A vendre » ou « A céder ». Quel que soit le contexte - confinement, reconfinement ou en temps normal -, de nombreuses communes subissent la désertification de leurs centres-villes. Pour sortir de cette fatalité, le gouvernement a mis en route, dès mars 2018, le plan « Action Cœur de Ville » doté de 5 milliards d'euros sur cinq ans au profit de 222 villes moyennes, c'est-à-dire recensant entre 20.000 et 100.000 habitants.
Trois ans plus tard, le 15 mars dernier, le gouvernement a présenté un premier bilan du programme. Il en ressort que 2,1 milliards d'euros ont déjà été engagés : 840 millions par la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts), 550 millions par Action Logement, 373 millions par l'Agence nationale de l'habitat et 334 millions par l'Etat.
Villefranche-sur-Saône (Rhône) sort du lot
Hasard ou coïncidence, l'association d'élus Villes de France, qui représente ces collectivités, et la jeune pousse MyTraffic, qui extrait les flux de passants et de véhicules au service des communes et des enseignes, publient ce 22 mars leur premier palmarès des centres-villes dynamiques. Trente villes moyennes situées dans dix régions différentes sortent du lot, à commencer par la commune de Villefranche-sur-Saône (Rhône).
Pour le maire (UDI) depuis 2017, Thomas Ravier, ce succès "est d'abord celui d'un travail de qualité mené avec les commerçants et artisans", dans une ville "historiquement construite autour de son artère principale, qui constitue le coeur de l'économie mais aussi son coeur identitaire".
L'édile de Villefranche-sur-Saône, qui peut se targuer d'avoir réussi à conserver 83% des flux pré-existants au coeur de son centre-ville depuis l'arrivée du Covid-19, affirme qu'il s'agit des résultats d'une politique mêlant différents ingrédients. À commencer par une volonté de densifier le centre-ville, de capitaliser sur une politique d'animation régulière, une capacité de vidéosurveillance qui double sur l'échelle du mandat, mais aussi un équilibre recherché entre un centre-ville apaisé et la conservation de la place pour le stationnement et la circulation des véhicules. Avec un objectif : ne pas se laisser cannibaliser par les flux de la métropole voisine, Lyon.
La région Auvergne Rhône-Alpes tire d'ailleurs particulièrement son épingle du jeu, avec près de six villes lauréates, confirmant que le succès n'est pas nécessairement une affaire de taille. Outre la grande gagnante Villefranche-sur-Saône et Beauvais - 16ème - ce classement récompense Chambéry, Pau, Arras, Valenciennes, Colmar, Chartres, Lens, Vannes et Roanne. Suivent Valence, Mâcon, Saint-Quentin, Agen, Bourg-en-Bresse, Creil, Nevers, Albi, ainsi que Auxerre, Thionville, Draguignan, Niort, Quimper, Alès, Bastia, Mont-de-Marsan, Charleville-Mézières, Brive-la-Gaillarde et Romans-sur-Isère.
Pour la présidente (LR) de Villes de France Caroline Cayeux, cette « hétérogénéité géographique » témoigne qu'« aucun territoire n'a le monopole du dynamisme » et que « les villes moyennes s'en tirent bien malgré les confinements ». « Chacune a lutté contre ses faiblesses et ses handicaps pour repartir sur un certain dynamisme. Ces résultats sont le fruit de stratégies de long-terme », ajoute la maire de Beauvais (Oise).
Plusieurs facteurs de réussite identifiés
Pour ce classement, l'élue locale s'est appuyée sur l'expertise de MyTraffic. Depuis 2016, cette startup récupère les informations - anonymisées - de géolocalisation des téléphones portables puis les couple avec du comptage manuel pour en extraire des données. En 2020, elle a mesuré, heure par heure, les flux piétons dans près de 200 villes.
« Nous permettons aux enseignes et aux villes de connaître les rues plus commerçantes que d'autres, de pouvoir comparer entre les endroits et plus généralement de comprendre comment le commerce évolue », résume Gauthier Macheton, co-fondateur.
Plusieurs facteurs de réussite ont été identifiés : la concentration des activités économiques et commerciales en parallèle du blocage des installations en périphérie, la volonté de lutter contre la vacance des logements en centre-ville, l'accessibilité de ces derniers (zones 20 km/h, 30 km/h, élargissement des trottoirs), l'investissement dans un poste de manager de centre-ville ou encore la création d'une foncière locale pour rénover puis louer les fonds de commerce.
« Nous essayons de trouver un équilibre entre des parkings plus ou moins chers, de la gratuité et de la piétonnisation pour attirer les gens », témoigne Caroline Cayeux. « De même que nous décrochons notre téléphone quand les propriétaires des cellules commerciales demandent des loyers trop élevés, afin de négocier avec eux », poursuit la maire de Beauvais.
1 milliard d'euros de la Banque des territoires
Toutes ces villes moyennes sont en outre aidées par la Banque des territoires. En octobre dernier, l'entité de la Caisse des Dépôts a débloqué 1 milliard d'euros pour revitaliser leurs centres-villes, dont 600 millions de prêts, 300 millions d'investissements et 100 millions de crédits d'ingénierie.
« Nous n'avions pas vocation à intervenir dans ce domaine, mais il nous est apparu essentiel d'avoir un volet de soutien », a expliqué le 18 mars dernier son directeur Olivier Sichel lors d'une visioconférence de presse.
En plus des collectivités et les enseignes, MyTraffic propose ce service aux commerçants indépendants qui souhaitent définir leur implantation, notamment en regardant l'emplacement de leurs concurrents. De la même manière que les professionnels de l'immobilier peuvent y recourir pour déterminer la valeur des immeubles et le niveau des loyers au regard des flux de passants et de véhicules.