Malmené au Salon de l'agriculture, Macron attaque le RN

Empêché d’inaugurer le Salon de l’agriculture pendant plusieurs heures dans une ambiance de chaos, le chef de l’État a pointé la responsabilité de l’extrême droite.
Nicolas Prissette
Affrontements entre des CRS et des manifestants ayant fait irruption au Salon de l’agriculture, hier.
Affrontements entre des CRS et des manifestants ayant fait irruption au Salon de l’agriculture, hier. (Crédits : © Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP)

Il n'a pas entendu les sifflets monter. Les cris. La cohue. Il est 8 heures ce samedi lorsque plusieurs dizaines d'individus déferlent dans le hall 1 du Salon de l'agriculture, croyant apercevoir Emmanuel Macron. La vague furieuse dévale les travées, effraie les limousines et s'attaque au cordon de policiers. Les insultes et les coups pleuvent. « On est chez nous », hurlent certains, reprenant un slogan du RN. Drapeau de la FNSEA au poing, bonnet jaune de la Coordination rurale (CR) sur la tête. Le président n'est pas là, il est en réunion au deuxième étage du bâtiment avec une dizaine de syndicalistes agricoles, loin des hurlements. Il va devoir y rester toute la matinée. Voilà le décor du chaos matinal.

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Quelques instants plus tôt, le secrétaire général de la CR, Christian Convers, confiait, bravache, sur le tapis rouge de l'entrée officielle : « Il ne pourra pas passer, ou alors il sera comme un crabe dans une casserole. » L'intention est claire : empêcher le chef de l'État de déambuler comme le veut la tradition. Face à la menace d'exactions, 700 à 800 policiers et gendarmes sont mobilisés. Du jamais-vu pour l'événement familial de la porte de Versailles.

9 heures : le ruban bleu, blanc, rouge qui barre l'entrée officielle est intact. Emmanuel Macron est alerté. Hors de question de renoncer à la visite. Les syndicats doivent apaiser leurs troupes. Devant les caméras des chaînes d'info, il appelle au calme et dévoile d'ultimes mesures d'urgence pour éteindre l'incendie qui embrase les fermes depuis un mois. Mais les troupes n'entendent pas, elles éructent encore, elles l'attendent pour en découdre, elles l'appellent à démissionner, elles l'insultent...

Le temps semble suspendu, le blocage est complet. 10 h 30 approche et le Salon 2024 vient d'entrer dans l'Histoire pour de tristes raisons. Toujours retranché au deuxième étage, le chef de l'État improvise alors. Il convoque à nouveau les syndicalistes et leurs représentants pour un dialogue à bâtons rompus... mais devant la presse, cette fois-ci. La FNSEA n'a pas voulu du « grand débat » dans le ring aux bestiaux ? Va pour un format réduit. La puissante fédération ravale sa colère, elle a obtenu du président son démenti formel devant les caméras : non, tonne-t-il, il n'a jamais voulu convier au « grand débat » les activistes des Soulèvements de la Terre. Arnaud Rousseau, le président du syndicat, l'avait prévenu mercredi après-midi lors d'une entrevue à l'Élysée : « Il faut se voir avant le Salon, purger les choses, pour que ça se passe le mieux possible. » Pas si simple...

Voilà donc Emmanuel Macron qui tombe la veste, pose son feutre bleu sur une table ronde, encaisse critiques et questions au milieu d'une trentaine de casquettes rouges, vertes ou jaunes. La rencontre est diffusée sur les écrans du Hall 1, de sorte que chaque exploitant suive les annonces présidentielles. Et sur les chaînes d'info.

Pendant deux heures, il a réponse à tout. Il démine, il s'escrime, il rembarre parfois. Il tutoie, souvent. « Attends ! » s'écrie- t-il à plusieurs reprises pour interrompre un propos qu'il juge erroné. Un homme s'avance, portant un tee-shirt « Paysan sans président ». Il le lui fait retirer.

Il ne pourra pas passer, ou alors il sera comme un crabe dans une casserole

Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale

Le scénario des longs après-midi de sous-préfecture post-Gilets jaunes se déroule de nouveau. Une technique rodée. Il note les questions, s'assure que tout le monde a parlé. Puis il fait exploser la tension : « La ferme France, elle reste forte, elle produit. C'est faux de dire qu'elle est en train de se casser la gueule. » Huées ! Et il répond, longuement, point par point. Tout est évoqué : l'Ukraine, les normes, les pesticides, les prix plancher, les suicides d'agriculteurs...

Les minutes passent et la FNSEA devient plus sensible aux promesses, tandis que la CR a baissé d'un ton. Soudain, une dernière passe d'armes avec le leader des éleveurs de bovins. « C'est un soutien de Wauquiez... », glisse une proche du chef de l'État. Mais l'heure du déjeuner approche et le ruban tient encore. Macron demande aux syndicalistes d'aller parler à leur base, à nouveau. La salle se vide. Nouvelle suspension du temps. Peut-il enfin descendre ?

Parmi les équipes de l'Élysée, certains tentent de le dissuader de baguenauder parmi les vaches. La situation est trop instable. Il s'inquiète alors. Pas pour lui. « Pour les visiteurs », raconte un participant aux huis clos. « Si jamais quelqu'un est bousculé et que ça tourne mal, on dira que c'est à cause de sa venue. » Discrètement, l'Élysée a fait remonter les leaders. Il veut conclure. J'ai débattu, j'ai pris des risques, leur dit en substance Emmanuel Macron. Mais si vous ne tenez pas vos gars, les engagements ne servent à rien... Puis il tranche : un président, ça inaugure les salons, dit-il au petit cercle qui l'entoure. Il va descendre.

Pendant ce temps, Perle, Radieuse, Suisse, Pectine et Rime sont évacuées. Les paisibles normandes laissent place à un renfort de forces de l'ordre. Le préfet de police Laurent Nuñez, lui, pense à cette visite et à toutes les autres qui s'annoncent : « On protège tout le monde, pas seulement le chef de l'État. » Bilan: cinq interpellations et « plusieurs blessés parmi les forces de l'ordre », nous indique-t-il.

Des gens sont venus pour faire monter le Rassemblement national

Emmanuel Macron

C'est à ce prix que le ruban est enfin coupé, à 13 h 30. Policiers et gendarmes forment maintenant une « bulle » impressionnante autour de la délégation officielle. À cent mètres à la ronde, nul badaud ne passe. Le pouvoir est coupé de la foule, mais pas des cris. Une centaine d'agités vocifèrent par intermittence derrière les barrages de CRS, tentant parfois de les forcer. Les enfants et leurs parents devront attendre pour taquiner Oreillette, la vache égérie de cette édition. Une bête impassible. « Elle a du mérite parce qu'elle subit un beau bordel depuis ce matin », s'amuse le président.

Normandie, Aubrac, Savoie... Stand après stand, Emmanuel Macron papote, goûte ici du miel, avale là une rondelle de saucisson. Il reprend des forces. L'heure de la riposte sonne. Pas sur le plan technique. Cette fois-ci, elle est totalement politique. « Les gens qui gueulent, qui manifestent, ils ont un projet politique. Les mecs peuvent continuer, je sais d'où ça vient. » Puis, devant quelques morceaux d'abondance et de beaufort, il désigne les fauteurs de troubles : « Il y a des gens qui sont venus pour mener une campagne politique et faire monter le Rassemblement national. Le RN c'est le parti du Frexit. S'il n'y a pas d'Europe, il n'y a pas d'agriculture. » Des arguments qu'il ressert quelques instants plus tard, dénonçant chez ses adversaires lepénistes « un projet de décroissance et de bêtise ». Tout sauf un hasard. Aujourd'hui, c'est au tour de Jordan Bardella d'arpenter les allées et de tenter de séduire le monde agricole. La bataille des images se déroule tout le week-end. Emmanuel Macron aura tout fait pour obtenir les siennes. Après un déjeuner tardif, il s'offre un petit bain de foule. Comme si de rien n'était. Un conseiller du président souffle : « Cette visite est un succès, vu les circonstances. » À l'Élysée, on se rassure comme on peut.

Nicolas Prissette
Commentaires 26
à écrit le 26/02/2024 à 19:35
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A-t-on idée, quand on est Président sous la Vième, de descendre dans l'arène faire le coup de poing? On envoie son Benalla... je veux dire: son Premier Ministre.

à écrit le 26/02/2024 à 11:35
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Le propre des incompétents détourner l attention

à écrit le 25/02/2024 à 18:23
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macron perd ses nerfs sentant le danger arriver a grand pas il tente de casser le R N mais c'est quasiment foutu il jette en pature une pauvre minette qui va se faire croquer pour macron c'est titanic 2

à écrit le 25/02/2024 à 16:38
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sommes nous déjà dans une démocratie de l apparence ? les élections pour régler tout cela point

à écrit le 25/02/2024 à 15:37
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...." attaquer le RN " !?! ......une pierre de plus a l'incurie de ce personnage repoussant : "c'est pas moi m'sieur c'est l'autre " !!!

à écrit le 25/02/2024 à 13:07
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Pitoyable...son comportement est étrange....toujours en train de se frotter le nez

à écrit le 25/02/2024 à 12:47
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Avec ce président quand il y a des problèmes la responsabilité est toujours imputée aux autres ,mais cela fait 7 ans qu'il exerce son pouvoir absolu donc je pense que son incompétence est de plus en plus difficile à masquer. Encore trois ans 😕

à écrit le 25/02/2024 à 11:44
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Le spectacle au salon de l'agriculture c'est pas beau, Y a t'il un autre moyen? Mais les français voudraient la vérité sur le niveau de vie des agriculteurs les prix payés et les aides de l'union européenne . Et pour les consommateurs la réalité sur...

le 25/02/2024 à 12:56
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J'ai travaillé avec le monde agricole pendant 30 ans et j'en conclu que les dirigeants des instances agricoles, ch. d'agriculture, syndicats , coopératives etc... verrouillent de système à leurs seuls profits et au détriment des exploitants qu'ils ...

le 25/02/2024 à 13:47
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@ reponse de ldx - C'est malheureusement la vérité. FNSEA en tête suivie des Chambres d'agriculture et du Crédit Agricole (un peu moins vrai depuis quelques années ).

à écrit le 25/02/2024 à 11:39
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Panique à bord ! Le pire président de la 5ème République voit que la situation lui échappe pour de bon.

le 25/02/2024 à 16:28
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Il est pire à vos yeux car sa marche de manoeuvre financière est faible, mais dorénavant ceux qui arrivent après lui auront encore moins de marge de manoeuvre, car cela fait 50 ans que l'on vit au-dessus de nos moyens et nous avons atteint le bout du...

à écrit le 25/02/2024 à 11:24
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Ce n'est pas étonnant d'entendre les agriculteurs dire "on est chez nous" car au quotidien, ils sont de plus en plus en conflit avec les néo-ruraux qu'on imagine bien macronistes s'ils intentent des procès pour le chant du coq, c'est comme à Paris qu...

à écrit le 25/02/2024 à 10:43
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Quand çà va c'est la faute à Macron, quand çà ne va pas c'est la faute au RN (qui ne fait rien).

le 25/02/2024 à 11:59
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nuances. gouverner c est d abord loger et nourrir son peuple ?, ( producteurs agriculteurs et consommateurs attendent mieux que des paroles sans lendemain ) et surtout une agriculture raisonnée sans pesticides

le 25/02/2024 à 13:01
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La faute incombe en premier lieu us instances agricoles qui poussent les exploitants dans des impasses , quelques rares agriculteurs arrivent à s'émanciper de cette emprise et à dégager des revenus qui leur permettent de vivre normalement mais vous n...

le 25/02/2024 à 13:55
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@reponse de lu - Ça, c'était il y a longtemps! L'histoire du paysan qui nourrit le bon peuple de France est une faribole. L'agriculture d'aujourd'hui n'est plus celle des années 60/70 et celle de demain ne sera pas celle d'aujourd'hui. On peut le r...

à écrit le 25/02/2024 à 9:17
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Ben c'est bien grâce à l'extrême droite qu'il a été élu c'est un peu normal qu'il en subisse ce genre de conséquences. A force de voter pour le mal contre le pire, le mal est partout. Entre chiens et loups quand tombe la nuit.

à écrit le 25/02/2024 à 9:08
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Bonjour, comment vous n"avez pas vue le RN derriere l'action des paysans au salon de l'agriculture. . Bien moi non plus , le peux des revendication etrait tres loins de la snenophobie ( haines de l'autre). Bien sur , ils est tellement simple de f...

à écrit le 25/02/2024 à 8:45
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"On est chez nous"! Voilà un argument qui va améliorer la situation des agriculteurs. Protéger la profession d'agriculteur, pourquoi pas, mais comment dans une economie libérale et capitaliste ? Quand une entreprise n'est plus rentable elle ferme, el...

à écrit le 25/02/2024 à 8:34
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C'est marrant, ils font tout ce qu'ils peuvent pour exclure le RN du jeu démocratique et de l'exercice des mandats ou responsabilités, et ils ont en plus besoin de lui reprocher leurs propres torts. Bien pratique, ce bouc émissaire. À croire qu' il...

à écrit le 25/02/2024 à 8:10
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petites personnes honte a la france un guignol

à écrit le 25/02/2024 à 7:08
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Macron a malgré tout fait le job. On ne peut pas en dire autant des responsables des syndicats agricoles qui en s'abritant derrière les exactions de leurs bases extrémistes n'ont pas respecté leurs engagements. Une leçon à retenir pour l'excécutif qu...

le 25/02/2024 à 8:21
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Vous êtes adhérent à Renaissance ?

le 25/02/2024 à 8:26
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en etat de délabrement irréversible ce n'est le rn qui est au pouvoir et ce n'est pas la ou les crises qui sont responsable c'est l'incapacites a prevoir et un plan de grandeur de la france qui failli chez m macron pour le baratin oui mais pour l...

à écrit le 25/02/2024 à 7:08
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Macron a malgré tout fait le job. On ne peut pas en dire autant des responsables des syndicats agricoles qui en s'abritant derrière les exactions de leurs bases extrémistes n'ont pas respecté leurs engagements. Une leçon à retenir pour l'excécutif qu...

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