Mobilité et emploi : les femmes plus pénalisées que les hommes

Après un déménagement, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à connaître une promotion ou une amélioration de leurs conditions professionnelles, selon une enquête du ministère du Travail.
Grégoire Normand
(Crédits : DR)

La parité a encore des progrès à faire dans le monde du travail. Selon la dernière étude du ministère du Travail publiée ce mardi 2 avril, les femmes sont moins souvent en emploi que les hommes après avoir déménagé. Dans son enquête, la Dares explique que, après avoir changé de région de résidence, l'accès à l'emploi est plus fréquent pour les hommes au chômage que pour les femmes sur cinq années d'intervalle. Ainsi, 65% des hommes sont en emploi après avoir bougé entre 2010 et 2015, contre 44% pour les sédentaires. Pour les femmes, le taux demeure à 47% si elles sont mobiles ou si elles ne changent pas de région. Si l'encouragement à déménager est parfois exprimé pour retrouver un travail, la mobilité est loin d'avoir les mêmes effets entre les hommes et les femmes.

Des démissions plus nombreuses pour les femmes

Les changements de lieu de résidence entraînent, en proportion, plus de démissions pour les femmes (34%) que pour les hommes (28%). Cet écart peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Avant un déménagement, les hommes sont plus nombreux à connaître des mutations professionnelles (21,8% contre 15% chez les femmes). Aussi, les femmes signalent bien plus de fin de contrats à durée déterminée (19,8%) que les hommes (13,6%). D'autres circonstances avancées dans l'étude apportent un éclairage sur de tels contrastes :

"Qu'ils soient seuls ou en couple, les hommes, nettement plus souvent que les femmes, justifient leur mobilité par le souhait d'un emploi plus intéressant. Cette raison est en outre davantage citée par les femmes et les hommes qui restent en emploi (respectivement 7% et 15% d'entre eux). En revanche, les femmes avancent plus fréquemment le souhait ou l'obligation de déménager, notamment lorsqu'elles vivent en couple (55% contre 31% pour les hommes en couple), ce qui peut correspondre au fait de suivre leur conjoint qui déménage pour des raisons professionnelles."

Une amélioration professionnelle supérieure pour les hommes

A la suite d'un changement de résidence, les hommes (68%) sont plus nombreux à déclarer une amélioration de leur situation professionnelle que les femmes. Interrogés sur plusieurs paramètres à l'issue d'un changement géographique, les hommes expriment bien plus de satisfaction que les femmes. C'est particulièrement le cas pour la promotion, avec un écart de 16 points entre les deux populations (13% pour les femmes et 29% pour les hommes), et aussi s'agissant des hausses de revenus (45% pour les hommes, contre seulement 37% pour le femmes).

Les femmes accèdent moins fréquemment que les hommes à une catégorie socioprofessionnelle plus élevée ou à une position professionnelle qu'elles jugent plus élevée (« statut »).

La mobilité résidentielle concerne d'abord les plus précaires

Les changements de lieu de résidence concernent avant tout les salariés en contrat court et les personnes au chômage. Ces deux groupes seraient en moyenne deux fois plus mobiles que les autres actifs, d'après une autre enquête du service de statistiques du ministère du Travail publiée également ce mardi 2 avril.

"Pour les travailleurs éloignés de l'emploi ou de l'emploi stable, la mobilité peut répondre à la nécessité d'étendre la zone géographique de recherche d'emploi ou de mettre en adéquation leurs dépenses de logement avec leurs revenus. À l'opposé, pour les salariés dont la situation professionnelle est stabilisée, le déménagement peut représenter un faible gain professionnel, voire un risque, s'il ne se réalise pas dans le cadre sécurisé d'une mutation."

La mobilité ne favorise pas les moins qualifiés

Souvent présentée comme un outil de lutte contre le chômage, la mobilité géographique n'a pas les mêmes répercussions selon les différentes catégories socioprofessionnelles. Dans un rapport de l'Observatoire des territoires publié en janvier dernier, les auteurs expliquent "que le fait d'avoir ou non déménagé n'est pas le facteur qui joue le plus dans le fait de retrouver ou non un emploi", même si c'était vrai il y a plusieurs décennies". Actuellement, le retour à l'emploi dépend bien plus du niveau de diplôme ou de l'âge.

"La mobilité résidentielle exerce bien un effet positif, quoique faible, sur le retour à l'emploi des actifs au chômage, même si cet effet est aujourd'hui bien plus faible que dans les années 1970."

 A rebours des idées reçues,  le sociologue Thomas Sigaud avait réalisé une étude pour le Centre d'études de l'emploi en 2015, intitulée "La mobilité géographique : ressource ou fragilité pour l'emploi ?", qui explique que, sur quatre décennies étudiées (1970-2012), "les chances de retour à l'emploi des chômeurs ayant changé de département sont de plus en plus proches de celles des actifs qui n'ont pas bougé". Et il confirme que la mobilité géographique est loin d'être profitable à l'ensemble de la population active :

"En 2012, pour les cadres, la mobilité géographique accroît la probabilité de retrouver un emploi. À l'inverse, les chômeurs les moins qualifiés qui sont mobiles ont deux fois moins de chances de retrouver un emploi que ceux qui n'ont pas bougé. [...] Sur l'ensemble de la période, la mobilité résidentielle a bien un effet très positif sur la probabilité, pour les chômeurs, d'entrer dans l'emploi. Cependant, cet effet positif ne se retrouve que pour les chômeurs de sexe masculin, jeunes (15-29 ans) et très diplômés (niveau bac + 2 ou supérieur). Au contraire, il devient négatif pour les femmes, les chômeurs âgés de 40 ans ou plus, et les moins diplômés."

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 02/04/2019 à 20:53
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Tout est fait dans les médias pour créer l'affrontement homme femme dans un but électoral! Toujours diviser pour régner!

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