Objet social de l’entreprise : le Medef allume un contre-feu

La consultation publique lancée, mardi 27 février, sur une évolution du code Afep/Medef permet aux organisations patronales de reprendre l’initiative dans le débat, mais n’apporte pas de réelle réponse aux attentes exprimées ces dernières semaines.
Dominique Pialot
Le Medef lance une consultation sur l'évolution de son code de gouvernance.
Le Medef lance une consultation sur l'évolution de son code de gouvernance. (Crédits : POOL)

Une nouvelle révision du code de gouvernance Afep/Medef, principal instrument de "soft law" en France, qui encadre notamment la rémunération des dirigeants, la composition des conseils d'administration, ainsi que des sujets tels que la discrimination. C'est ce qu'a d'entrée proposé l'actuel patron du Medef Pierre Gattaz, face à la suggestion de modification du Code civil, contre laquelle il n'a pas eu de mots assez durs lorsqu'elle est revenue dans le débat par la voix de Nicolas Hulot, en décembre dernier. « Boîte de Pandore », « judiciarisation des affaires », voilà ce que lui évoque l'éventuelle modification des articles 1833 et 1834 du Code civil qui définissent ce qu'est une société (la définition d'une entreprise n'apparaissant nulle part).

Il y a deux semaines, le Medef avait fait savoir que cette révision du code de gouvernance (en vigueur depuis 1995 mais déjà modifié à plusieurs reprises, notamment en 2013) était entamée, et le 27 février, l'organisation patronale lançait « une consultation publique des parties prenantes ». Ouverte en ligne, elle sera fermée dans six semaines, huit jours à peine avant la présentation du projet de loi Pacte en conseil des ministres.

Parmi les évolutions soumises à consultation : la question des administrateurs salariés, la nomination d'un référent parmi les administrateurs indépendants mais également une redéfinition des missions du conseil qui « agit en toutes circonstances dans l'intérêt social de l'entreprise » et « s'attache à promouvoir la création de valeur sur le long terme en tenant compte des dimensions sociale, sociétale, et environnementale des activités de l'entreprise ». Des considérations RSE doivent également être intégrées aux critères de fixation de la rémunération des dirigeants.

La "soft law", oui, mais laquelle ?

Ces propositions d'évolution et l'ouverture d'une consultation ont vocation à démontrer l'existence d'un dialogue au sein des instances patronales, dont certains adhérents avaient qualifié la première réaction d'épidermique. Mais aussi de reprendre la main dans un débat plutôt tendu avec le gouvernement.

Si plusieurs parties prenantes au débat poussent pour un lifting a minima du Code civil introduisant la possibilité pour les sociétés de prendre en compte l'intérêt général (sur le mode du volontariat), et l'introduction dans le Code du commerce d'un nouveau statut d' « entreprise à mission », d'autres se cantonnent également au registre de la "soft law". C'est le cas notamment de la trentaine d'enseignants qui ont adressé une tribune au Medef il y a quelques jours, préconisant la refonte du code dans l'esprit du "Companies Act" anglais, qui prévoit une meilleure prise en compte des intérêts des parties prenantes. Ils y poussent la création de « comité des parties prenantes » venant en soutien des conseils d'administration, une idée également défendue par le collège des directeurs du développement durable (C3D).

« Aujourd'hui, les parties prenantes éligibles ne sont véritablement consultées que pour la réalisation des études de matérialité dans le cadre de l'élaboration d'un rapport intégré ou la mise en œuvre des dispositions pour le devoir de vigilance, regrette son président Fabrice Bonnifet. Mais il n'y a aucune obligation ni aucun cadre. »

Mais concernant les parties prenantes, le patron des patrons a réagi sur le réseau social LinkedIn :

« L'expression « [...] est commode, a-t-il observé. Mais il s'agit d'une nébuleuse qui mêle salariés, clients, fournisseurs, ONG et associations de défense d'intérêts divers et variés qui peuvent avoir des points de vue conflictuels. Cela n'a pas de sens de vouloir les regrouper en un comité ou en une assemblée générale parallèle (...) ».

On peut donc légitimement douter que la consultation en cours suffise à clore le débat...

Dominique Pialot
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