Vagues d'infections à répétition, canicules plus précoces et plus longues....la France a enregistré une succession de chocs vertigineux en 2022. Depuis trois années, l'Hexagone est frappée par des crises sanitaire et climatique particulièrement aiguës. Et le pays est loin d'être isolé. En Europe, de nombreux pays ont subi les ravages de la pandémie et des épisodes de chaleur extrêmes.
Dans ce contexte morose, le bilan démographique dévoilé par l'Insee ce mardi 17 janvier est particulièrement sombre. « En 2022, l'espérance de vie aussi bien pour les hommes que pour les femmes n'a toujours pas retrouvé son niveau de 2019. Les femmes ont perdu 0,4 an (5 mois) et les hommes 0,5 an (6 mois) en 2021 », a déclaré Sylvie Le Minez, responsable de l'unité des études démographiques et sociales de l'Insee, lors d'un point presse.
S'agissant de 2022, l'espérance de vie a stagné pour les femmes (0%) et très légèrement augmenté pour les hommes (0,1%). Finalement, l'espérance de vie pour les femmes est de 85,2 ans et 79,3 ans pour les hommes.
Lire aussiLa pandémie a provoqué une hausse vertigineuse des décès, l'espérance de vie en fort recul
Un excès de mortalité de 46.000 personnes
Pour rappel, au premier janvier 2023, l'Hexagone comptait 68 millions d'habitants contre 67,8 millions un an plus tôt et 66,9 en 2018, soit 15% de population de l'Union européenne à 27 contre 19% pour l'Allemagne.
Après les deux premières années de pandémie, la hausse vertigineuse des décès s'est poursuivie en 2022. Les statisticiens ont enregistré un bond (+6.000 décès) avec 667.000 décès l'année dernière contre 661.000 en 2021 et 668.000 en 2020, année du pic de la pandémie de Covid. « En 2022, le nombre de décès se situe à un niveau toujours élevé. Il provient en partie du vieillissement de la population, a expliqué la statisticienne. Une grande partie s'explique aussi par la pandémie et les épisodes de canicule de l'été dernier ».
L'arrivée des générations nombreuses du « baby-boom » à des âges plus avancés entraîne logiquement une hausse des décès depuis quelques années. Au total, l'excès de mortalité par rapport aux chiffres attendus par l'institut de statistiques est de 46.000.
Entre la crise sanitaire et le réchauffement climatique, il reste, à ce stade, difficile d'établir le détail des facteurs de décès. « Ce chiffre sur les excès de mortalité est toutes causes confondues », explique à La Tribune Sylvie Le Minez. « Certains décès peuvent être directement liés au Covid ou indirectement. Certains décès du Covid sont liés à des pathologies, des retards de prise en charge à l'hôpital. Il y a une surmortalité liée aux canicules, mais le chiffre précis est difficile à établir à ce stade. Le bilan sera fait par l'Inserm, le ministère de la Santé et Santé Publique France », a-t-elle ajouté.
Les naissances au plus bas en 2022, un record depuis 1946
Sur le front des naissances, le tableau dressé par l'Insee est particulièrement alarmant. L'Hexagone a enregistré 723.000 naissances l'année dernière contre 742.000 en 2021 et 735.000 en 2020. Il s'agit d'un plus bas depuis 1946 selon l'organisme basé à Montrouge. La première année de la pandémie est donc loin d'être une exception. « Entre 2015 et 2020, les naissances ont été chaque année de moins en moins nombreuses, » soulignent les statisticiens dans leur note.
En regardant à la loupe l'évolution des naissances au cours de l'année 2020, les chercheurs ont constaté qu'en « décembre 2020, il y a eu une chute considérable du nombre de naissances. Cela correspond à la période neuf mois après le début du premier confinement. À ce moment, de nombreux couples ont reporté leur projet d'avoir un enfant. » S'agissant de 2021, « il y a eu un rebond des naissances, mettant fin à une baisse ininterrompue depuis 2014 » indique Sylvie Le Minez.
Enfin, le nombre d'enfants par femmes est en déclin à 1,8 en 2022 contre 1,84 en 2021. Après avoir atteint un pic supérieur à 2 en 2012, cet indicateur n'a cessé de dégringoler à l'exception de 2021.
Un solde naturel en berne, au plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale
Le solde naturel, c'est-à-dire la différence entre les naissances et les décès, a également atteint son plus bas historique en 2022 pour s'établir à 56.000 contre 80.500 en 2021 et 66.300 en 2020. Là encore, cet indicateur est très loin d'avoir retrouvé son niveau d'avant crise sanitaire. Pour rappel, le solde naturel en 2019 était de 140.000 en France.« Le solde naturel est le plus faible observé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, » souligne Sylvie Le Minez.
En revanche, le solde migratoire, c'est-à-dire la différence entre les arrivées et les départs du territoire français demeure stable depuis 2020 autour de 160.000. « Ces mouvements migratoires contribuent ainsi pour près des trois-quarts à la hausse de la population, » résume l'Insee.