Qualité urbaine, mobilité, petite enfance, culture, école, sport, emploi, armée, sécurité, équité... Seraient-ce les thèmes du discours du président Macron à Marseille le 2 septembre ? Raté. Il s'agit des thèmes développés, en avril 2018, par Jean-Louis Borloo dans son rapport Vivre ensemble, vivre en grand la République - Pour une réconciliation nationale, avant d'être enterré par le chef de l'Etat lui-même à l'Elysée un mois plus tard.
Trois ans et demi se sont écoulés depuis cette réception au Château, et le président Macron vient de dévoiler un plan pour la cité phocéenne baptisé Marseille en grand, en réponse à "l'urgence sécuritaire, sociale et sanitaire". Il devrait comporter 1,5 milliard d'euros pour la sécurité, les transports, le logement et la culture, et environ 1,2 milliard d'euros pour la seule rénovation des écoles de la deuxième ville de France.
Achever le déploiement de la vidéoprotection
Au volet sécurité, le chef de l'Etat a lâché les sommes de 150 millions pour un nouvel hôtel de police, 8,5 millions d'euros pour financer le regroupement des commissariats des XIIIème et XIVème arrondissements, ainsi que 8 millions d'euros pour doter les policiers de nouveaux moyens d'enquête. Ou encore le déploiement de 500 caméras de vidéosurveillance. Dans son rapport de 2018, Jean-Louis Borloo insistait, lui, sur l'importance d'achever le déploiement de la vidéoprotection dans les villes pauvres.
Au chapitre logement et insalubrité, la deuxième ville de France, marquée par la mort en novembre 2018 de huit habitants à la suite de l'effondrement de deux immeubles insalubres de la rue d'Aubagne, fait déjà l'objet depuis juillet 2019 d'un grand plan entre l'Etat et les collectivités et d'une stratégie à 15 ans pour 200.000 résidents. Pour accélérer "immédiatement" les chantiers, le chef de l'Etat a promis de qualifier la ville d'"opération d'intérêt national". Autrement dit, permettre à l'administration de copiloter les travaux. De la même façon que le président Macron veut passer de 300 à 600 millions d'euros la participation de l'Etat dans la lutte contre le logement indigne.
Déjà il y a trois ans, cette "qualité urbaine pour tous" constituait la priorité du rapport de Jean-Louis Borloo. Il y imputait les difficultés de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à "la désinvolture et à la bureaucratisation de Bercy". "Ils ont même fait croire qu'on avait mis beaucoup d'argent, alors que ça s'est arrêté sans que personne ne s'en rende compte", confiait-il à La Tribune. Depuis, le nouveau programme de renouvellement urbain porté par l'ANRU a été doté de 12 milliards d'euros, dont 2 milliards début 2021.
Des espèces sonnantes et trébuchantes pour la santé
Dans les transports, l'automatisation du métro ainsi que la création de quatre nouvelles lignes de tramways et de cinq lignes de bus à haut niveau de service (c'est-à-dire circulant sur des voies dédiées, Ndlr) figurent à l'agenda présidentiel. A l'époque, l'ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy citait le chiffre de 160 quartiers "Politique de la ville" (QPV, Ndlr) qui ne disposaient d'aucune desserte de transports en commun.
S'agissant de la santé, le chef de l'Etat a dévoilé des espèces sonnantes et trébuchantes : 159 millions d'euros - la moitié de la somme déjà budgétée - pour restaurer la Timone, l'hôpital Nord et le bâtiment du Samu, mais aussi 50 millions de plus pour le pôle mère-enfant. Sans oublier une politique d'aide pour l'installation de médecins en ville. Rappelant le préambule de la Constitution de 1946 - "la Nation garantit à tous la protection de la santé" -, Jean-Louis Borloo soulignait déjà en 2018 que "les QPV présentent un déficit d'offre de soins implantée par rapport à leur environnement".
L'innovation pédagogique enfin au rendez-vous ?
Pour les 174 écoles qu'il s'agit de réhabiliter et de reconstruire, le président Macron a annoncé, d'ici à fin 2021, la création d'une société publique d'intérêt national, présidée par Benoît Payan, maire (PS), et piloté par l'Etat. Les écoles relèvent effectivement de la responsabilité des communes, mais "si je laisse Marseille se débrouiller toute seule, c'est simple: les enfants vivront avec des écoles qui ne seront pas rénovées au bon rythme", a justifié le chef de l'Etat. De la même manière qu'il a annoncé l'ouverture, dès septembre 2022, de dix micro-collèges - gestion départementale - et de dix micro-lycées - gestion régionale - dédiés aux élèves en grande difficulté.
Il y a trois ans, le ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy plaidait pour sa part, pour un fonds d'investissement éducatif d'un milliard d'euros pour la rénovation ou la reconstruction dans les cinq ans des 300 écoles et 100 collèges "les plus dégradés". Le tout dans "une stratégie volontariste d'innovation pédagogique et de renforcement de la mixité scolaire".
Cela tombe bien: Emmanuel Macron a annoncé que cinquante écoles marseillaises allaient devenir un "laboratoire de l'école du futur" avec davantage d'autonomie des chefs d'établissement dans les projets d'apprentissage, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours et l'enseignement. En cela, il s'inscrit parfaitement dans la philosophie de Jean-Louis Borloo. Dès 2018, ce dernier écrivait: "On ne peut plus laisser les enseignants, les chefs d'établissement et les personnels, les enfants et leurs parents, comme si l'environnement urbain, social, culturel, linguistique, moral et physique était homogène sur le territoire national avec quelques correctifs mineurs à la marge".
En ce sens, le ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy défendait le concept de "cité éducative", c'est-à-dire 'le regroupement à partir du collège et des écoles de tous les lieux et de tous les acteurs [notamment associatifs, Ndlr] prêts à soutenir, ensemble, l'éducation des enfants". "Fédérer autour de l'ensemble de ces nouvelles forces permet en outre d'augmenter considérablement le temps d'encadrement de nos jeunes à l'école ou à l'extérieur. Cela nécessite une organisation, des moyens humains et financiers importants, mais secondaires vu l'enjeu", ajoutait-il.
La culture n'est pas en reste
Quant à l'emploi, outre un service militaire volontaire pour cent jeunes, le chef de l'Etat entend lancer un "capital jeunes créateurs" de plusieurs milliers d'euros, mettre sur les rails un guichet pour rapprocher les jeunes de l'emploi et créer trois carrefours de l'entrepreneuriat où les jeunes "seraient gratuitement formés, conseillés, mentorés par des dirigeants d'entreprises, d'associations et accompagnés par les services publics",
Un constat déjà posé par Jean-Louis Borloo, selon qui il faut "déployer un coaching généralisé et un accompagnement personnalisé pour la jeunesse en s'appuyant sur les réseaux qui ont fait leurs preuves et qui ont défini des objectifs de mise en oeuvre très ambitieux par des plans d'actions annuels". "La plupart des jeunes des QPV n'ont ni les codes ni les réseaux nécessaires pour l'emploi et l'entreprise, parfois des formations incomplètes et d'une manière générale que cet univers n'est pas pour eux", poursuivait-il, citant le chiffre de 98.000 jeunes issus de l'immigration bac+3, sans emploi au bout de trois ans.
La culture n'est pas en reste. Au pays de Marcel Pagnol, Emmanuel Macron veut rendre plus belle la vie en créant de grands studios de cinéma, une école "Ciné fabrique" sur le modèle de celle de Lyon, et une antenne marseillaise de la Cinémathèque française. "Construire sa vie, construire le monde par sa vie, c'est l'ambition que la culture met à la portée de chacun. La culture est nécessaire partout, car elle apporte ouverture, tolérance, dépassement de soi, maîtrise, épanouissement, confiance", écrivait le ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy qui n'a jamais eu cette responsabilité.
Enfin, à la veille du Congrès mondial de la nature, l'environnement, était au cœur de cette journée du 3 septembre. La veille, le président de la République avait énoncé la création d'Odysséo, "réseau de lieux, de sensibilisation, de recherche, de formation et d'innovation dans les pays bordant la Méditerranée pour fédérer les acteurs de la transition écologique, impulser un dialogue permanent entre les sciences et le grand public, entre les innovations technologiques et la préservation de l'environnement, entre le monde artistique culturel et les acteurs de l'économie". Vaste programme.