Il y a cinq ans, le programme d'Emmanuel Macron en matière de numérique était particulièrement fourni. Il avait, en particulier, multiplié les promesses concernant le secteur des télécoms. A l'époque, il ambitionnait de transformer la France en « startup nation ». Un objectif impossible à tenir sans infrastructures numériques dernier cri. Aujourd'hui, le président-candidat se refuse à présenter, dans son programme minimaliste, « un catalogue infini de mesures ». C'est vrai pour les télécoms, le secteur ne faisant l'objet d'aucune mesure phare.
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Emmanuel Macron a toutefois un bilan sur lequel s'appuyer. Sur le front de l'Internet fixe, son gouvernement a répété qu'il souhaitait que tous les Français disposent de la fibre à l'horizon 2025. Or, ces cinq dernières années, et malgré la crise du Covid-19, le grand chantier du déploiement de la fibre s'est énormément accéléré. L'objectif, repris en 2017, du très haut débit pour tous d'ici à la fin 2022, dont 80% via la fibre, est à portée de main. A ce jour, 70% des Français sont éligibles à cette technologie grâce aux investissements massifs des Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free.
Fibre : un succès terni par les malfaçons
Mais ce succès, indéniable, est à tempérer. En premier lieu, le déploiement de la fibre a pris du retard dans certaines villes, à l'instar de Marseille ou de Lille. Surtout, la qualité de ce réseau, essentiel pour la compétitivité du pays dans les années à venir, fait l'objet de nombreuses critiques. Beaucoup se demandent si le secteur n'est pas allé trop vite, au regard des malfaçons qui entravent, aujourd'hui, le raccordement de beaucoup d'abonnés.
De nombreux sous-traitants des opérateurs sont critiqués pour ne pas travailler dans les règles de l'art. Ceux-ci râlent, en retour, contre les prix pratiqués par les opérateurs - et notamment ceux d'Orange -, qu'ils estiment trop bas pour s'y retrouver et effectuer un travail de qualité.
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L'autre grande priorité politique d'Emmanuel Macron en 2017 était de mettre un terme aux « zones blanches », où le mobile ne passe pas. L'exécutif s'est saisi du dossier. Il a passé, en 2018, un accord baptisé « New Deal », où les opérateurs se sont engagés à dépenser 3 milliards d'euros pour couvrir les zones blanches en contrepartie d'une prolongation de certaines fréquences mobiles. L'initiative a porté ses fruits.
Mais elle s'avère, au regard des collectivités et de l'aveu même des opérateurs, encore insuffisante. Au point qu'un « New Deal 2 » est parfois évoqué. Emmanuel Macron choisira-t-il cette voie ? Possible. Mais son programme ne le précise pas.
Le Pen veut « réduire la fracture numérique »
Sur ces dossiers, que dit Marine Le Pen ? On ne trouve rien, dans son programme, concernant les réseaux Internet fixe. Sur le mobile, en revanche, la candidate d'extrême droite appelle à « réduire la fracture numérique ».
« La fracture numérique a deux aspects, affirme-t-elle. D'une part, elle concerne des parties du territoire qui, tant en métropole qu'en outre-mer, sont soit des zones blanches, soit des zones dans lesquelles les débits des réseaux téléphoniques sont très insuffisants, tant pour les habitants que pour les entreprises. »
Pour réduire cette fracture, elle préconise de faire appel à l'Arcep, le régulateur des télécoms, afin d'en finir avec les zones blanches. Sans pour autant préciser la méthode.
L'innovation, grande absente du programme de Le Pen
De manière générale, en matière d'économie numérique, Marine Le Pen n'a, semble-t-il, qu'une obsession : rendre à la France sa « souveraineté », dans un contexte, il est vrai, d'ultra-domination des GAFAM.
Dans les télécoms, elle souhaite donc privilégier des fournisseurs d'infrastructures français ou européens. A ce sujet, elle n'est pas si éloignée de la ligne d'Emmanuel Macron, qui veut doter la France d'une autonomie technologique. Rappelons, au passage, que c'est notamment pour des raisons de souveraineté que son gouvernement a, au grand dam des opérateurs, fortement limité l'empreinte du géant chinois Huawei dans le marché de la 5G.
La grande différence, au fond, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, est que la première semble seulement considérer le numérique comme un danger, tandis que le second y voit aussi une opportunité en matière d'innovation. Dans la dizaine de pages du volet numérique de son programme, la candidate d'extrême droite n'a, par exemple, pas un mot pour la 5G.
Emmanuel Macron, pour sa part, considère depuis longtemps que la France doit mettre les bouchées doubles dans cette technologie. Son gouvernement a toujours jugé ce réseau stratégique pour doper la compétitivité du pays, malgré ses difficultés à inciter les industriels à saisir, jusqu'à présent, cette opportunité.