Le chef de l'Etat est désespérément à la recherche d'un nouveau souffle pour son second quinquennat. Après sa longue conférence de presse donnée mardi soir dans la salle des fêtes du Palais de l'Elysée, Emmanuel Macron s'est rendu ce mercredi 17 janvier au sommet de Davos en Suisse. Devant un parterre de grands dirigeants du monde entier, le président a vanté ses ambitions en matière de « réarmement économique ».
À quelques mois des élections européennes, le quadragénaire veut profiter de ce grand raout pour mobiliser les troupes du nouveau gouvernement Attal autour de l'attractivité de l'Hexagone, un de ses thèmes de prédilection. Critiqué pour être « le président des riches », Emmanuel Macron pourrait une nouvelle fois s'exposer à de violentes remarques avec cette nouvelle opération de communication.
Le Rassemblement national (RN) en tête dans les sondages a déjà démarré sa campagne européenne et vise un meilleur résultat qu'en 2019. Dans cette rude course électorale, Emmanuel Macron a annoncé un acte 2 des réformes devant les 200 journalistes présents lors du point presse mardi soir à une heure de grande audience. « La France doit produire davantage [...] Ce sera l'objet d'une loi pour la croissance, l'activité et les opportunités économiques », a-t-il annoncé sur Twitter.
Confronté à un essoufflement de la croissance et des taux élevés, Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle série de réformes. Mais la tâche du nouveau gouvernement Attal pourrait encore virer au casse-tête. Embourbée dans une polémique à rallonge, la nouvelle ministre de l'Education Amélie Oudéa Castera est déjà sous le feu des critiques moins d'une semaine après son arrivée rue de Grenelle. Et l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale risque une nouvelle fois de compliquer l'équation parlementaire du nouveau Premier ministre fraîchement arrivé à Matignon.
Une loi croissance aux contours encore flous
Emmanuel Macron a donné relativement peu de précisions sur ce futur texte de loi destiné à booster la croissance. « Nous devrons mettre fin aux normes inutiles, réduire les délais, faciliter les embauches, augmenter les seuils de déclenchement d'obligation », a-t-il énuméré. Dans la droite ligne de 2017, ces objectifs fixent un cap de libéralisation et de déréglementation de l'économie tricolore. S'agissant des normes, la CPME a fait ses propositions dans un épais catalogue dévoilé cette semaine.
Au ministère de l'Economie, l'administration a également réalisé une consultation des entreprises sur les pistes de simplification dont les résultats doivent encore être précisés. Confirmé à la tête d'un ministère de l'Economie renforcé avec le portefeuille de l'énergie, Bruno Le Maire risque de porter ce texte dans les mois à venir.
En 2015, une loi Macron « fourre-tout »
Déjà en 2015, lorsqu'il était ministre de l'Economie sous François Hollande, Emmanuel Macron avait déjà proposé une loi pour « la croissance, l'activité, l'emploi et l'égalité des chances ». A l'époque ce texte « fourre-tout » avait assoupli les règles d'ouverture des magasins le dimanche, permis la libéralisation des professions réglementées, le développement des cars de transports de voyageurs ou encore la réforme des tribunaux de commerce et de la justice des prud'hommes. Mais le bilan de ce texte de loi aux 200 articles était plutôt mitigé selon un rapport parlementaire de 2018.
En 2015, c'est principalement le ministère de l'Economie qui avait planché sur ce vaste chantier. Or, de nombreuses mesures concernaient le secteur des transports, le droit du travail, la justice, le permis de conduire. Ce qui avait suscité de vives critiques chez les syndicats et les juristes spécialisées. Sur le plan macroéconomique, cette loi travail avait provoqué un sursaut de la croissance de 0,3 point de produit intérieur brut (PIB) en dix ans, avait évalué l'OCDE dans une note remise au gouvernement de Manuel Valls.
Cette loi n'a pas permis dans tous les cas de contrebalancer les effets de politique budgétaire restrictive menée sous François Hollande. L'OFCE avait évalué que la politique budgétaire de consolidation, instituée en Europe après la crise des dettes souveraines de 2012, avait amputé la croissance annuelle de 0,8 point en moyenne sous le quinquennat Hollande. « En 2017, le PIB aurait été plus élevé de 4,2% si la politique budgétaire avait été neutre », expliquent les économistes.
Un acte 2 la réforme du marché du travail
Lors de son intervention devant les journalistes, Emmanuel Macron a également confirmé une nouvelle réforme du marché du travail. « Le gouvernement incitera à la création et la reprise d'un emploi avec, dès le printemps prochain, un acte deux de la réforme du marché du travail lancée en 2017 », a-t-il déclaré. Sans apporter beaucoup de précisions, il a annoncé « qu'il y aura des règles plus sévères quand des offres d'emploi sont refusées et un meilleur accompagnement de nos chômeurs par la formation mais aussi l'accompagnement à l'emploi sur des choses très concrètes comme le logement ou les transports ».
À charge pour la nouvelle ministre du Travail issue des rangs de la droite, Catherine Vautrin, de faire des propositions. En fin d'année, Bercy a notamment proposé de réduire la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi seniors de plus de 55 ans et de les aligner sur les autres catégories d'âge. Cette proposition d'un durcissement a déjà suscité de vives critiques dans les rangs des syndicats actuellement en discussion avec le patronat sur le sujet sensible des seniors.
Un pari risqué pour les économistes
Les options mises sur la table par le chef de l'Etat interrogent les économistes. « Le contexte a changé depuis la mi-2023 » rappelle à La Tribune, Eric Heyer, directeur des prévisions à l'OFCE. « Auparavant les entreprises gardaient le moral en raison de bons carnets de commande malgré la guerre en Ukraine et l'inflation. Depuis six mois, les carnets de commande se vident. La demande est devenue le principal frein d'activité des entreprises, poursuit l'économiste. Il y a un risque d'amplifier le choc de demande ». L'expert estime que « faire une réforme de l'assurance-chômage au moment où les entreprises vont moins embaucher n'est pas très efficace » sur le plan économique. « Réformer l'assurance-chômage dans ce contexte, c'est se tromper ». Autant dire que le pari économique du gouvernement est risqué pour 2024.