Sécurité économique : des fonds activistes aujourd'hui sous surveillance (3/5)

Troisième volet de la série sur la sécurité économique, sur les fonds activistes, dont certains ont des agendas stratégiques au détriment de leur actif. Le SISSE surveille mais ne peut intervenir quand des investisseurs extra-européens prennent moins de 10% du capital d'une entreprise cotée et moins de 25% pour une entreprise non-cotée.
Michel Cabirol
Les fonds activistes « intéressent » fortement le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE)
Les fonds activistes « intéressent » fortement le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) (Crédits : David W Cerny)

La récente prise de conscience de la France que tous les pays qu'ils soient ennemis ou amis se livrent à une guerre économique totale, a nécessité un profond changement des logiciels de l'État français. Ainsi, les fonds activistes, dont la plupart travaillent en toute bonne foi, sont aujourd'hui dans le collimateur du Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), un service du ministère de l'Économie créé il y a moins de dix ans (2016). Car ces fonds activistes peuvent « influencer la destinée d'une entreprise sans en prendre son contrôle, note le chef du SISSE, Joffrey Célestin-Urbain. Il n'y a pas besoin non plus de beaucoup de pourcents du capital d'une entreprise pour la déstabiliser ».

Ce modus operandi très classique des fonds activistes limite toutefois l'action de la direction générale du Trésor en charge de la procédure de demande d'autorisation pour les investissements étrangers en France (IEF). Elle ne peut pas intervenir quand des investisseurs extra-européens prennent moins de 10% du capital d'une entreprise cotée (prorogé jusqu'au 31 décembre 2023) et moins de 25% pour une entreprise non-cotée. Ce qui limite également de fait l'action du SISSE. « L'IEF ne peut pas couvrir ce genre d'action, qui n'implique pas une position de contrôle au sein de l'entreprise », avait rappelé le chef du SISSE à l'Assemblée nationale en mars dernier. Le SISSE ne peut rien faire, si ce n'est essayer d'exercer une influence informelle. Un trou dans la raquette de la sécurité économique qu'il sera difficile de traiter.

« Nous pouvons être gênés par les fonds activistes, qui prennent des participations très minoritaires. Lorsqu'ils se lancent dans des opérations de déstabilisation massive qui constituent un manquement à la réglementation financière, ils sont suivis par l'Autorité des marchés financiers. Mais pour le reste, nous ne disposons d'aucun régime juridique de police administrative ou financière pour intervenir. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment anormal : un acteur qui prend 5 % ou 8 % du capital ne représente pas le même risque que celui qui est à 30 %. En vertu du principe de proportionnalité, nous contrôlons les opérations qui doivent l'être », avait-il expliqué devant les députés.

Caractériser la menace

Pour autant, le SISSE reste attentif aux investissements de certains fonds activistes qui pourraient être proches ou influencés par certains États. S'il reste d'une extrême prudence sur ce type de dossier, Joffrey Célestin-Urbain a donné quelques indices sur la façon dont le SISSE procède vis-à-vis de ces fonds et des fonds d'investissement en général. « Ce qu'on essaie de faire, précise-t-il, c'est de démêler la part de l'activité normale d'un investisseur activiste qui fait son travail et le fait plutôt mieux qu'un autre investisseur, et les autres. Il peut y avoir des stratégies beaucoup plus agressives ». Dans ce cadre, le rôle du SISSE est de « caractériser » (identifier et comprendre) la menace et de repérer si l'actif visé est stratégique ou pas.

Comment ces fonds activistes qui « intéressent » le SISSE se comportent-ils ? Il y a ceux qui mènent une stratégie activiste avec de la vente à découvert massive pour récupérer de l'argent si l'entreprise va dans le mur. Seconde catégorie, les fonds qui possèdent un agenda stratégique plutôt qu'un agenda de marché. « Et c'est la question qu'on se pose à peu près sur tous les investisseurs étrangers qu'on voit passer, nuance Joffrey Célestrin-Urbain. Sur certains acteurs étrangers, nous avons identifié un agenda stratégique. Sur les fonds activistes, je ne répondrai pas en particulier parce que c'est trop précis ». Une chose est sûre, le SISSE évolue souvent dans des zones grises là où louvoient certains fonds activistes.

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Lire ou relire les deux premiers volets de la série sur la sécurité économique :

Vers un record de menaces étrangères sur les entreprises françaises en 2023 (1/5)

Comment Bercy protège les laboratoires français devenus la proie des puissances étrangères (2/5)

Michel Cabirol
Commentaires 2
à écrit le 31/10/2023 à 10:58
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Vous voulez parler des fonds alternatifs à l'instar, par exemple, d'Apollo Global Management qui a signé la semaine dernière un "accord définitif" avec Air France-KLM? Un accord pour que le fonds d’investissement injecte 1.3 milliard d’euros dans un...

à écrit le 31/10/2023 à 10:12
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D'ailleurs il serait quand même pertinent de surveiller les centaines de milliards d'investissements des palestiniens qui ont une telle emprise sur nos réseaux sociaux ! Mais ils le planquent ou tout ce pognon dans leurs sandales !? ^^

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