Sûreté nucléaire : la fusion controversée IRSN-ASN approuvée à l'Assemblée nationale

Après le Sénat, l'Assemblée nationale a approuvé à une voix près la fusion controversée des deux acteurs de la sûreté nucléaire, l'ASN, gendarme des centrales, et l'IRSN, chargé de l'expertise technique.
Les députés ont approuvé à 260 voix contre 259 la fusion des deux acteurs de la sûreté nucléaire, l'ASN et l'IRSN, mardi 19 mars. (photo d'illustration)
Les députés ont approuvé à 260 voix contre 259 la fusion des deux acteurs de la sûreté nucléaire, l'ASN et l'IRSN, mardi 19 mars. (photo d'illustration) (Crédits : Reuters)

Rejetée il y a un an, la fusion controversée des deux acteurs de la sûreté nucléaire, l'ASN, gendarme des centrales, et l'IRSN, chargé de l'expertise technique, a été approuvée à une voix près à l'Assemblée nationale ce mardi 19 mars. Après le Sénat mi-février, les députés l'ont votée avec 260 voix contre 259, une partie des Républicains joignant leurs voix à celles de la majorité.

Le projet de loi relatif à la gouvernance de la sûreté nucléaire prévoit la création le 1er janvier 2025 d'une « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR) issue du rapprochement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui emploient respectivement environ 530 et 1.740 agents.

La réforme, qui vise, selon le gouvernement, à « fluidifier » le secteur et à réduire les délais dans les processus d'expertise, d'autorisation et de contrôle, en pleine relance de l'atome. À l'issue du vote, le gouvernement devrait convoquer une commission mixte paritaire le 3 avril, en vue d'une adoption définitive dans les deux chambres début avril.

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La fusion provoque l'ire des syndicats des deux entités et rencontre l'opposition de nombre d'élus, d'experts et d'associations. Ses détracteurs alertent sur le risque de désorganisation du système, de perte d'indépendance des experts et de transparence à l'égard du public.

Les syndicats s'alarment d'un « délitement de la recherche »

L'intersyndicale de l'IRSN a de nouveau alerté lundi dans une lettre ouverte aux députés sur les « risques majeurs » liés au projet, s'alarmant d'un « délitement de la recherche » et d'une « désorganisation (de la sûreté nucléaire) en pleine relance ».

Elle a regretté que ses propositions aient été ignorées par le gouvernement, au cours de l'écriture du projet de loi comme à l'Assemblée, où les amendements travaillés avec les syndicats et salariés de l'IRSN ont été systématiquement « rejetés ».

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La semaine dernière, les représentants du personnel du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui devrait accueillir une partie des personnels de l'IRSN, ont fait part de leur opposition à la fusion, mettant en garde sur « les risques de perte de compétence et d'indépendance ».

L'expertise sur la sûreté nucléaire devrait faire l'objet d'une « entité distincte » au sein de l'éventuelle autorité unique de sûreté voulue par le gouvernement, recommande de son côté la Commission de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDASPE).

Des débats électriques à l'Assemblée

À l'Assemblée, le projet a suscité des débats électriques. L'ancienne ministre de l'Écologie Delphine Batho a notamment critiqué la décision du gouvernement de supprimer la publication des avis d'expertise en amont des décisions, une demande du lobby nucléaire.

« C'est le plus grave recul en matière d'information du public et de sûreté nucléaire depuis des décennies », a fustigé la députée écologiste, accusant l'exécutif de « tuer la confiance » de l'opinion dans la sûreté nucléaire.

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Delphine Batho dénonce aussi un « démantèlement de l'IRSN », avec le transfert au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) des 140 salariés de la direction de l'expertise nucléaire de défense (DEND). « La réforme met fin à l'approche intégrée de la sûreté nucléaire civile, militaire et de sécurité intérieure », regrette-t-elle.

Plusieurs députés, comme Sébastien Jumel (PCF) ou Julie Laernoes (EELV), se sont étonnés au cours des débats de la volte-face du RN. « En commission, nos collègues du RN semblaient avoir des doutes (...) Depuis ils ont retourné totalement leur veste et changé d'avis radicalement », a attaqué Mme Laernoes.

« On est pour la fusion », « notre vote contre était un vote en forme d'avertissement », alors qu'un certain nombre de questions posées par le RN « n'avaient pas eu de réponses », a expliqué à l'AFP un cadre du groupe.

Le gouvernement défend une « entité plus puissante »

Le ministre de l'Industrie Roland Lescure a défendu dans l'hémicycle une fusion visant à créer une entité « plus puissante, plus transparente, plus fluide et plus indépendante », sans convaincre les oppositions. « Il arrive parfois (...) qu'on doive prendre des décisions rapidement pour des raisons de sûreté », a justifié Roland Lescure.

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Le gouvernement avait essuyé un premier revers en mars 2023, ne parvenant pas à faire adopter la fusion dans le cadre de l'examen du projet de loi d'accélération du nucléaire. En commission des lois à l'Assemblée il y a deux semaines, il a de nouveau subi une défaite, les députés rejetant l'article principal du nouveau projet de loi.

Mais une large majorité a finalement approuvé le 12 mars dans l'hémicycle un amendement du gouvernement rétablissant cet article (206 pour, 117 contre). Le RN, qui s'était abstenu il y a un an et avait voté contre la fusion en commission, a joint ses voix à celles de la majorité Renaissance-MoDem-Horizons, et d'une partie de LR.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 20/03/2024 à 19:14
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"Nos" représentants, remplacés par le 49-3 pour le vote du budget, capables de voter un texte important? Il y a anguille sous roche: des fauteuils, des graissages de patte?...

à écrit le 19/03/2024 à 19:55
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Pourquoi pas ? la dst et les RG ont bien été réunis pour former la DGSI et ce n'est pas un cas isolé divers regroupements ont déjà été effectués !

le 20/03/2024 à 14:01
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Ce genre de commentaire démontre une belle inconscience. Les erreurs éventuellement commises par la DGSI ne sont pas vraiment comparables à l'éventualité d'un accident nucléaire ! Et la justification de cette réforme par un "pourquoi pas ?" me donne ...

à écrit le 19/03/2024 à 19:53
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La France et son lot de relations incestueuses!!!😯

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