Le scénario du pire, qui pourrait impacter sensiblement la croissance française, va-t-il s'imposer ? Le gouvernement ne l'exclut pas. « Vladimir Poutine peut décider demain de couper totalement le gaz à destination de l'Europe, auquel cas nous aurons un impact sur la croissance française », alerte Bruno Le Maire. « En fonction de l'impact qu'un arrêt complet des livraisons de gaz russe aura sur l'Allemagne et de la possibilité d'avoir une récession en Allemagne, on peut avoir un impact qui irait jusqu'à un point de PIB ».
Le ministre de l'Economie a martelé que le redémarrage des réacteurs à l'arrêt pour des problèmes non liés à la maintenance était une « urgence »: « Les Français vont avoir besoin qu'avant la fin du mois de décembre 2022, en tout ou partie, les réacteurs mis à l'arrêt pour des problèmes de corrosion ou de soudures puissent redémarrer ».
La prévision de croissance sur l'année reste à 2,5%
En dehors des contraintes d'approvisionnement en gaz, le ministre cite aussi « les incertitudes économiques aux Etats-Unis, en Chine et celles qui pèsent sur l'Allemagne, notre principal partenaire commercial » .
Il a néanmoins réaffirmé sa prévision de croissance pour 2022, à 2,5%, au lendemain de la confirmation par l'Insee d'un rebond d'un demi-point de l'économie française au printemps, après un recul de 0,2% au premier trimestre.
« Je pense que nous ferons en 2022 les 2,5% que nous avons prévus, peut-être un peu mieux », a même espéré le ministre en soirée, jeudi, sur le plateau de la chaîne LCI.
Une inflation qui pourrait durer encore plusieurs mois
Il s'est en revanche montré plus pessimiste sur l'inflation, estimant que le léger tassement enregistré par l'Insee en août (+5,8% sur un an, contre 6,1% en juillet) n'était pas encore le signe d'un ralentissement durable de la hausse des prix. « Il y a un léger reflux (en août) mais nous sommes aujourd'hui à des niveaux d'inflation élevés, ça va durer encore plusieurs mois, a-t-il prédit. Il n'y aura pas de recul significatif de l'inflation avant début ou mi-2023 », a-t-il poursuivi, dans la lignée des propos tenus ces dernières semaines.
L'approvisionnement en gaz au menu d'un Conseil de défense de ce vendredi
Bruno Le Maire participera aujourd'hui à un Conseil de défense consacré justement à l'approvisionnement en gaz et en électricité de la France. Un conseiller de l'Elysée souligne : « L'approvisionnement en gaz et en électricité étant un intérêt vital pour le pays, le Conseil de défense et de sécurité nationale (SDSN) aura pour objectif de faire le point sur la situation ainsi que sur les scénarios envisagés pour se préparer à tous les cas de figure cet automne et cet hiver ».
Initialement réservés aux sujets de défense, ces conseils avaient été utilisés à de nombreuses reprises par le chef de l'État à l'époque de la crise Covid, provoquant des critiques des oppositions politiques sur l'exercice solitaire du pouvoir.
« Un conseil de défense énergie, pour moi c'est le secret. Le conseil des ministre je vois ce que c'est, l'assemblée, je vois ce que c'est, le Sénat je vois ce que c'est, c'est prévu dans la constitution. Le conseil de défense ça n'existe pas » , a taclé le patron des Verts Julien Bayou.
ZOOM : REDECOLLAGE DE LA CROISSANCE LORS DU 2e TRIMESTRE
La croissance française s'est élevée à 0,5% au deuxième trimestre, a indiqué l'Insee. Ce redécollage de la croissance s'explique notamment par un regain de consommation des ménages (+0,3% contre un repli de 1,2% au premier trimestre), « particulièrement dans l'hébergement et la restauration (+13,4% après -2,6%) », détaille l'Institut national de la statistique. L'Insee note dans le même temps que « le taux d'épargne des ménages diminue fortement et s'établit à 15,5%, après 16,7% au premier trimestre 2022 ». En 2019, avant l'irruption du Covid, le niveau moyen de ce taux se situait toutefois encore plus bas, à 15%.
Le pouvoir d'achat des ménages a pour sa part continué à reculer au deuxième trimestre (-1,1%, après -1,6% sur les trois premiers mois de l'année). Traditionnel point faible de la France, le commerce extérieur a cette fois contribué positivement à l'évolution du PIB (entre avril et juin. Les exportations ont légèrement progressé (+0,9%), tandis que les importations sont restées stables. L'emploi a également fait preuve de dynamisme, avec un nombre total d'heures travaillées en progression de 1,2% (après -0,2%). Le rebond de l'activité économique au deuxième trimestre se traduit par des recettes fiscales en hausse pour l'Etat: celles de l'impôt sur les sociétés sont ainsi "très élevées", confirmant de récents propos en ce sens de responsables patronaux et ministériels.
Sur la base de ces données, l'Insee évalue l'acquis de croissance (la croissance qu'on obtiendrait si l'économie stagnait pour le reste de l'année) à 2,5% pour l'année 2022. Un chiffre identique à celui de la prévision de croissance du gouvernement, mais légèrement plus optimiste que les anticipations de la Banque de France et du FMI (+2,3%). L'évolution du PIB français au printemps a été nettement plus rapide qu'en Allemagne (+0,1%), mais légèrement inférieure à la croissance en zone euro (+0,6%).
Quant à 2023, année où le gouvernement prévoit une croissance de 1,4%, « rien ne peut être exclu dans la période de grandes incertitudes que nous vivons », a estimé François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. « Mais nous nous attendons pour la France à un net ralentissement plutôt qu'à une récession. »