Gaz : en cas de pénurie, quels seraient les industriels touchés par les coupures ?

Cinq mille sites en France sont potentiellement exposés à des baisses, voire des coupures, de gaz cet hiver si le réseau venait à être en danger en raison de la raréfaction du combustible. Les deux gestionnaires des réseaux gaziers ont recueilli, auprès de chaque entreprise concernée, les conséquences économiques que pourraient engendrer ces mesures, mais l'ordre de délestage n'a pas encore été établi. La filière agro-alimentaire, vent debout contre ce dispositif, accentue la pression pour être épargnée.
Juliette Raynal
Teréga est l'un des deux gestionnaires du réseau de transport de gaz en France avec GRTgaz. Il gère le réseau de transport du quart Sud-Ouest de la France.
Teréga est l'un des deux gestionnaires du réseau de transport de gaz en France avec GRTgaz. Il gère le réseau de transport du quart Sud-Ouest de la France. (Crédits : Teréga)

Les entreprises sont averties. Si elles ne diminuent pas d'elles-mêmes leur consommation de gaz rapidement, des rationnements pourraient être organisés. C'est le message que leur a adressé Elisabeth Borne lors de son intervention à la Rencontre des entrepreneurs de France (Ref), organisée par le Medef les 29 et 30 août derniers. Même si nos stocks de gaz sont remplis à 100% de leurs capacités, le risque de coupure n'est donc pas écarté.

Pour l'heure, les gestionnaires des réseaux de transports de gaz (GRTgaz et Teréga) ont peu de visibilité sur la mise en œuvre des mesures de rationnement évoquées par la cheffe du gouvernement. « Une réflexion est en cours au niveau de l'Etat et, côté GRTgaz, des premiers travaux démarrent », nous indique-t-on seulement.

Le gouvernement réfléchit également à la création d'un marché de gré à gré via lequel les entreprises pourraient se revendre entre elles, le gaz qu'elles n'ont pas consommé. Il s'agirait d'une sorte de droit à consommer de l'énergie, inspiré du marché européen du carbone, via lequel les entreprises s'échangent des droits à polluer.

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Un mécanisme d'urgence et de dernier recours

Là encore, les contours d'un tel dispositif ne sont pas encore dessinés. En revanche, un décret publié le 8 avril dernier, permet d'organiser le délestage de gaz pour les 5.000 sites consommant plus de 5 gigawattheures (GWh) de gaz par an. Ce mécanisme n'est pas nouveau, mais il a été remis au goût du jour dans un contexte où le gaz devient une denrée rare. Il vise à sécuriser l'approvisionnement des sites sensibles (comme les hôpitaux) ainsi que le chauffage au gaz des particuliers en donnant la possibilité aux gestionnaires de gaz de réduire, voire d'arrêter, la consommation de gaz en cas de déséquilibre sur le réseau gazier durant l'hiver.

« Nous avons la responsabilité de surveiller les flux et la pression en tout point du réseau de transport gazier. Il y a des seuils de pression minimales en dessous desquels il ne faut pas descendre. C'est à nous, les gestionnaires du réseau de transport de gaz, de demander l'activation du plan de délestage si nous estimons que le réseau est en danger », détaille Gilles Doyhamboure, directeur commerce, régulation et grands comptes chez Teréga.

« Ce dispositif est un mécanisme d'urgence et de dernier recours ». Le signal est donné quand toutes les autres mesures d'interruptibilité sont épuisées. Les consommateurs ciblés par un ordre de délestage disposent alors de deux heures seulement pour réduire (ou arrêter) leur consommation de gaz.

Près de 5.000 sites « délestables », mais dans quel ordre ?

Cette organisation du délestage nécessite une enquête préalable consistant à évaluer l'impact que pourrait avoir, pour une entreprise, la réduction ou l'arrêt de sa consommation de gaz, en termes de sûreté et de conséquences économiques. C'est aux gestionnaires de réseaux gaziers de recueillir ces informations auprès des clients consommant plus de 5 GWh par an et de les faire remonter auprès des préfectures des départements concernés.

« Nous avons effectué cette enquête auprès des 79 sites concernés dans la zone où nous opérons et nous avons eu un taux de réponse de 100% », précise Gilles Doyhamboure. Un taux de participation record qui révèle, bien évidemment, les inquiétudes des industriels en la matière. « Dans l'ensemble, leurs réponses traduisent une capacité de réduction de leur consommation de gaz de l'ordre de 8 à 10% », ajoute-t-il.

En revanche, aucun de ces sites ne semble être prêt à voir sa consommation complètement à l'arrêt. Or, c'est aux préfectures de définir la liste qui établira l'ordre de délestage, en distinguant les sites qui assurent une mission d'intérêt général et ceux dont le délestage serait susceptible d'engendrer des conséquences économiques majeures. Objectif : procéder à des coupures ciblées par ordre de priorité des entreprises. Aujourd'hui, ces listes sont en cours d'élaboration. L'objectif est qu'elles soient prêtes d'ici fin septembre, début octobre.

Les industriels de l'agro-alimentaire font pression

Entre-temps, la pression des différentes fédérations se fait de plus en plus forte, tous les secteurs souhaitant être écartés des risques de coupure. La fédération des professionnels de l'industrie agro-alimentaire (Ania) a ainsi demandé au gouvernement de « prendre en compte le caractère stratégique et prioritaire des activités du secteur agroalimentaire ». « L'utilisation de gaz et d'électricité sont indispensables aux 'process' de fabrication, à la sécurité des aliments et aux process de transformation et de conservation de matières premières vivantes et périssables », plaide-t-elle. « Un arrêt ou un ralentissement de la consommation d'énergie de l'industrie conduirait inévitablement à un gaspillage alimentaire important et à un affaiblissement de la souveraineté alimentaire française et européenne », ajoute-t-elle encore.

Toutefois, selon un connaisseur du secteur, toutes les entreprises, à quelques exceptions près, pourraient être considérées comme « délestables », tant il sera difficile de départager le caractère prioritaire et stratégique de leurs activités respectives.

Pénalités financières et peine d'emprisonnement

Dans la pratique, les gestionnaires du réseau gazier ne pourront pas « couper le robinet de gaz » des clients ciblés par une coupure. « Si la situation se présentait, nous demanderions à notre client de réduire, ou de couper, lui-même sa consommation de gaz et nous constaterions ensuite la bonne réalisation de cette demande. Dans le cas d'un non-respect, le client s'expose à des pénalités financières », explique Gilles Doyhamboure.

En cas de manquement, le consommateur de gaz peut, en effet, écoper d'une amende allant jusqu'à 8% de son chiffre d'affaires annuel. Les industriels pourraient alors être tentés de réaliser un arbitrage économique entre le manque à gagner engendré par l'arrêt de leur appareil productif et le montant de l'amende. En revanche, si ce non-respect d'ordre de délestage « a pour effet de porter une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens », le consommateur de gaz est « puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros », précise le décret. Une peine qui devrait dissuader tout écart.

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Juliette Raynal

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Commentaires 12
à écrit le 01/09/2022 à 19:42
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Les macronistes vous dirons que de tout foutre par terre et ne même pas pouvoir le ramasser à la petite cuillère est le juste prix moral, la contribution nécessaire à la grandeur de la France, de l'Europe et des lgbt+qi. L'illibéralisme ne passera pa...

le 02/09/2022 à 0:29
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Vous oubliez juste de mentionner l'enjeu essentiel : la déstabilisation du continent au travers de l'agression d'un Etat souverain, l'Ukraine, par une puissance ayant à la fois une histoire et des visées clairement impérialistes (et qui au demeurant ...

à écrit le 01/09/2022 à 15:54
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F Asselineau, CAMPAGNE DE COM' RUSSE AUX ÉTATS-UNIS De larges panneaux publicitaires apparus dans des grandes villes US montrent que les autorités russes sont taquines : «Vous voulez votre gaz moins cher ? Venez en Russie» «Le meilleur endroit po...

le 02/09/2022 à 0:40
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Cette campagne russe est particulièrement idiote, les Etats-Unis étant a priori autonomes sur le plan énergétique, même si les premières décisions de Biden ont provisoirement mis à mal sa production d'hydrocarbures. Pour ce qui est des douches chaude...

à écrit le 01/09/2022 à 15:48
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Pénuries, inflation, faillites, paupérisation, passe numérique, contrôle… Pas d’inquiétude, c’est juste le début du Great reset. Klaus Schwab a dit de ne pas avoir peur…

le 02/09/2022 à 0:36
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Klaus peut dire merci à Vladimir, dont le timing est quasi parfait.

à écrit le 01/09/2022 à 14:11
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Langlet sur RTL ""Depuis la guerre, GRÂCE AUX #SANCTIONS, la #Russie a gagné 40% de plus sur ses ventes de gaz et de pétrole que avant la guerre ! Ces sanctions n’ont servi qu’a enrichir la Russie" POUR UNE GUERRE QUI NE NOUS CONCERNE PAS ! ...

le 02/09/2022 à 0:32
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Ce calcul ne prend pas du tout en compte l'accroissement brutal des prix du gaz en Europe constaté fin 2021, bien avant l'agression Russe sur l'Ukraine. En partant de cette base, la gain est beaucoup plus modeste.

à écrit le 01/09/2022 à 11:38
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Manifestement le clientélisme est un sacerdoce communiste car on nous bassine avec des pénuries qui ne toucheraient que certains mais pas d'autres comme si l'état n'était pas un et indivisible...

à écrit le 01/09/2022 à 8:59
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Bonjour, Les industriels auraient du ils y a bien longtemps développé des moyens énergétique complémentaire, ferme photowoltaique sur les toix des usines pour refuire leur dépendances électrique... Ensuite , pour le gaz naturel , le biogaz est u...

le 02/09/2022 à 0:35
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Les industriels ont besoin d'un approvisionnement énergétique prévisible, ce que ne peuvent pas apporter des énergies aléatoires comme le solaire ou l'éolien. Ceux qui investissent dans ce domaine le font avant tout pour des raisons de marketing, à d...

à écrit le 01/09/2022 à 8:57
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Bonjour, Les industriels auraient du ils y a bien longtemps développé des moyens énergétique complémentaire, ferme photowoltaique sur les toix des usine pour refuire leur dépendances électronique... Ensuite , pour le gaz naturel , le biogaz est ...

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