Si le monde entier subit les impacts de la guerre menée par la Russie en Ukraine, Moscou n'y échappe évidemment pas. L'inflation devrait dépasser 20% cette année en Russie et l'économie globale devrait pâtir à l'avenir d'une baisse des exportations de l'énergie, a indiqué le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur l'Europe publié ce vendredi 22 avril.
« En Russie, les sanctions et l'incertitude sans précédent devraient peser lourdement sur les investissements et les exportations, ainsi que déprimer les importations et la consommation privée », résument les auteurs du rapport.
Le FMI souligne que le secteur de l'énergie, « épine dorsale » de l'économie russe, a été exclu des sanctions. Mais « certains signes indiquent que les exportations russes d'énergie sont évitées sur le marché ». « Plus important encore, l'Allemagne et de nombreux pays de l'UE ont effectivement commencé à sevrer leurs économies des sources d'énergie russes », poursuivent les auteurs du rapport.
Le FMI a calculé qu'environ 60 à 70% de la demande russe actuelle de pétrole et de gaz naturel pourraient disparaître au cours des prochaines années, « ce qui obligera la Russie à diversifier ses exportations vers d'autres régions ». Chose qu'anticipe déjà depuis quelque temps Vladimir Poutine. Le président russe a en effet déclaré la semaine dernière « partir du principe qu'à l'avenir les livraisons vers l'Ouest vont baisser » et qu'il faut donc « réorienter nos exportations vers les marchés au Sud et à l'Est qui croissent rapidement ». Il viserait ainsi, sans l'avoir nommée, la Chine.
Contraction du PIB de 8,5%, inflation de plus de 20%
En début de semaine, le FMI, qui tenait ses réunions de printemps, avait indiqué qu'il tablait sur une contraction de 8,5% du produit intérieur brut de la Russie, principalement en raison d'une baisse des volumes d'exportation combinée à une baisse de la demande intérieure.
Pour l'heure, « les exportations d'énergie en 2022 devraient atteindre 350 milliards de dollars américains, en hausse de 40% par rapport à l'année dernière en raison de la hausse des prix », selon les données publiées dans le rapport vendredi. « À partir de l'année prochaine, cependant, une baisse du volume et du prix des exportations énergétiques de la Russie devrait progressivement réduire l'excédent du compte courant de la Russie », expliquent les auteurs.
Ils estiment qu'à moyen terme, les exportations d'énergie pourraient chuter à 250 milliards de dollars, alors que l'Union européenne réduit ses importations d'énergie en provenance de Russie.
S'agissant de l'inflation, elle avait augmenté rapidement en mars en raison de la forte dépréciation du rouble et des pénuries de certains biens. Toutefois, « des données récentes suggèrent des signes de modération en raison de l'appréciation du rouble et des freins aux exportations de produits alimentaires », remarque le FMI. L'inflation devrait néanmoins dépasser 20% en 2022.
Les auteurs du rapport notent que les mesures prises par le gouvernement ont été efficaces pour atténuer l'impact des sanctions imposées par les pays occidentaux en représailles à l'invasion russe de l'Ukraine. « Les dépôts et le taux de change se sont presque entièrement redressés à la suite des mesures prises par la Banque de Russie pour stabiliser la confiance dans le système financier », relèvent-ils notamment.
La Banque centrale russe prédit aussi une année 2022 difficile
Les prévisions du FMI se rapprochent de celles dévoilées par la Banque centrale russe ce jeudi 21 avril. Des analystes, interrogés comme chaque mois par l'institution russe, tablent en effet sur un PIB en baisse de 9,2% et une inflation à 22% en 2022. C'est pire que leurs estimations du mois de mars (8% de contraction du PIB et 20% d'inflation).
Présentant le rapport 2021 de la Banque centrale russe devant les députés jeudi, sa présidente Elvira Nabioullina a souligné que l'économie était face à un gigantesque défi de restructuration compte tenu de l'ampleur des sanctions pesant sur son système financier et le commerce international impliquant la Russie. « Presque tout doit traverser des changements », a-t-elle dit, citant pêle-mêle la quête de nouveaux fournisseurs, de nouveaux débouchés ou encore de main d'œuvre.
Elle a pris l'exemple des secteurs des accessoires de couture « dont les fournisseurs principaux étaient en Union européenne », citant notamment les boutons. Autres exemples : les produits chimiques utilisés dans l'industrie du papier et l'emballage de produits alimentaires. Remplacer ces produits « prendra du temps », a-t-elle prévenu.
« Il faut créer une (nouvelle) infrastructure, nous en avons les moyens mais cela prendra aussi du temps. Les difficultés apparaissent dans tous les secteurs, dans les grandes comme les petites entreprises », a indiqué Elvira Nabioullina.
Vladimir Poutine a admis à maintes reprises que les sanctions créaient des difficultés importantes, mais il a également jugé que le "blitzkrieg" économique occidental avait échoué et que la Russie avait l'opportunité de refonder et diversifier son économie, très dépendante des exportations d'hydrocarbures.
(Avec AFP)