Argentine : nouvelles tensions sociales contre les réformes ultra-libérales du président Milei

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mercredi à Buenos Aires, donnant lieu à des bousculades avec la police et des interpellations. Les manifestants protestent contre le bouquet législatif ultra-libéral lancé par le nouveau président de l'Argentine, Javier Milei. Un recours en justice a aussi été déposé par des syndicats.
Elu le mois dernier, le président argentin Milei a enclenché sa révolution « libérale » en envoyant au Parlement du pays un ensemble de projets ou modifications de loi.
Elu le mois dernier, le président argentin Milei a enclenché sa révolution « libérale » en envoyant au Parlement du pays un ensemble de projets ou modifications de loi. (Crédits : MATIAS BAGLIETTO)

Tensions sociales en Argentine. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mercredi dans la capitale Buenos Aires, donnant lieu à des bousculades avec la police et des interpellations. Il s'agit du troisième rassemblement en huit jours contre un décret de dérégulation massive de l'économie par le nouveau président ultralibéral Javier Milei.

Devant le Palais de justice, les manifestants, à l'appel de plusieurs syndicats dont la grande centrale CGT, accompagnaient le dépôt d'un recours en justice par des syndicats contestant le caractère constitutionnel du « méga-décret » du mercredi 20 décembre, comme l'a baptisé la presse. « Aujourd'hui nous nous tournons vers la justice, mais un autre chapitre se jouera au parlement, qui devra tenir un débat profond », a déclaré à la presse Gerardo Martinez, dirigeant du syndicat de la construction, l'un des organisateurs.

« Nous ne remettons pas en question la légitimité du président Milei, mais nous voulons qu'il respecte la séparation des pouvoirs. Les travailleurs ont besoin de défendre leurs droits lorsqu'il y a inconstitutionnalité », a ajouté le dirigeant syndical.

Le rassemblement s'est dispersé dans le calme après la mi-journée, mais des groupes épars ont continué à faire face à la police, déployée en nombre, qui tentait d'évacuer une avenue, donnant lieu à des bousculades. Sept personnes ont été interpellées pour rébellion, selon plusieurs médias.

Un décret controversé

Elu le mois dernier, le président argentin Milei a enclenché sa révolution « libérale » en envoyant au Parlement (en session extraordinaire depuis ce mardi et jusqu'à fin janvier), un ensemble de projets ou modifications de lois. Le bouquet législatif concerne de nombreux domaines de la sphère publique et privée, du fiscal à l'électoral, au matrimonial, ou au contrôle des manifestations.

Déposé mercredi dernier, ce « DNU » (décret de nécessité et d'urgence) vise à modifier ou abroger plus de 300 normes, parmi lesquelles figurent l'encadrement des loyers et l'intervention de l'Etat pour protéger les prix de produits essentiels. Des mesures qui représentent un vrai risque pour la protection sociale des citoyens argentins, notamment les travailleurs.

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Le train de dispositions de plus de 600 articles déposé mercredi dernier, solennellement baptisé « Loi des bases et points de départ pour la liberté des Argentins », vise selon la présidence « à restaurer l'ordre économique et social basé sur la doctrine libérale incarnée dans la Constitution de 1853 », en « défense de la vie, de la liberté et de la propriété des Argentins ».

Pêle-mêle, il touche au système électoral - visant la suppression des élections primaires obligatoires, mais coûteuses pour le contribuable selon l'exécutif - au régalien, en renforçant les sanctions pénales pour entrave lors de manifestations. Les retraites sont aussi concernées, avec un nouveau mode de calcul automatique « économiquement viable », selon le gouvernement Milei.

Ce train de nouvelles mesures prévoit également de changer le statut de 41 entreprises publiques du pays, en les transformant en sociétés anonymes. L'idée est de préparer leur privatisation. Le géant pétrolier argentin YPF, la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas, la société ferroviaire Ferrocarriles Argentinos sont concernées. Le nouvel exécutif argentin veut aussi libéraliser la sphère privée, avec l'instauration d'un « divorce express » par simple acte administratif.

Le chef de l'Etat promet de surcroît une « modernisation du droit du travail » pour créer plus d'emplois. D'autres mesures de dérégulation dans les secteurs du tourisme, de la santé, d'internet, du transport aérien, de la pharmacie, de la viticulture ou encore du commerce, sont aussi attendues.

Débats à venir au Parlement argentin

Ce nouveau train de loi signale l'intention du gouvernement d'avancer sur le terrain parlementaire, tandis qu'un vif débat s'est instauré ces derniers jours entre juristes sur le caractère constitutionnel, ou non, du « méga-décret » du 20 décembre.

Le décret controversé doit entrer en vigueur vendredi de cette semaine, dans l'attente de sa validation effective par le parlement du pays, qui ne devrait toutefois pas l'examiner dans l'immédiat. Théoriquement en pause estivale, le parlement siège, mais seulement pour examiner des projets de lois complémentaires, parallèles au « DNU ».

La représentation nationale a le pouvoir d'abroger ce « méga-décret » avec la majorité absolue des deux chambres, ce qu'aucune formation politique ne détient. Le parti de Milei, baptisé « la Libertad Avanza », n'est que la troisième force, même s'il peut compter sur l'appui du bloc de centre-droit, le deuxième en importance.

Réduire un déficit budgétaire abyssal

Bien effectives en revanche sont les premières mesures d'austérité annoncées dès les premiers jours de la présidence Milei. Ainsi la dévaluation de plus de 50% du peso, la devise nationale, et la baisse imminente, dès janvier prochain, de subventions aux transports et à l'énergie, sont vouées à affecter le quotidien de millions d'Argentins.

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L'objectif affiché : une réduction drastique du déficit budgétaire chronique de l'Argentine, engluée dans une inflation à 160% sur un an. Celle-ci est même attendue à 185% en ce mois de décembre, avec à date une monnaie locale évaluée à 800 pesos pour 1 dollar. Une situation économique exsangue qui maintient 40% de la population argentine sous le seuil de pauvreté.

Un nouvel impôt insolite

Lever un impôt pour s'acquitter d'une condamnation par la justice. Voilà une action peu commune qui pourrait pourtant bien être mise en place par le gouvernement argentin. Le pays est en effet dans une situation compliquée suite à sa condamnation en septembre par une juge de New York à verser 16,1 milliards de dollars de dommages-intérêts à Petersen Energia et Eton Park Capital, qui détenaient à eux deux un quart du capital d'YPF.

Les deux fonds d'investissement s'estiment lésés par la nationalisation du géant pétrolier en 2012. Si l'Argentine a fait appel, la juge, Loretta Preska, a tout de même ordonné au pays de verser cette somme très importante en tant que consignation d'ici le 10 janvier.

Cette décision met le gouvernement argentin au pied du mur. Et pour cause, si la justice a autorisé l'Etat argentin à utiliser ses participations dans YPF pour payer cette caution, le pays ne dispose toujours pas des liquidités suffisantes.

Face à une échéance de paiement qui se rapproche, après le rejet de la prolongation de 30 jours demandée par l'Argentine, le gouvernement étudie donc la création d'une nouvelle taxe que Javier Milei envisage d'appeler « taxe Kicillof », du nom du ministre de l'Économie de la présidente Cristina Kirchner, Axel Kicillof, responsable de la privatisation d'YPF en 2012.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 28/12/2023 à 19:34
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Au vu de l'état de l'Argentine, ses idées ne sont peut-être pas fondamentalement mauvaises. Mais le problème c'est l'application. Etant donné qu'il s'agit d'un pur idéologue, incapable d'appliquer ses mesures de façon raisonnée et intelligente, et ...

à écrit le 28/12/2023 à 14:51
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Toujours l'utilisation du mot "réforme" pour dire, "changement dans l'intérêt de ceux qui peuvent manipuler le reste du peuple" au lieu de parler simplement "d'adaptation" au réel ! ;-)

à écrit le 28/12/2023 à 13:19
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Bonjour, les réformes seront difficiles, mais bon la situation économique du pays et catastrophique.. Merci , a la gestion des derniers gouvernement de gauche , qui ons pas leur action ruiné le pays, et favoriser une dette abyssal... Bien sur, i...

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