Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a démissionné de ses fonctions mardi, sous la pression de la rue, après avoir passé 20 ans à la tête du pays.
Des centaines de personnes sont descendues dans les rues de la capitale Alger, mardi soir à l'annonce de la démission du président. Des jeunes gens ont fêté l'événement, agité des drapeaux algériens et circulé en convois de voiture à travers le centre-ville, là même où avaient commencé le 22 février les manifestations contre le vieux dirigeant.
Le président de la chambre haute du parlement, Abdelkader Bensalah, doit assurer désormais l'intérim de la présidence de l'État pendant une durée de 90 jours, jusqu'à la tenue d'élections.
Sur des images de la télévision publique, on pouvait voir Bouteflika remettre sa lettre de démission au président du Conseil constitutionnel, en présence notamment d'Abdelkader Bensalah.
Bouteflika a annoncé sa décision dans un court communiqué puis une lettre publiés par l'agence de presse officielle APS.
"J'ai pris cette décision afin de mettre fin aux querelles actuelles", déclare-t-il dans une lettre, son principal moyen de communication depuis cinq ans. "J'ai pris les mesures appropriées, dans l'exercice de mes prérogatives constitutionnelles, pour les besoins de la continuité de l'État et du fonctionnement normal de ses institutions durant la période de transition", ajoute-t-il.
"Une page importante de l'histoire de l'Algérie qui se tourne" (Le Drian)
Dans un communiqué diffusé par le Quai d'Orsay, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, évoque "une page importante de l'histoire de l'Algérie qui se tourne".
"Nous sommes confiants dans la capacité de tous les Algériens à poursuivre cette transition démocratique dans un esprit de calme et de responsabilité", poursuit-il.
Agé de 82 ans, de santé fragile depuis son AVC en 2013, Abdelaziz Bouteflika était à la tête du pays depuis 1999. Sous la pression de la rue, il avait renoncé en mars à briguer un cinquième mandat et avait annoncé le report sine die de l'élection présidentielle normalement prévue ce mois-ci.
Mardi l'armée avait demandé que le président soit déclaré inapte
Mardi, le chef d'état-major des forces armées, le général Ahmed Gaed Salah, avait demandé que le président Bouteflika soit sans attendre déclaré inapte à diriger le pays.
Le général Salah avait déclaré qu'il était du côté du peuple et qu'il ne fallait plus perdre de temps, après des semaines de manifestations massives.
Lundi, Abdelaziz Bouteflika avait fait savoir qu'il quitterait ses fonctions avant la fin effective de son mandat le 28 avril.
Mais l'un des meneurs des manifestations et les partis d'opposition avaient jugé cette annonce insuffisante, et mardi, des centaines d'étudiants avaient encore défilé dans la capitale pour réclamer la fin du système politique actuel, jugé incapable de réformes en profondeur.
"Les manifestations pacifiques vont continuer"
"La décision de Bouteflika (de démissionner avant la fin de son mandat) ne changera rien", a dit à Reuters mardi Moustapha Bouchachi, avocat et l'un des dirigeants des manifestations.
A ses yeux, la nomination par Bouteflika d'un nouveau gouvernement vise à perpétuer le système politique en place.
"Ce qui est important, à nos yeux, c'est que nous n'acceptons pas le (nouveau) gouvernement. Les manifestations pacifiques vont continuer", a-t-il dit.
[Manifestation du vendredi 29 mars 2019 à Alger pour réclamer le départ du président Bouteflika. Crédit : Reuters. Cliquez sur l'image pour l'agrandir plein écran]