Immobilier en Chine : au pied du défaut, le promoteur Country Garden repousse une échéance avec ses créanciers

L'un des plus gros promoteurs immobiliers en Chine a décidé de décaler la date butoir pour le vote de ses créanciers sur un rééchelonnement de ses remboursements à la semaine prochaine. L'étape est cruciale, puisqu'elle lui permettrait, en cas d'accord, d'éviter de se retrouver en défaut de paiement. Longtemps réputé solide, Country Garden se retrouve face à une dette astronomique, estimée à fin 2022 à 150 milliards d'euros.
Country Garden est incontournable dans les villes de petite taille, qui représentent environ 60% de ses projets.
Country Garden est incontournable dans les villes de petite taille, qui représentent environ 60% de ses projets. (Crédits : Reuters)

Les créanciers de Country Garden avaient initialement jusqu'à 22 heures (14 heures GMT) pour se prononcer. Le promoteur immobilier chinois a finalement reporté au 31 août la date butoir du vote destiné à permettre le rééchelonnement de ses remboursements, selon l'agence Bloomberg, citant un document remis à la Bourse de Shanghai. Un accord permettrait à Country Garden d'éviter un défaut de paiement, qui serait le plus important en Chine depuis celui de son concurrent Evergrande, il y a deux ans.

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Dans les faits, le promoteur s'entretient depuis mercredi avec des créanciers. La situation est plus que préoccupante : le groupe s'est révélé incapable de rembourser deux intérêts sur des emprunts au début du mois d'août, risquant ainsi formellement un défaut de paiement s'il ne règle pas ces sommes, passé un délai de grâce de 30 jours qui expire début septembre.

Pour ajouter aux difficultés, il doit également s'acquitter du paiement d'une obligation d'un montant total de 3,9 milliards de yuans (environ 500 millions d'euros), qui arrive à maturité dans une dizaine de jours.

Une dette abyssale

La situation de Country Garden agite les marchés. Et pour cause, le groupe avait fin 2022 une dette considérable qu'il estimait à quelque 1.152 milliards de yuans (150 milliards d'euros). Bloomberg la chiffre, pour sa part, à environ 1.400 milliards de yuans (176 milliards d'euros).

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Country Garden était l'an dernier encore le plus gros promoteur de Chine. Il dispose de quatre fois plus de projets qu'Evergrande, dont la mise à l'arrêt de chantiers avait entraîné manifestations et grèves de mensualités l'an dernier. Le promoteur emploie plusieurs dizaines de milliers de personnes et figure au classement Forbes des 500 plus grosses entreprises du monde. Sa patronne, Yang Huiyan, était jusqu'à récemment la femme la plus riche d'Asie.

Le groupe est incontournable dans les villes de petite taille, qui représentent environ 60% de ses projets. Problème, ce sont là où les prix de l'immobilier ont le plus chuté et où l'essentiel de ses clients ont un pouvoir d'achat très limité. Country Garden recensait fin 2022 plus de 3.000 chantiers en cours dont une trentaine à l'étranger, principalement en Australie, en Indonésie et aux Etats-Unis.

Un secteur fragilisé

Les déboires des deux géants de l'immobilier fragilisent un peu plus un secteur déjà échaudé par la crise sanitaire et le ralentissement économique en Chine. Cette situation nourrit également la défiance auprès d'acheteurs potentiels, ce qui aggrave davantage la situation financière des promoteurs. Y compris des groupes publics. Sino-Ocean, supposé avoir un meilleur accès aux financements, a ainsi annoncé la semaine passée avoir fait défaut sur un intérêt d'emprunt et s'attend à des pertes semestrielles record ce mois-ci.

« Les problèmes d'endettement du secteur vont s'aggraver à mesure que l'économie chinoise se détériore et que les promoteurs peinent à générer des revenus », avaient averti récemment les analystes de SinoInsider, un cabinet spécialisé sur l'économie chinoise basé aux Etats-Unis.

Signe de la fébrilité du marché, les prix de l'immobilier ont chuté en juillet à leur rythme le plus rapide depuis un an, selon des chiffres officiels publiés mercredi.

Des répercussions majeures

Faut-il s'attendre à des répercussions sur le système financier ? Durant les années fastes, nombre de promoteurs ont eu recours à des sociétés fiduciaires ou de gestion d'actifs pour financer leurs projets. Le tentaculaire conglomérat Zhongzhi et sa galaxie d'entreprises financières est l'un des acteurs les plus importants du marché. Il gère à lui seul plus de 1.000 milliards de yuans (125,6 milliards d'euros) d'actifs.

Un grand nombre d'entreprises et de particuliers aisés lui ont confié leur épargne. Mais le groupe se retrouve rattrapé par la crise et est incapable, lui aussi, de rembourser les bénéficiaires, causant des « pertes considérables » aux investisseurs, a relevé l'analyste Ting Lu, de la banque Nomura.

Un défaut de paiement du conglomérat Zhongzhi « risque de mettre en lumière une partie des immenses risques cachés du système financier chinois », prévient SinoInsider. Ce n'est que « la partie visible de l'iceberg ». Pour relancer ce secteur clé de l'économie qu'est l'immobilier, la Chine a annoncé de nouvelles mesures d'assouplissement pour les prêts hypothécaires.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 26/08/2023 à 11:09
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