Corée du Nord : les tensions montent avec la Corée du Sud après le survol de drones au-dessus de la frontière

L'état-major interarmées sud-coréen a annoncé avoir aperçu et pris en chasse 5 drones nord-coréens qui ont survolé la frontière. Séoul considère cette manœuvre de sa voisine du nord comme « un acte clair de provocation » qui survient après le lancement de missiles balistiques de Pyongyang vendredi qui avait déjà alimenté les tensions.
La Corée du Sud a repéré 5 drones nord-coréens ce lundi matin. (Image de drone pour lutte anti-terroriste sud coréen).
La Corée du Sud a repéré 5 drones nord-coréens ce lundi matin. (Image de drone pour lutte anti-terroriste sud coréen). (Crédits : Reuters)

Séoul a donné l'alerte ce matin. L'état-major interarmées sud-coréen a annoncé ce lundi avoir « détecté un engin aérien sans pilote nord-coréen autour de l'espace aérien de Gimpo à 10h25 » puis avoir « riposté immédiatement ». Pour Séoul, ces drones, arrivés par surprise, sont « un acte clair de provocation au cours duquel la Corée du Nord a envahi notre espace aérien », a déclaré un officier de l'état-major aux journalistes.

Selon l'armée sud-coréenne, l'incursion a entraîné des tirs d'avertissement de Séoul, qui a aussi déployé des avions de chasse et des hélicoptères de combat sud-coréens pour abattre cinq drones, dont l'un avait atteint l'espace aérien près de Séoul. L'un des appareils sud-coréens, un avion de chasse KA-1, s'est ensuite écrasé dans le comté de Hoengseong, plus à l'est, selon l'agence de presse Yonhap. L'armée n'a pas indiqué si les drones avaient été abattus ou s'ils ont repassé la frontière entre les deux Corée, source fréquente de tensions entre les deux pays très militarisés. « Nous avons mené des activités de reconnaissance et des activités opérationnelles, notamment en photographiant les principales installations militaires ennemies (...) Notre armée continuera à répondre de manière approfondie et résolue à de telles provocations de la Corée du Nord », a ensuite déclaré le responsable du JCS.

Lire aussiEn cas d'essai nucléaire de la Corée du Nord, Washington, Tokyo et Séoul promettent une réponse « forte et ferme »

Une menace qui a poussé Séoul à suspendre des vols civils

C'est la première fois en cinq ans que des drones nord-coréens survolent l'espace aérien sud-coréen. Une opération surprise qui a beaucoup inquiété Séoul. En effet, la Corée du Sud a suspendu tous les vols aux deux aéroports internationaux du pays, Gimpo et Incheon, près de la capitale, pendant une heure environ à la demande de l'armée, selon Yonhap, citant un responsable du ministère sud-coréen des Transports.

Une réaction très forte puisqu'il s'agit de la première fois que des vols sud-coréens ont été suspendus en raison de « l'apparition de drones nord-coréens », selon Yang Moo-jin, professeur à l'Université des études nord-coréennes de Séoul. « Compte tenu du faible niveau de développement des drones en Corée du Nord, il est peu probable qu'ils soient dotés de capacités d'attaque utilisées dans les guerres modernes (...) On suppose qu'ils sont venus dans notre région pour un entraînement de reconnaissance », a indiqué le chercheur, estimant qu'ils avaient été déployés pour espionner.

Pour le moment Pyongyang nie toute implication dans cette apparition de drones dans le ciel sud-coréen et accuse son voisin de fabriquer des preuves. Mais pour Séoul, l'utilisation de drones par la Corée du Nord est aujourd'hui un sujet d'inquiétude croissante.

Déjà en 2014, un pêcheur sud-coréen avait trouvé les restes d'un drone nord-coréen dans son filet près d'une île à la frontière contestée en mer Jaune. Puis, en septembre 2015, la Corée du Sud avait déclenché une alerte anti-aérienne. Elle avait envoyé un hélicoptère d'attaque et un avion de chasse pour traquer un drone qui avait franchi la frontière, sans succès. Un an plus tard, les soldats sud-coréens ont tiré des coups de semonce en direction d'un drone nord-coréen présumé qui a traversé la zone ouest de la frontière, la plus sensible. Enfin en 2017, l'armée de Séoul a tiré des coups de semonce en direction d'un objet volant qui a pénétré l'espace aérien du pays depuis la Corée du Nord.

Lire aussiDrones : la Marine nationale se jette à l'eau trop (?) prudemment

Une montée importante des tensions entre Séoul et Pyongyang

Cette incursion intervient dans un contexte de tension accrue. Vendredi 23 décembre, le gouvernement de Kim Jong-Un a tiré deux missiles balistiques de courte portée et a affirmé avoir développé de nouvelles capacités pour prendre des images depuis l'espace à l'aide d'un satellite espion qu'elle prévoit d'achever en avril 2023. « Nos militaires ont repéré deux missiles balistiques de courte portée lancés par la Corée du Nord dans la mer de l'Est depuis la zone de Sunan à Pyongyang vers 16h32 (07H32 GMT) aujourd'hui (..) Notre armée maintient une posture de pleine disponibilité », coopère « étroitement avec les États-Unis (et renforce) la surveillance et la vigilance », avait d'ailleurs précisé vendredi l'état-major interarmées sud-coréen, en référence à la mer également connue sous le nom de mer du Japon.

Lire aussiObjectif Lune : la Corée du Sud réussit le lancement de Nuri, sa première fusée made in Korea

Selon des experts, cette série de provocations de Kim Jong-Un, le dirigeant nord-coréen, « pourraient être une réponse aux manœuvres américano-sud-coréennes intervenues plus tôt dans la semaine », a indiqué à l'AFP Yang Moo-jin. Et ce, alors que son armée de l'Air accuse des faiblesses, manquant d'avions performants et de pilotes bien entraînés. Mardi dernier, Washington et Séoul ont en effet organisé un exercice aérien conjoint et déployé un bombardier stratégique américain B-52H dans la péninsule coréenne, d'après un communiqué des chefs d'état-major interarmées du Sud. Le bombardier lourd à longue portée faisait partie d'un exercice qui comprenait les avions militaires les plus avancés des Etats-Unis et de la Corée du Sud, y compris les chasseurs furtifs F-22 et F-35.

Le lancement de vendredi est aussi intervenu quelques heures après que la Maison Blanche a déclaré que Pyongyang avait livré des armes au groupe para-militaire privé russe Wagner. Ce groupe qui opère au Moyen-Orient, en Afrique et en Ukraine est contrôlé par Yevgeny Prigozhin, un homme d'affaires proche du président russe. De son côté, le ministère nord-coréen des affaires étrangères a nié toute transaction d'armes avec la Russie, affirmant que cette histoire avait été « inventée par certaines forces malhonnêtes », peut-on lire dans une déclaration reprise par l'agence de presse étatique KCNA.

Le Japon veut s'armer contre la menace nord-coréenne

Ces dernières opérations militaires de la Corée du Nord ont aussi fait réagir le Japon qui a condamné les provocations de Pyongyang. Dans le même temps, le gouvernement japonais a approuvé vendredi 23 décembre un budget annuel de 114.000 milliards de yens (810 milliards d'euros), inédit par son ampleur du fait notamment de dépenses militaires record après une révision majeure de la stratégie de sécurité du pays.

Dans ce budget pour l'exercice fiscal allant du 1er avril 2023 au 31 mars 2024, le gouvernement a alloué 6.800 milliards de yens (48,3 milliards d'euros) au ministère de la Défense, soit une hausse d'environ 30% par rapport à l'exercice en cours. Le Japon prévoit notamment de doubler son budget annuel de défense en le faisant passer d'environ 1% de son PIB à 2% d'ici 2027.

Les nouvelles dépenses du ministère de la Défense intégrées au prochain budget annuel comprennent 211,3 milliards de yens pour l'achat de missiles de croisière américains Tomahawk et 93,9 milliards de yens pour la production en série de missiles anti-navire japonais Type-12. Ces armes visent à procurer au Japon une « capacité de contre-attaque » pour cibler des sites de lancement de missiles ennemis, mais en restant dans un cadre défensif selon Tokyo. « Nous prévoyons d'acquérir tous les missiles Tomahawk dont nous avons besoin au cours de la prochaine année fiscale », a déclaré à la presse un responsable du ministère de la Défense ayant requis l'anonymat. Des moyens ont aussi été alloués pour la construction de navires équipés du système d'armes naval américain Aegis. Le budget du gouvernement, qui doit encore être approuvé par le Parlement, pourrait faire l'objet de débats animés sur l'épineuse question du financement des dépenses militaires.

(Avec AFP)

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.