Alors que de nombreux pays du monde condamnent l'invasion russe en Ukraine depuis son déclenchement le 24 février 2022, Cuba continue de resserrer ses liens avec Moscou. Son président, Miguel Diaz-Canel a exprimé sa gratitude à « toutes les parties de la Fédération de Russie qui ont fait un effort, d'abord en comprenant la situation à Cuba et maintenant en faisant tout ce que nous pouvons faire ensemble pour aller de l'avant », indique un communiqué de la présidence diffusé dans la soirée de ce samedi, après la visite du PDG de l'entreprise publique russe pétrolière Rosneft, Igor Setchine.
Le texte ne précise pas l'objet de cette visite, qui intervient alors que le pays traverse une grave crise d'approvisionnement en combustibles. Le président russe Vladimir Poutine « supervise directement et personnellement tous les problèmes et questions concernant la coopération entre la Russie et Cuba », a fait savoir Igor Setchine, selon la présidence.
Fin décembre, Cuba avait annoncé que les deux pays souhaitaient renforcer leur « partenariat stratégique » en 2023, avec « la volonté commune d'approfondir le dialogue politique et les liens économiques, commerciaux, financiers et de coopération ». Un don de 25.000 tonnes de blé en provenance de Russie est par ailleurs arrivé en février à La Havane.
Pire crise économique depuis 30 ans
Ce n'est toutefois pas la première fois depuis le début de la guerre que Cuba affiche sa bonne relation avec Moscou. Le président cubain s'est rendu fin novembre en Russie, lors d'une tournée internationale qui l'a également conduit en Algérie, en Turquie et en Chine. À l'issue, Miguel Diaz-Canel a indiqué avoir signé plusieurs accords en matière d'approvisionnement en pétrole avec la Russie et l'Algérie.
Il faut dire que le pays traverse la pire crise économique depuis trente ans. Les pénuries d'essence sont fréquentes et les files d'attente sont quotidiennes pour s'approvisionner en nourriture. Surtout, depuis mai 2022, c'est d'un déficit chronique de production d'électricité, entraînant de réguliers délestages, dont souffre Cuba. Le pays a connu en 2022 une baisse de la production à des « niveaux jamais vus auparavant », a reconnu mi-décembre le ministre de l'Énergie et des mines, Vicente de la O Levy.
Les pannes dans les centrales électriques, les difficultés de maintenance, le vaste incendie dans le plus important dépôt de combustible du pays en août, conjugués aux dégâts provoqués par Ian (passé le 27 septembre), ont mis « le parc de production électrique dans les pires conditions », a admis le ministre.
Vicente de la O Levy a précisé que Cuba a besoin de 250 millions de dollars pour faire fonctionner et entretenir son système électrique qui comprend huit centrales électriques, sept bateaux-générateurs loués à la Turquie, des blocs électrogènes, ainsi que quelques petites unités solaires et éoliennes. Le renforcement des sanctions économiques américaines sous le mandat du président Donald Trump (2017-2021), qui n'ont été que peu assouplies par son successeur Joe Biden, ont entraîné la « persécution des navires de combustible » approvisionnant Cuba, a dénoncé le ministre. Cette situation a obligé le gouvernement à « acheter des combustibles en dehors des schémas traditionnels ». Le pays a ainsi dépensé en 2022 plus de 1,7 milliard de dollars pour ces achats, « presque neuf fois plus qu'en 2018 » lorsque le pays avait dépensé 195,9 millions de dollars, a-t-il ajouté.
Les cubains fuient en masse
Dans ce contexte difficile, des milliers de Cubains, qui en ont assez de « survivre au lieu de vivre », tentent par tous les moyens de rejoindre les États-Unis. Depuis le 1er décembre 2021, les autorités américaines estiment avoir réalisé plus de 270.000 interpellations de Cubains tentant d'entrer illégalement aux États-Unis, soit près de 2,5% de la population de l'île.
Un chiffre bien supérieur aux précédentes grandes vagues : celle de Mariel en 1980, qui avait vu 125.000 personnes tenter la traversée, et la crise des « Balseros » (ou boat people) de 1994, avec environ 34.000 personnes, souligne Jorge Duany, directeur de l'Institut des recherches cubaines de l'Université internationale de Floride.
Certains choisissent la voie terrestre via le Nicaragua. Une option réservée aux plus fortunés. Ceux qui n'ont pas les moyens tentent les 150 kilomètres de traversée entre Cuba et la Floride, à bord d'embarcations précaires. Aucune certitude d'arriver à bon port, d'autant plus que les bateaux interceptés en mer sont renvoyés à Cuba, à moins de prouver que la vie des occupants est en danger.
(Avec AFP)