Europe et choc migratoire 2011-2020 : presque dix ans de dissensions qui ont ébranlé l'Union

UNION EUROPÉENNE ET DÉFI MIGRATOIRE 1/2. Les pays européens sont désormais d'accord pour renforcer les frontières extérieures de l'UE, mais ils continuent de se diviser sur leurs responsabilités dans la prise en charge des migrants, ceux en train de fuir leur pays en guerre pour rejoindre l'Europe, comme ceux qui sont déjà arrivés sur leur sol. Et ce, malgré la chute massive des arrivées sur les côtes européennes constatée depuis 2016.
(Crédits : © Yannis Behrakis / Reuters)

Après l'afflux chaotique de plus d'un million de migrants en 2015, les pays européens n'ont pas profité de l'accalmie les années suivantes: la chute des arrivées n'a mis fin ni aux tragédies en Méditerranée, ni aux querelles sur l'accueil de ces hommes, femmes et enfants.

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La crise de 2015

Les arrivées en Europe s'accroissent progressivement à partir de 2011, au début du conflit en Syrie. Mais c'est en 2015 que la situation prend des proportions vertigineuses.

En avril, un drame frappe les esprits: jusqu'à 800 migrants partis de Libye périssent dans un naufrage. C'est la pire catastrophe en Méditerranée depuis des décennies. A la fin de l'été, les arrivées se multiplient: au total, plus d'un million sont recensées sur l'année, dont plus de 850.000 via la Grèce.

Craignant une catastrophe humanitaire, la chancelière Angela Merkel ouvre les portes de l'Allemagne, s'attirant les foudres de ses voisins qui fustigent un "appel d'air". Mais Berlin, au bord de la saturation, va rapidement réintroduire des contrôles aux frontières, suivi par d'autres, à commencer par l'Autriche et la Slovaquie.

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Pour soulager l'Italie et la Grèce, les Européens adoptent en septembre des quotas de répartition de demandeurs d'asile, malgré l'opposition de plusieurs pays de l'Est. Ce plan temporaire, sans cesse contesté, cristallisera les divisions européennes.

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Sur leur route, les migrants voient des clôtures se dresser, comme en Hongrie, en Slovénie ou en Autriche.

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2016, accord Turquie-UE

En mars 2016, les frontières se ferment une à une tout au long de la route des Balkans, de la Macédoine à l'Autriche, qu'empruntaient depuis l'été les migrants cherchant à rejoindre le nord de l'Europe.

Et le 18 mars, un pacte décrié entre l'UE et la Turquie fait retomber la pression: il prévoit, en échange notamment d'une aide financière, le renvoi vers la Turquie de tous les migrants qui arriveront désormais en Grèce.

Résultat: les arrivées en Europe chutent très nettement (à moins de 390.000 sur l'année 2016). Mais des dizaines de milliers de migrants se retrouvent bloqués en Grèce.

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2017, l'Italie en première ligne

Autre conséquence de ce verrouillage: la Libye devient la principale voie de migration et l'Italie la première porte d'entrée en Europe.

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Des accords entre Rome et les autorités et milices libyennes vont changer la donne à la mi-2017. Au prix de vives controverses: l'UE, qui appuie les gardes-côtes libyens, est accusée de fermer les yeux sur la détention et les violences subies par les migrants en Libye.

En 2018, c'est au tour de l'Espagne de devenir la principale porte d'entrée en Europe.

2018-2019, crise politique

Les Italiens portent au pouvoir fin mai une coalition de l'extrême droite et des populistes. Une de ses premières décisions est de refuser d'accueillir un bateau humanitaire chargé de 630 migrants.

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L'Aquarius termine finalement sa route en Espagne, après une odyssée d'une semaine qui exacerbe les tensions au sein de l'UE, notamment entre Rome et Paris.

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À l'issue d'un sommet européen sous haute tension fin juin, les pays européens envisagent la création de "plateformes de débarquement" hors de l'UE et de "centres contrôlés" en Europe, où distinguer rapidement migrants irréguliers à expulser et demandeurs d'asile à accueillir. Mais les capitales sont loin d'être d'accord sur les modalités.

Pendant un an, avec la fermeture des ports italiens incarnée par le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite), le scénario se répète: des bateaux vont se retrouver bloqués en Méditerranée pendant des semaines, jusqu'à ce que des accords soient conclus entre quelques pays s'engageant à accueillir les migrants secourus.

Las, un navire de l'ONG Sea-Watch marque les esprits en juin 2019 en accostant de force sur l'île de Lampedusa.

Accord temporaire

Le changement de gouvernement en Italie à la fin de l'été 2019 et la réouverture des ports italiens va permettre d'ébaucher un accord en septembre entre l'Allemagne, la France, l'Italie et Malte, soutenu par quelques pays.

Un mécanisme temporaire est censé faciliter les débarquements, en rendant automatique l'accueil des migrants secourus par plusieurs pays volontaires. Il sera de fait suspendu avec la crise sanitaire.

En 2019, moins de 129.000 migrants sont arrivés en Europe.

2020, "chantage" d'Erdogan

Fin février 2020, la Turquie annonce l'ouverture de la frontière avec la Grèce, provoquant l'afflux de dizaines de milliers de migrants. Les Européens crient au "chantage".

La fermeture des frontières liée à la crise sanitaire va cependant limiter les tentatives de passage. La pandémie du nouveau coronavirus va aussi entraîner la fermeture des ports italiens et maltais début avril, et une raréfaction des bateaux humanitaires.

Parallèlement, la crise accélère les traversées en Méditerranée centrale. Les ONG craignent une "tragédie à huis clos", tandis que l'Italie demande le soutien de l'UE.

Phénomène de moindre ampleur, les tentatives de traversées clandestines de la Manche depuis la France augmentent, suscitant des tensions entre Paris et Londres.

Commentaires 5
à écrit le 31/08/2020 à 16:45
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Les bases du débat ne sont déjà pas saines. On nous assomme avec les familles de réfugiés syriens diplômés fuyant la guerre. Ceux là n'ont jamais posé problème. Le gros de la troupe, ce sont les fameux "mineurs" de 25 ans, à 90% des hommes, venant ...

le 31/08/2020 à 19:26
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Ce n'est pas une politique du "politiquement correct" mais du fait accompli. Les ONG imposent à des Etats souverains leur politique migratoire. En les submergeant de gens pas nécéssairement désirables..

à écrit le 31/08/2020 à 15:34
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Toujours a déploré les conséquences, alors que nous en sommes les causes, que nous soyons ou pas intervenue!

à écrit le 31/08/2020 à 10:02
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Beaux résultats : Destruction du consensuus social, racialisation , zones de non droit, assassinats meurtres, viols, recul de l'Etat de droit, barbarie à tous les étages.

à écrit le 31/08/2020 à 9:24
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Le plus grave de cette crise ayant quand même été atteint en 2015, ça fait 5 ans maintenant et les pays européens sont d'accord juste maintenant sachant que rien n'est encore signé. L'UE ou le conservatisme tacite mortifère. Vite un frexit.

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