Inflation : la Fed devrait acter une nouvelle hausse des taux américains

Les nuages s'amoncellent petit à petit au-dessus de l'économie américaine. La Réserve fédérale (Fed), qui doit se réunir cette semaine, mardi et mercredi, compte toutefois bien garder le cap et poursuivre le durcissement de sa politique monétaire. Une hausse de 0,25 point de son principal taux directeur est attendue.
(Crédits : Leah Millis)

[Article publié le mardi 02 mai 2023 à 08h53 et mis à jour à 09h50] L'économie américaine au ralenti ne va pas empêcher la Fed de poursuivre sa lutte contre l'inflation. La priorité pour la banque centrale américaine, reste de combattre et de juguler au plus vite le choc apparu sur les prix afin d'éviter que l'inflation élevée ne s'ancre dans les anticipations et qu'elle devienne impossible à ramener vers la cible des 2%, ou alors à un coût économique encore plus élevé.

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Les Bourses européennes et asiatiques étaient dans le vert ce mardi matin en attendant la série de réunions de banques centrales, à commencer par celle des Etats-Unis, cruciales pour connaître leurs intentions pour la seconde partie de l'année. Les places européennes se réveillent en douceur de leur long weekend : Paris monte de 0,07%, Londres de 0,28%, Francfort de 0,29% et Milan de 0,73% vers 9h20 GMT.

De « indications sur la marche à suivre » ?

Après deux semaines occupées par les résultats d'entreprises, les banques centrales vont attirer l'attention des investisseurs à commencer par celle des Etats-Unis mardi et mercredi. Les investisseurs sont presque unanimes à penser qu'elle va encore remonter son taux directeur de 0,25 point de pourcentage, pour les mener au-dessus des 5%. Mais ils espèrent aussi que cette hausse sera la dernière d'une série qui dure depuis plus d'un an.

« Le point d'attention principal de la Fed sera de savoir si elle donne des indications sur la marche à suivre », estiment les analystes de Deutsche Bank.

Les banquiers centraux peuvent aussi surprendre en se montrant plus sévères, comme en Australie où la RBA a relevé ses taux d'intérêt, déjouant les anticipations alors que le gouverneur a jugé l'inflation encore trop haute. Jeudi, ce sera au tour de la Banque centrale européenne de se réunir.

 « La grande question est de savoir si, et à quelle vitesse, l'inflation poursuivra sa trajectoire à la baisse vers notre objectif de 2% », déclarait ainsi le 21 avril l'une de ses gouverneurs, Lisa Cook, qui alertait également sur le risque d'une inflation « généralisée dans l'économie ».

Jusqu'ici, la Fed a fait le choix d'aller très vite et fort, faisant passer en à peine plus d'un an ses taux d'une fourchette comprise entre 0% et 0,25% à un taux désormais situé entre 4,75% et 5%, parfois avec des hausses marquées de 0,75 point de pourcentage. Le président de la Fed, Jerome Powell, ne l'a d'ailleurs jamais caché. « Le chemin pour ramener l'inflation à 2% sera long et risque d'être cahoteux », a-t-il répété à plusieurs reprises.

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Vers une récession américaine ?

Cette stratégie commence cependant à inquiéter alors que les signes de ralentissement économique sont désormais nombreux, à commencer par la croissance, de tout juste 0,3% sur le premier trimestre par rapport au précédent, et à 1,1% en rythme annuel. Pour la majorité des analystes, la probabilité d'une récession s'est sensiblement renforcée et pourrait même être un peu plus marquée qu'initialement anticipé.

« Nos données nous laissent à penser que le resserrement monétaire et les récentes tensions dans le système bancaire vont entraîner une légère récession, plus forte cependant que ce que nous avions anticipé jusqu'à présent », avait ainsi souligné le chef économiste d'Oxford Economics, Ryan Sweet, interrogé par l'AFP.

D'autant que désormais, le resserrement monétaire est réel. Jusqu'ici, si les taux continuaient à s'élever, le taux réel lui, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation, restait négatif. Ce n'est désormais plus le cas: au mois de mars, l'inflation est tombée à 4,2% selon l'indice PCE, qui est celui pris en compte par la Fed, un chiffre inférieur à son principal taux directeur, situé entre 4,75% et 5%.

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Refroidir le crédit bancaire

Dans le même temps, la situation du secteur financier ne s'est pas améliorée depuis la réunion précédente. Après la faillite de SVB, et les sauvetages in extremis décidés à la suite, comme celui de Signature Bank mi-mars et plus récemment de First Republic, le secteur bancaire, en particulier les banques de taille intermédiaires, commencent à souffrir de la hausse des taux. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur le reste de l'économie. On pourrait connaître « des conditions de crédit plus strictes pour les ménages et les entreprises, ce qui pourrait ralentir l'activité et l'embauche », avait estimé le 20 avril le président de l'antenne régionale de la Fed à Philadelphie, Patrick Harker.

Refroidir le crédit bancaire, c'est précisément de l'objectif de la banque centrale américaine, ce qu'a d'ailleurs souligné Jerome Powell à l'issue de la dernière réunion, du 22 mars, qui estimait que ce resserrement était susceptible d'avoir le même effet qu'une hausse des taux.

« Tuer la bête » de l'inflation

La Fed va-t-elle dès lors poursuivre sa hausse de taux ? Cela ne fait quasiment aucun doute pour les marchés, qui anticipent très largement une nouvelle hausse de 0,25 point mercredi, après les deux jours de réunion. D'ailleurs, aucune des dernières prises de paroles de responsables de la Réserve fédérale n'ont laissé anticiper une autre issue.

Non sans raison : si l'inflation a fortement baissé en mars, l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire n'intégrant pas les prix de l'alimentaire et de l'énergie, a baissé plus lentement et est désormais plus élevée que l'inflation elle-même. Mais plus encore, elle est désormais portée par les services, signe que, pour l'essentiel, le choc lié à la hausse des prix de l'énergie et à la désorganisation des chaînes d'approvisionnement avec la réouverture rapide de l'économie mondiale est bel et bien dans le rétroviseur.

Jeudi, le Fonds monétaire international (FMI) a appelé les banques centrales européennes à « tuer la bête » de l'inflation sans être tentées par « une pause », au risque de faire « une deuxième fois des dégâts à l'économie ». La logique est la même de ce côté de l'Atlantique, plus encore dès lors que le chômage reste faible, permettant ainsi à la Fed de se concentrer uniquement sur la lutte contre l'inflation.

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