Hausse des taux directeurs : l'exemple des décisions de la Fed lors des dernières crises

La Banque centrale américaine (Fed) devrait relever mercredi ses taux directeurs d'un demi-point de pourcentage, et d'autres hausses similaires pourraient suivre pour tenter de maîtriser l'inflation vertigineuse.
Jerome Powell, le président de la Fed, a lui-même annoncé que cette hausse serait sur la table.
Jerome Powell, le président de la Fed, a lui-même annoncé que cette hausse serait "sur la table". (Crédits : TOM BRENNER)

>> Article en ligne le 1er mai 2022 à 08:35 | Mise à jour à 11:01

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Sur la corde raide. La Banque centrale américaine aura mardi et mercredi une équation difficile à résoudre: à quel niveau porter les taux directeurs cette année pour contrôler l'inflation sans que cela ne plonge la première économie mondiale en récession ? Relever les taux doit permettre de modérer la demande et ralentir ainsi la hausse des prix. En mars, la Réserve fédérale (Fed) avait amorcé une hausse des taux plutôt prudente (+0,25 point de pourcentage), mais il s'agissait de la première depuis 2018.

A l'issue de sa réunion de deux jours, le Comité de politique monétaire (FOMC) entérinera cette fois-ci, sauf surprise, une hausse d'un demi-point de pourcentage, pour les porter dans une fourchette de 0,75% à 1%. C'est Jerome Powell, le président de la puissante institution, qui a lui-même annoncé que cette hausse serait "sur la table".

S'exprimant lors d'un panel de banquiers centraux en marge des réunions du Fonds monétaire international, il avait alors souligné qu'il était "absolument essentiel" de rétablir la stabilité des prix et de relever "rapidement" les taux pour que la Fed remplisse cette prérogative.

D'autres membres de la Fed ont été encore plus explicites sur la nécessité de mener une politique agressive face à une inflation qui ne cesse d'accélérer et un marché de l'emploi tendu. Certains souhaitent donc que des hausses similaires soient actées au moins lors de la réunion suivante, en juin. Il y a urgence à agir alors que l'inflation, aggravée par la guerre russo-ukrainienne, est désormais à son plus haut niveau depuis le début des années 80.

L'indice PCE, celui préféré par la Fed, a montré une progression des prix de 6,6% en mars sur un an. Selon l'autre indice, le CPI, dont le mode de calcul est différent, l'inflation a culminé à 8,5%, soit le rythme le plus rapide depuis décembre 1981.

Les dépenses des ménages dépassent les attentes, l'inflation s'envole

Les dépenses des ménages américains ont augmenté plus que prévu en mars, dans un contexte de forte demande pour les services, tandis que l'inflation mensuelle a connu sa plus forte hausse depuis 2005.

Le département du Commerce des États-Unis a annoncé vendredi que les dépenses des ménages, qui représentent plus des deux tiers de l'activité économique américaine, ont augmenté de 1,1% le mois dernier. Les données pour février ont été révisées à la hausse, les dépenses ayant progressé de 0,6%, au lieu de 0,2% indiqué précédemment.

Les économistes interrogés par Reuters avaient anticipé une augmentation des dépenses de 0,7%. Même si une partie de la hausse est due à l'augmentation des prix, la solide progression des dépenses au début du deuxième trimestre témoigne de la vigueur sous-jacente de l'économie américaine.

Ces données ont été intégrées au rapport préliminaire sur le produit intérieur brut du premier trimestre, publié jeudi, qui montre que l'économie s'est contractée à un taux annualisé de 1,4% en raison d'un déficit commercial plus important. Une situation due à la hausse des importations et au ralentissement de l'accumulation des stocks par rapport au rythme soutenu du quatrième trimestre.

L'indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE) a augmenté de 0,9% en mars, la plus forte hausse depuis 2005, après avoir augmenté de 0,5% en février. Au cours des 12 mois écoulés jusqu'en mars, l'indice des prix PCE a augmenté de 6,6%. Il s'agit de la plus forte hausse annuelle depuis 1982 et elle fait suite à une augmentation de 6,3% en glissement annuel en février.

Toutefois, le mois de mars a probablement marqué un sommet dans la hausse de l'indice des prix PCE. Les économistes s'attendent à un ralentissement de cette hausse dans les mois à venir, les gains importants de l'année dernière n'étant plus pris en compte dans le calcul.

L'inflation annuelle, toutes mesures confondues, a dépassé l'objectif de 2% fixé par la Réserve fédérale et la banque centrale américaine devrait relever ses taux d'intérêt de 50 points de base mercredi prochain. La Fed a relevé son taux d'intérêt directeur de 25 points de base en mars et elle devrait bientôt commencer à réduire son bilan.

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Retour sur les décisions forte de la Fed

Voici les principales actions de la Fed depuis la crise financière de 2008 :

LA CRISE FINANCIÈRE ET SA SORTIE

Novembre 2008 - Premières injections massives de liquidités, deux mois après la faillite de la banque Lehman Brothers. La Fed lancera trois programmes successifs avant de cesser ses achats d'actifs en juin 2014.

Décembre 2008 - Baisse des taux de 75 et 100 points de base (0,75 et 1,00 point de pourcentage), pour les ramener dans une fourchette de 0 à 0,25%. Ils y resteront jusqu'en décembre 2015.

Octobre 2017 - Début de la réduction du bilan, qui était passé de moins de 900 milliards de dollars avant la crise à 4.500 milliards de dollars.

LA GUERRE COMMERCIALE FAIT RALENTIR LA CROISSANCE

Entre décembre 2018 et août 2019 - Les taux culminent dans une fourchette de 2,25% à 2,50%.

Automne 2019 - Taux abaissés à plusieurs reprises pour tomber entre 1,50% et 1,75%, face au ralentissement de la croissance et à la guerre commerciale lancée par le président Donald Trump. Le républicain n'avait cessé de critiquer la hausse des taux.

LA CRISE COVID, TAUX À ZÉRO ET ACHATS D'ACTIFS MASSIFS

3 mars 2020 - Baisse des taux de 50 points de base, à 1,00-1,25%.

16 mars 2020 - Réduction drastique des taux de 100 points de base, dans une fourchette de 0 à 0,25% et relance des achats d'actifs ou de la politique de QE (assouplissement quantitatif, "quantitative easing" en anglais), à hauteur de 120 milliards de dollars par mois.

SORTIE DE CRISE, L'INFLATION ACCÉLÈRE LE MOUVEMENT

3 novembre 2021 - Annonce et début de la réduction des achats d'actifs. La Fed veut les ramener à zéro en juin 2022, pour pouvoir ensuite commencer à relever les taux directeurs, afin de contrôler l'inflation.

15 décembre 2021 - La Fed reconnaît que l'inflation n'est pas "temporaire", et accélère la fin de ses achats d'actifs ramenés à zéro dès mars 2022 et non plus en juin.

16 mars 2022 - La Fed relève ses taux pour la première fois depuis 2018, désormais dans une fourchette de 0,25% à 0,50%.

6 avril 2022 - Dans le compte-rendu de la réunion de mars ("Minutes"), il apparaît que de nombreux participants estiment qu'une ou plusieurs hausses d'un demi-point de pourcentage sont appropriées si les pressions inflationnistes se poursuivent.

29 avril 2022 - Les prix à la consommation aux Etats-Unis ont poursuivi leur ascension en mars, progressant de 6,6% sur un an et de 0,9% sur un mois, selon l'indice d'inflation PCE, celui qui est privilégié par la Fed.

(avec l'AFP et Reuters)

Commentaires 4
à écrit le 02/05/2022 à 7:55
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Vous avez oublier l'implosion du repo aux usa 2 mois avant l'apparition du covid en Chine et donc l'injection de dizaines puis centaines de milliards $ par... jour ? 16 septembre 2019 jusqu'à.. bin maintenant !

à écrit le 01/05/2022 à 13:21
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C'est plus de 11.000 milliards de $ qui ce sont envolés lors de la crise de 2008.. la fed elle même a été incapable d'expliquer ou était passé + de 2.000 milliards de $ volatilisé, disparus des livres... depuis 1970 aucun plan ne fonctionne comme pré...

à écrit le 01/05/2022 à 9:38
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Il n'y a vraiment aucun "pilotage" de la part de la FED, c'est juste des décisions prises au dernier moment, au pied du mur. A tel point qu'on a vraiment l'impression que cette nonchalance de la FED est délibérée, de manière à amplifier la crise à ve...

le 01/05/2022 à 19:36
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La stratégie de la FED : Casser le lien de l'inflation des prix vers les salaires et pour cela créer un récession.

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