L'Europe prête à lancer "l'arme nucléaire économique" contre Moscou : couper la Russie du réseau interbancaire Swift

Les pays membres de l'Union européenne sont près de conclure un accord pour exclure la Russie du réseau interbancaire Swift, a déclaré samedi l'Elysée. Aucun Etat membre ne s'oppose à cette sanction mais les discussions se poursuivent, a ajouté la présidence française. Réticente jusqu'ici à par crainte de représailles russes sur ses approvisionnements en gaz, l'Allemagne s'est dite prête à accepter une "restriction ciblée" de l'accès à la Russie à Swift. Berlin a brisé un tabou en annonçant qu'elle allait livrer "dès que possible" à l'Ukraine un millier de lance-roquettes et 500 missiles sol-air de type Stinger pour l'aider à faire face à l'invasion de l'armée russe.
(Crédits : DADO RUVIC)

C'est une avancée cruciale dans les sanctions financières contre la Russie qui vient d'être décidée par le gouvernement allemand. Une annonce qui peut déboucher sur la sanction la plus importante que pourraient pendre les puissances occidentales à l'encontre de Moscou, à l'exception bien sût d'une confrontation militaire. A savoir couper la Russie du réseau de messagerie bancaire et financière Swift, ce rouage discret mais essentiel des échanges bancaires internationaux puisqu'il permet notamment le transit des ordres de paiement entre banques, les ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, les ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières. Une mesure souvent qualifiée d'"arme nucléaire économique", car son impact est important sur les relations économiques du pays puni avec le reste du monde.

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Alors qu'elle était jusqu'ici réticente à appuyer cette solution par crainte pour ses approvisionnements en gaz et de charbon russes dont elle est dépendante, l'Allemagne s'est dit prête, ce samedi, à accepter une "restriction ciblée" de l'accès à la Russie à Swift, tout en voulant "limiter les dommages collatéraux" d'une telle sanction.

"Nous travaillons à la manière de limiter les dommages collatéraux d'une déconnexion de Swift (...) Ce dont nous avons besoin, c'est d'une restriction ciblée et fonctionnelle", ont indiqué dans un communiqué samedi les ministres des Affaires étrangères, Annalena Barbock, et de l'Economie, Robert Habeck.

De son côté, l'Elysée a déclaré que les pays membres de l'Union européenne sont près de conclure un accord pour exclure la Russie du réseau interbancaire Swift. Aucun Etat membre ne s'oppose à cette sanction mais les discussions se poursuivent, a ajouté la présidence française.

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Position intenable

La position de Berlin devenait en effet difficilement tenable, alors qu'elle pensait avoir éteint les polémiques autour de sa dépendance envers la Russie et sa trop grande complaisance à l'égard du Kremlin en suspendant le gazoduc germano-russe Nord Stream II, dans le collimateur de Kiev, des Etats-Unis et des partenaires d'Europe de l'Est.

Alors que d'autres pays présentés comme réticents à cette mesure maximaliste (comme l'Italie, la Hongrie ou l'Autriche) ont sauté le pas, l'Allemagne n'était plus que le seul pays européen à hésiter à prendre cette mesure radicale en représailles de l'invasion de l'Ukraine, malgré les demandes incessantes du président ukrainien Volodimir Zelensky, mais aussi d'autres pays européens comme la Pologne, très inquiète de l'offensive russe. En visite samedi à Berlin, le Premier ministre Polonais Mateusz Morawiecki a qualifié "d'égoïsme en béton" l'attitude de l'Allemagne concernant Swift.

"Je suis venu ici, chez le chancelier Olaf Scholz, pour ébranler les consciences, ébranler la conscience de l'Allemagne", a-t-il asséné.

Les réticences allemandes étaient triples : crainte tout d'abord de se voir couper les robinets du gaz et d'autres matières russes (le gaz russe représente 55% de ses importations) ; craintes aussi, en cas de maintien des échanges, de devoir de ne plus pouvoir régler ses paiements d'énergie (concrètement, ce système permet à l'Allemagne de régler électroniquement ses achats de gaz russe, sans avoir à payer en liquide à Gazprom); crainte encore qu'une telle mesure soit inefficace dans la mesure où, Moscou a tissé en parallèle des liens étroits avec la Chine notamment.

De nombreuses voix se sont élevées pour exclure la Russie de Swift afin de faire pression sur la Russie en la touchant en portefeuille. C'est "une option" selon Joe Biden, mais que le président américain s'est pour l'instant refusé à prendre, soulignant que certains pays européens s'y opposaient pour le moment.

Selon le site de l'association nationale russe Rosswift, la Russie est le deuxième pays après les Etats-Unis en nombre d'utilisateurs de ce système, avec quelque 300 banques et institutions russes membres. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift, est-il précisé par cette source. Moscou met cependant en place ses propres infrastructures financières, que ce soit pour les paiements (cartes "Mir", voulues comme l'équivalent de Visa et Mastercard), la notation (agence Akra) ou les transferts, via un système baptisé SPFS.

Toucher la Russie au portefeuille

Sans aller jusqu'à sortir jusqu'ici la carte Swift, les pays occidentaux avaient décidé de frapper au portefeuille en gelant les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et sanctionné le secteur financier de la Russie. Tous les membres de la Douma, la chambre basse du Parlement, figurent désormais sur liste noire de l'UE, ainsi que 26 personnalités du monde des affaires. Les banques de l'UE auront interdiction d'accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100.000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l'accès aux financements européens. Le Canada va sanctionner "58 personnes et entités" russes dont des "membres de l'élite russe", des "grandes banques russes" et des "membres du Conseil de sécurité russe", ainsi que MM. Poutine et Lavrov. Tokyo a annoncé le "gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes", et le gel des actifs des institutions financières russes. L'Australie cible notamment des oligarques et tous les membres de la Douma, et se prépare à sanctionner elle aussi MM. Poutine et Lavrov. Londres et Washington notamment ont ciblé un certain nombre de banques russes, dont VTB Bank. Cette dernière a d'ailleurs annoncé que l'utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l'étranger était désormais "impossible". La Russie dispose par ailleurs de réserves de change qui atteignaient quelque 640 milliards de dollars au 18 février (soit environ le double du montant constaté en 2014, selon une note de Natixis) et d'un fonds souverain évalué à 175 milliards. De quoi potentiellement aider à financer des entreprises stratégiques en grande partie publiques, malgré les sanctions financières.

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"L'agression russe menace l'ordre établi depuis l'après-guerre" (Scholz)

Par ailleurs, L'Allemagne va livrer "dès que possible" à l'Ukraine un millier de lance-roquettes et 500 missiles sol-air de type Stinger pour l'aider à faire face à l'invasion de l'armée russe, a annoncé samedi le gouvernement.

"L'agression russe contre l'Ukraine marque un changement d'époque, elle menace l'ordre établi depuis l'après-guerre", a justifié le chancelier Olaf Scholz dans un communiqué, "dans cette situation il est de notre devoir d'aider l'Ukraine autant que nous pouvons à se défendre contre l'armée d'invasion de Vladimir Poutine".

Cette annonce intervient alors que la Russie a annoncé samedi élargir son offensive contre l'Ukraine malgré un tollé international grandissant et des sanctions qui se durcissent encore, après une nuit d'affrontements et de bombardements visant notamment Kiev.

Mais le Kremlin a déjà déclaré se moquer des sanctions.  "Toutes les unités ont reçu l'ordre d'élargir l'offensive dans toutes les directions, en conformité avec le plan de l'offensive", a ainsi déclaré samedi le ministère russe de la Défense dans un communiqué.

Commentaires 19
à écrit le 08/03/2022 à 12:51
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Couper le gaz russe, on souffrira mais on montrera que nous n'avons pas peur de la Russie. Vous les russes débarrassez vous de votre Poutine qui est fou. A l'OTAN, n'hésitez pas à aider l'Ukraine, comme Churchill a dit "vous avez préféré la honte à l...

à écrit le 28/02/2022 à 11:44
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Ça me fait tellement rire quand j'entend "l'arme nucléaire économique", je crois que les gouvernements, aussi sournois qu'ils sont, ont tout simplement oublié dans quel ère nous sommes. Aujourd'hui il y a une alternative non négligeable au système b...

à écrit le 27/02/2022 à 0:21
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C'est dommage que certains alliés ne jouent pas franc jeu. Tous compte fait, dans des situations similaires, une pierre deux coups ne manque pas. Même l'Ukraine ne savais pas qu'il allait être appuyé juste avec des mots et du matériel. Bien d'autres ...

à écrit le 27/02/2022 à 0:19
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C'est dommage que certains alliés ne jouent pas franc jeu. Tous compte fait, dans des situations similaires, une pierre deux coups ne manque pas. Même l'Ukraine ne savais pas qu'il allait être appuyé juste avec des mots et du matériel. Bien d'autres ...

à écrit le 27/02/2022 à 0:09
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Désolé mais, un homme du rang de Poutine doit avoir déjà ténu à l'échec ces cartes bien avant qu'elles ne soient jouer à l'avance. Échec et Matt. Je suis persuadé que les prochains dés de la Russie mettra de l'ordre dans la tête l'UE et allié.

à écrit le 27/02/2022 à 0:08
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Désolé mais, un homme du rang de Poutine doit avoir déjà ténu à l'échec ces cartes bien avant qu'elles ne soient jouer à l'avance. Échec et Matt. Je suis persuadé que les prochains dés de la Russie mettra de l'ordre dans la tête l'UE et allié.

à écrit le 26/02/2022 à 23:26
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voilà un bon coup de pousse au bitcoin et les monnaies numériques. fini la dictature des banques centrales. enfin déjà pour faire du commerce dans les zones mafieuses... il faut payer contant ... j ai pratique. maintenant il y aura 2 système Swift. a...

à écrit le 26/02/2022 à 23:01
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Suicide économique de l'europe pour être d'avantage sous la coupe américaine. Les gagnants de l'histoire : Russie, US, Chine. Les gros perdants : les pays européens.

le 27/02/2022 à 0:14
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Cela n’en prends pas la tournure. Les Américains fournissent de l’argent à l’Ukraine. La France, l’Allemagne, l’Angleterre et les petits voisins fournissent des stocks de missiles et excluent la Russie de Swift. Je trouve que les Européens parviennen...

le 27/02/2022 à 0:21
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C'est un peu bien dit

le 27/02/2022 à 21:44
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Vous êtes d'une crédulité qui rend admirable la propagande. L'argent et les missiles ils vont arriver comment ? Les cartes de crédit fonctionnent encore vous croyez ? En période de guerre c'est le cash. Donc cash & missiles aux checkpoints russe, le ...

à écrit le 26/02/2022 à 22:48
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Deux remarques aux passages. 1) Ce que je ne comprends pas dans de nombreux commentaires, c'est cette habitude de voir la Russie comme "LE" pays capable de dicter sa loi à tous. Il faudra un jour expliquer sur quels arguments se basent cette vision. ...

le 27/02/2022 à 0:25
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La Chine va emboîter les pat de la Russie. Quand l'aveugle va payer son bâton, le borgne à intérêt à s'enquérir du prix.....

à écrit le 26/02/2022 à 22:28
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Tu es un d'jeune ? Tu n'en veux ? T'es mobile ? Tu veux gagner d'la thune ? Devient opérateur de paille en finance internationale. Le pôle emploi finance ta formation via son module expertise et ton apprentissage de la langue russe est finançable par...

à écrit le 26/02/2022 à 21:25
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On peut imaginer que ça a été prévu et qu'une parade a été mise au point (via les chinois ?). Si ça fait dix ans qu'il prépare ses actions pour rester dans l'Histoire comme le recouvreur de la Grande Russie Hyper Puissante, c'est pas du bricolage, ni...

à écrit le 26/02/2022 à 21:21
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Les sanctions sont des sanctions de papier (finance). La vérité et que nous ne produisons rien de stratégique : nourriture, industrie. Il nous reste que du papier à opposer. Cela faisait fonctionnerait si la Russie avait besoin de services financier ...

à écrit le 26/02/2022 à 21:19
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Moi chuis Poutine, le gaz pour l'Europe déjà j'me fais casquer cash jusqu'à ce que les encours le soit totalement pis ensuite j'le coupe. Si pas d'encours alors c'est fermer illico. Tous les gouvernements européen sautent dans l'année. J'dis çà j'di...

à écrit le 26/02/2022 à 21:19
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Le titre m'apparaît dangereux. J'avoue me demander comment† cela va finir mais aussi en en cas de montée en tension si les élections à la présidentielle ne vont pas devoir être décalées comme prévu par la constitution.

à écrit le 26/02/2022 à 20:47
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Pour savoir si cela fonctionne, il faudra l'utiliser!! Mais j'ai bien peur que l'on surestime "la chose"... la monnaie n'est qu'un moyen comme le troc!

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