Législatives en Serbie  : victorieux, le parti présidentiel est accusé d'avoir « bourré les urnes »

Le parti présidentiel a remporté les élections législatives en Serbie, a annoncé la commission électorale lundi soir. Mais des irrégularités ont été constatées par des observateurs européens qui les qualifient même « d'inacceptables » pour un « pour un pays qui a le statut de candidat à l'UE ».
Aleksandar Vucic, le président serbe, avait fait de la campagne un référendum pour ou contre lui - assurant qu'il ne se voyait pas cohabiter si l'opposition était victorieuse.
Aleksandar Vucic, le président serbe, avait fait de la campagne un référendum pour ou contre lui - assurant qu'il ne se voyait pas cohabiter si l'opposition était victorieuse. (Crédits : LEONHARD FOEGER)

« Achat de voix » et « bourrages d'urnes ». La victoire du parti présidentiel en Serbie (SNS, droite nationaliste), proclamée lundi soir par les observateurs internationaux, est entachée de graves irrégularités selon un rapport sévère d'observateurs internationaux.

Les « résultats préliminaires » de la commission électorale, donnent le SNS majoritaire avec 46,7% des voix. L'opposition unie sous la bannière La Serbie contre la violence a elle remporté 23,5% des voix, selon ces résultats qui ne seront définitifs que dans quelques jours, une fois le délai de recours écoulé. A Belgrade, la commission locale donne le SNS gagnant avec 44,5%, suivi du SPN avec 38,18%.

Lire aussiLa Serbie achète des TGV chinois, en pleine négociation pour son adhésion à l'UE

Mais des critiques venant de l'international n'ont pas tardé à émerger.

« La Serbie a voté mais l'OSCE a signalé des cas d'utilisation frauduleuse de fonds publics, d'intimidation d'électeurs et d'achats de voix », a dénoncé le ministère allemand des Affaires étrangères.

« C'est inacceptable pour un pays qui a le statut de candidat à l'UE », a-t-il fait valoir. Pour rappel, fin novembre, une délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait déjà exprimé son inquiétude face à une campagne électorale polarisée, « à des niveaux jamais vus(...) d'incitation à la peur et d'attaques contre l'opposition. »

L'opposition dénonce aussi des fraudes

Et les critiques sont aussi légion, à l'intérieur même du pays. L'opposition dénonce des fraudes dans la capitale, et plusieurs milliers de manifestants se sont réunis lundi soir devant la commission électorale (RIK) pour demander une annulation du scrutin municipal. Il ne restait en soirée que quelques centaines de personnes, notamment des étudiants. Les élections législatives de dimanche étaient couplées en certains endroits avec des scrutins locaux. C'était notamment le cas à Belgrade, où vivent 1,5 million de personnes, près d'un quart du pays. Le SNS y a revendiqué la majorité - avec 38,5% des voix, soit 23.000 de plus que l'opposition.

Mais selon la coalition d'opposition, « plus de 40.000 personnes » ont voté dans la capitale sans en être résidents, transportées par bus depuis la Republika Srpska, l'entité serbe en Bosnie voisine. Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux dimanche disaient montrer l'arrivée d'électeurs dans l'un des stades de la ville, où il leur était indiqué dans quels quartiers ils devaient aller voter.

Les allégations de fraudes ont été confirmées par un rapport préliminaire de la mission internationale d'observation (OSCE, Parlement européen et Conseil de l'Europe). Les observateurs ont décrit un scrutin « marqué par des cas isolés de violence, des irrégularités de procédure et de fréquentes allégations d'organisation et de transport d'électeurs pour soutenir le parti au pouvoir lors des élections locales », ainsi que « des achats de voix et des bourrages d'urnes ».

« L'opinion de l'OSCE est la même que celle de la foule réunie ici », a déclaré devant les manifestants Dragan Djilas, l'un des chefs de file de la coalition d'opposition . « Nous demandons que les élections soient annulées, que les registres électoraux soient nettoyés (des faux électeurs, ndlr), et nous espérons que nous allons y parvenir par des moyens pacifiques ». Deux autres leaders de la coalition, Marinika Tepic et Miroslav Aleksic, vont entamer une grève de la faim, a-t-il ajouté.

Omniprésence contestée d'Aleksandar Vucic, le président serbe

Née dans le sillage des manifestations monstres qui ont secoué le pays en mai, après la mort de 19 personnes dans deux fusillades, la coalition n'a eu de cesse de dénoncer une campagne biaisée, entachée par « une rhétorique violente, des médias biaisés, des pressions sur les employés du secteur public et une utilisation abusive des ressources publiques ». Le tout sur fond « d'implication décisive du président », Aleksandar Vucic, offrant à son parti « un avantage indu », selon les observateurs. Le chef de l'Etat, qui ne se présentait pas à titre personnel, avait fait de la campagne pour les législatives anticipées du 17 décembre un référendum pour ou contre lui - assurant qu'il ne se voyait pas cohabiter si l'opposition était victorieuse. Ses apparitions, écrivait alors le groupe de réflexion CRTA (Centre pour la recherche, la transparence et la responsabilité) « dominent le débat public, et donnent l'impression qu'il s'agit d'une campagne présidentielle, et non parlementaire ». Aleksandar Vucic « occupe près de la moitié du temps d'information politique des principaux médias ».

Le président a mis ses opposants à genoux via « l'érosion des droits politiques et des libertés civiles, les pressions sur les médias indépendants, l'opposition politique et les organisations de la société civile », écrit l'ONG américaine Freedom House dans son rapport 2021.

L'un des pays les plus pauvres d'Europe

La campagne électorale a principalement tourné autour de l'économie, dans un des pays les plus pauvres du continent européen, qui a vu l'inflation atteindre 16% au printemps avant de décroître autour de 8% en novembre. Le chef de l'Etat a promis un salaire minimum à 1.400 euros d'ici 2027 - contre 590 euros en novembre.

Sa réussite à maintenir habilement des liens entre l'Est et l'Ouest sont aussi appréciés de ses électeurs. Lundi, le Kremlin, lui, s'est « félicité » de la victoire du camp Vucic, et les Etats-Unis ont déclaré vouloir coopérer avec la Serbie pour « renforcer »  la démocratie - tout en s'abstenant de commenter les allégations d'irrégularités électorales.

(Avec AFP)

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.