Ouganda  : TotalEnergies dans le collimateur d'une ONG de défense des droits humains

Le mégaprojet pétrolier de TotalEnergies en Ouganda est un « désastre » pour la population et contribuera « à la crise climatique mondiale », a déploré lundi Human Rights Watch (HRW), demandant son arrêt.
Le président ougandais Yoweri Museveni a décrit à plusieurs reprises le projet  de TotalEnergies comme une source économique majeure.
Le président ougandais Yoweri Museveni a décrit à plusieurs reprises le projet de TotalEnergies comme une source économique majeure. (Crédits : JAMES AKENA)

Le mégaprojet de TotalEnergies en Ouganda continue de susciter la polémique. Le géant pétrolier avait annoncé l'année dernière un accord d'investissement de 10 milliards de dollars avec l'Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC, comprenant notamment la construction d'un oléoduc (EACOP) de 1.443 kilomètres reliant les gisements du lac Albert, dans l'ouest de l'Ouganda, à la côte tanzanienne sur l'océan Indien.

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 « Une catastrophe pour la planète »

Le projet avait alors immédiatement rencontré l'opposition de militants et de groupes de défense de l'environnement. Selon eux, il menace le fragile écosystème de la région et les populations qui y vivent. Ils ont aujourd'hui le soutien de l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) pour qui le projet « appauvrit des milliers de personnes » et déplacera « plus de 100.000 personnes ». La construction de cet oléoduc « a provoqué l'insécurité alimentaire et l'endettement des ménages, contribué à la déscolarisation d'enfants et risque d'avoir des effets dévastateurs sur l'environnement », poursuit l'ONG dans un rapport, fruit de plus de 90 entretiens, notamment auprès de 75 familles déplacées dans cinq districts du pays d'Afrique de l'Est.

Le projet pétrolier est « un désastre pour les dizaines de milliers de personnes ayant perdu un terrain qui fournissait de la nourriture à leurs familles et un revenu leur permettant d'envoyer leurs enfants à l'école, et qui ont reçu une indemnisation insuffisante de la part de TotalEnergies », affirme dans le rapport Felix Horne, chercheur spécialiste de l'environnement à HRW, avant de poursuivre: « EACOP est aussi une catastrophe pour la planète et le projet ne devrait pas être mené à son terme ».

Plusieurs agriculteurs, interrogés par HRW, affirment qu'ils ont dû attendre des années pour obtenir une indemnisation et qu'ils s'étaient endettés. Certains villageois ont déclaré qu'on leur avait fait signer des accords d'indemnisation en anglais, une langue qu'ils ne savaient pas lire, tandis que d'autres ont déclaré aux chercheurs que « la présence de responsables du gouvernement et de la sécurité lors de réunions publiques a contribué à créer une aura d'intimidation », pointe du doigt HRW.

« Ils viennent ici en nous promettant tout », soutient à HRW un habitant. « Nous les avons crus. Maintenant nous sommes sans terre, l'argent de l'indemnisation a disparu, les champs qu'il nous reste sont inondés et la poussière remplit l'air ».

Pour TotalEnergies, la compensation versée aux agriculteurs est « équitable »

Dans une réponse transmise à HRW en juin, TotalEnergies déclare qu'il avait offert une compensation équitable aux agriculteurs et qu'il « continuerait à accorder une attention particulière au respect des droits des communautés concernées ». Le président ougandais Yoweri Museveni, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1986, a décrit le projet à plusieurs reprises comme une source économique majeure dans ce pays enclavé, malgré une résolution l'année dernière du Parlement européen, non contraignante, épinglant des « violations » des droits humains envers des opposants.

En février, le tribunal de Paris avait débouté les opposants au mégaprojet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie, reprochant en creux aux ONG de ne pas avoir suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice.

Une nouvelle action en justice en France

Fin juin, vingt-six Ougandais ont lancé une nouvelle action en justice en France pour demander « réparation » à TotalEnergies pour les « préjudices » causés selon eux par son mégaprojet pétrolier controversé. À leur côté, le défenseur des droits humains ougandais Maxwell Atuhura et cinq associations françaises et ougandaises : AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute.

Cette nouvelle assignation est différente. « Il s'agit d'une action en réparation car les violations des droits humains (que la première action en justice lancée en 2019 visait à empêcher, ndlr) se sont désormais réalisées faute de décision judiciaire rapide sur le cœur de l'affaire », précisent les associations.

« Aujourd'hui, ce qu'on demande au tribunal, c'est de reconnaître la responsabilité civile de Total et de les condamner à indemniser les personnes affectées pour les violations qui ont été subies ». TotalEnergies soulignait alors accueillir « favorablement un débat sur le fond devant le tribunal ».

Mise en production d'un champ de gaz en Azerbaïdjan, une signature « historique » avec l'Irak

TotalEnergies a lancé ce lundi le début de « la mise en production » du champ de gaz d'Absheron situé dans la mer Caspienne en Azerbaïdjan et exploité conjointement avec la compagnie nationale Socar. L'enclenchement « de la première phase de développement du champ de gaz à condensats » - du gaz naturel qui contient des hydrocarbures liquides en suspension, ce qui en augmente fortement sa valeur - doit offrir une capacité de production de 4 millions de mètres cube par jour de gaz et 12.000 barils quotidiens de condensats, assure le communiqué. En 2016, lors de la signature d'un accord entre TotalEnergies et Socar, l'entreprise publique azerbaïdjanaise de production de pétrole et de gaz, la capacité du gisement était estimée à environ 35.000 barils équivalent pétrole par jour, dont une part importante de condensats. La production du site découvert en 2011 est à destination du « marché domestique azerbaïdjanais ».

Par ailleurs, l'Irak a signé ce lundi avec TotalEnergies les accords d'un mégaprojet de dix milliards de dollars visant notamment à exploiter le gaz torché sur des champs pétroliers du sud et à produire de l'énergie solaire, pour pallier les manquements d'un réseau électrique défaillant. Lors d'une allocution, le PDG de l'énégerticien, Patrick Pouyanné, a salué un jour historique : « TotalEnergies est né en Irak en 1924, il y a près d'un siècle, c'est donc très symbolique pour moi (...) d'être ici aujourd'hui pour maintenir et poursuivre cette histoire. »

(Avec AFP)

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