Les poursuites judiciaires contre les projets de TotalEnergies en Ouganda ne sont pas terminées. De nouvelles actions en justice ont été lancées ce mardi 27 juin contre le géant français par 26 membres des communautés affectées par deux chantiers colossaux dans ce pays de l'est de l'Afrique. À leur côté, le défenseur des droits humains ougandais Maxwell Atuhura et cinq associations françaises et ougandaises : AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute.
Ils dénoncent diverses « violations des droits humains » causées selon eux par les projets de TotalEnergies. D'une part celui baptisé Tilenga, un forage de 419 puits de pétrole, dont un tiers dans le parc naturel ougandais des « Murchison Falls ». D'autre part, celui appelé EACOP (East African Crude Oil Pipeline), un oléoduc géant chauffé de 1.500 km traversant l'Ouganda et la Tanzanie jusqu'à la côte tanzanienne, et qui franchit plusieurs aires naturelles protégées.
Expropriations abusives, compensations insuffisantes, harcèlement...
Selon ces associations, plus de 118.000 personnes en Ouganda et en Tanzanie sont affectées par des expropriations totales ou partielles du fait des deux projets.
Les personnes affectées « sont principalement des agriculteurs qui vivent de leurs terres, c'est souvent leur unique moyen de subsistance », a souligné Juliette Renaud, porte-parole des Amis de la Terre. Les associations accusent TotalEnergies d'avoir fait signer à de nombreux Ougandais, à partir de 2017, des accords de vente de leurs terres, très souvent en les intimidant, et sans indemnisation préalable ou en échange de sommes insuffisantes. À cause de Tilenga et EACOP, des personnes « ont été privées de la libre utilisation de leurs terres pendant plus de 3 voire plus de 4 ans (...) il y a encore un grand nombre de personnes qui n'ont pas reçu les compensations », dénonce Juliette Renaud. Un grand nombre de ces personnes « ont dû céder leurs terres alors que le montant de compensation proposé par Total était totalement insuffisant pour pouvoir racheter des terres et des cultures équivalentes ».
En outre, à partir de 2022, « les terres de certains villages ont été fortement impactées par des inondations répétées causées par la construction de l'usine de traitement du pétrole (CPF) du projet Tilenga », ajoutent ces associations.
« Plusieurs demandeurs ont subi menaces, harcèlement et arrestations simplement car ils avaient osé critiquer les projets pétroliers en Ouganda et en Tanzanie et défendre les droits des communautés affectées », dénoncent également les associations.
Des dénonciations de longue date
Ce n'est pas la première fois que Total est assigné en justice en France concernant ces projets. En octobre 2019, les associations françaises Amis de la Terre et Survie et quatre ONG ougandaises l'avaient en effet déjà poursuivi en dénonçant les violations des droits humains et les risques pour l'environnement de ces deux chantiers.
Le tribunal judiciaire de Paris avait déclaré leur recours en référé inadmissible en janvier 2023, pour une question de procédure. Il reprochait en creux aux ONG de ne pas avoir suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice.
Réparer les dégâts provoqués
Cette nouvelle assignation est différente. « Il s'agit d'une action en réparation car les violations des droits humains (que la première action en justice lancée en 2019 visait à empêcher, ndlr) se sont désormais réalisées faute de décision judiciaire rapide sur le cœur de l'affaire », précisent les associations. Elle a été annoncée ce mardi lors d'une conférence de presse à Paris, en présence des associations concernées et de plusieurs des demandeurs ougandais.
« Aujourd'hui, ce qu'on demande au tribunal, c'est de reconnaître la responsabilité civile de Total et de les condamner à indemniser les personnes affectées pour les violations qui ont été subies », notamment celles de leurs droits à la terre et à l'alimentation, a déclaré Juliette Renaud.
Total se défend
Réagissant ce mardi à cette nouvelle action en justice, TotalEnergies dit « considérer » que son plan de vigilance « est mis en œuvre de manière effective », dans un message transmis à l'AFP.
Le groupe dit s'être « assuré que ses filiales en Ouganda et en Tanzanie ont appliqué les plans d'actions adaptés afin de respecter les droits des communautés locales et d'assurer le respect de la biodiversité, dans le cadre des projets d'intérêt national décidés par les États ougandais et tanzaniens (...) TotalEnergies accueille favorablement un débat sur le fond devant le tribunal », ajoute le communiqué.
(Avec AFP)
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