Depuis leur pic de juin, les prix du baril de pétrole brut ont perdu quelque 30 dollars, note l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son rapport mensuel publié ce jeudi. La raison principale en est une augmentation de l'offre. Pour le seul mois de juillet, elle a augmenté de 1,4 million de barils par jour (mb/j), pour atteindre en moyenne 100,5 mb/j, soit son plus haut niveau depuis janvier 2020, avant le début de la pandémie.
Pourtant la demande reste soutenue. L'agence a révisé à la hausse son estimation pour 2022, de 380.000 barils par jour, pour la porter à 99,7 mb/j. Elle bénéficie de nouveaux besoins créés notamment par l'utilisation du pétrole plutôt que du gaz naturel, qui culmine toujours à niveaux record, comme carburant dans l'industrie ou encore pour produire de l'électricité. « Avec plusieurs régions faisant l'expérience de vagues de chaleur brûlantes, les dernières données confirment une augmentation de l'utilisation de pétrole pour produire de l'électricité, en particulier en Europe et au Moyen-Orient, mais aussi à travers l'Asie », précise l'AIE. Ce changement de combustible « a aussi lieu dans l'industrie européenne, y compris les raffineries », notent les auteurs du rapport.
Cette demande moyenne masque toutefois « des faiblesses relatives dans d'autres secteurs » et un ralentissement de sa croissance, qui passera de 5,1 mb/j au début de l'année à moins de 100.000 barils par jour d'ici le dernier trimestre de 2022, pointe l'agence.
Fin des opérations de maintenance
De son côté, l'offre mondiale a bénéficié de la fin de certaines opérations de maintenance dans la mer du Nord, au Canada et au Kazakhstan. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses alliés (Opep+), n'a augmenté que marginalement sa production. Quant à la Russie, l'un des pays leaders de l'Opep, elle n'a pas vu ses exportations s'effondrer après son invasion de l'Ukraine. Dans son précédent rapport, l'AIE anticipait, en effet, une chute de 2 mbj. Aujourd'hui, elle constate qu'« en raison de l'impact limité à ce jour des sanctions américaines et européennes », les exportations russes ne sont tombées qu'à 7,4 mb/j en juillet, alors qu'elles étaient de 8 mb/j au début de l'année.
En réalité, l'offre pétrolière russe n'a fait que changer de destination. En juin, indique l'AIE, « les exportations de pétrole brut vers la Chine, qui s'élevaient à 2,1 mb/j, ont dépassé pour la première fois les volumes envoyés aux pays de l'UE, à 1,8 mb/j ». Le mouvement devrait s'amplifier dans les prochains mois, au fur et à mesure de l'application strict de l'embargo européen sur le brut russe.
Conséquence, la Russie est devenue « la principale source d'approvisionnement en pétrole brut de la Chine en mai et juin », indique l'agence. Ainsi, la République populaire représentait 35 % des exportations de pétrole brut de la Russie, tandis que la Russie représentait environ 20 % des importations de pétrole brut de la Chine. Par ailleurs, les exportations russes vers l'Inde ont atteint un nouveau niveau record en s'inscrivant 975.000 b/j en juillet, selon les données de l'AIE.
Hausse des stocks commerciaux de l'OCDE
A ce stade, l'AIE anticipe même que « l'offre pétrolière mondiale doit encore augmenter de 1 mb/j d'ici la fin de l'année ». Un phénomène qui se manifeste sous la forme d'une hausse des stocks commerciaux des entreprises dans les pays de l'OCDE. Par ailleurs, l'agence montre dans son rapport une étroite corrélation entre le niveau de ces stocks commerciaux et le prix du Brent : lorsque les stocks montent, le prix du Brent baisse (voir graphique).
-
-
L'AIE valide ainsi le bien-fondé de la décision des Etats-Unis et de l'ensemble des pays de l'OCDE de puiser dans leurs stocks stratégiques (240 millions de barils dont 180 millions pour les seuls Etats-Unis) pour alimenter régulièrement le marché ces derniers mois. Elle a permis de faire baisser les cours qui avaient frôlé les 130 dollars le baril en mars, après l'invasion russe de l'Ukraine. Ce jeudi, le prix du baril de Brent évoluait autour de 98 dollars tandis que celui du WTI oscillait autour de 92,5 dollars.
Mais ce reflux des prix et cette hausse des stocks commerciaux anticipent le risque de récession notamment en Europe. Dans son dernier rapport sur les perspectives de l'économie mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) avait révisé à la baisse ses prévisions de croissance à 3,2% (- 0,4 point) en 2022 et à 2,9% (-0,7 point) en 2023. Une récession qui risque en particulier de toucher l'Europe, qui affronte une crise énergétique qui pèse sur l'économie européenne. Dans son rapport, l'AIE rappelle d'ailleurs que l'indice de confiance des consommateurs de la zone euro a atteint en juillet un record historique de faiblesse.