Premiers pourparlers "constructifs" depuis des mois entre Pékin et Washington

Les États-Unis et la Chine ont tenu samedi des pourparlers "constructifs", a déclaré le chef de la diplomatie de Washington, à l'issue d'une rencontre inhabituellement longue visant à empêcher que les tensions bilatérales ne dégénèrent entre les deux premières économies mondiales. Reste que la position chinoise vis-à-vis de la guerre en Ukraine complique un peu plus les relations, déjà en proie à des tensions sur de nombreuses autres questions, la pression militaire sur Taïwan en tête.
(Crédits : Aly Song)

La reprise d'un dialogue de haut niveau entre Washington et Pékin semble bien enclenchée, malgré des tensions persistantes, notamment sur la question taïwanaise. Les chefs de la diplomatie chinoise et américaine, Wang Yi et Antony Blinken, se sont en effet félicités ce samedi de discussions "constructives" et d'un "consensus" pour essayer de détendre les relations orageuses entre les deux superpuissances, à l'issue d'une réunion inhabituellement longue sur l'île indonésienne de Bali.

"Malgré la complexité de nos relations, je peux dire avec une certaine confiance que nos délégations ont trouvé les discussions d'aujourd'hui utiles, franches et constructives", a déclaré M. Blinken après cinq heures d'entretien (le premier depuis octobre), au lendemain d'une réunion des chefs de la diplomatie du G20 à Bali.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a lui aussi jugé la rencontre satisfaisante. "Les deux parties, sur la base de la réciprocité et des bénéfices mutuels, ont atteint un consensus pour faire en sorte que le groupe de travail conjoint sino-américain atteigne davantage de résultats", a-t-il indiqué dans son compte-rendu.

Néanmoins, la pression militaire croissante de Pékin sur Taïwan, une île démocratique que la Chine considère comme une partie intégrante de son territoire et qu'elle s'est juré de reprendre un jour, reste néanmoins un problème pour Washington, a précisé Antony Blinken.

"J'ai fait part des profondes préoccupations des États-Unis concernant la rhétorique et les activités de plus en plus provocantes de Pékin à l'égard de Taïwan et de l'importance vitale du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan", a-t-il souligné à l'issue de la rencontre.

Washington demande à Pekin de condamner l'agression russe

La guerre en Ukraine a elle aussi rythmé les discussions, à l'heure où la position de Pékin complique les relations américano-chinoises, déjà en proie à des divisions et à de l'inimitié sur de nombreuses autres questions, a fait valoir Anthony Blinken. Le secrétaire d'Etat américain a ainsi demandé à son homologue chinoise de prendre ses distances avec Moscou et de condamner "l'agression" russe contre l'Ukraine.

Peu de temps avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier, Pékin et Moscou avaient annoncé un partenariat "sans limites". En réaction, les responsables américains avaient mis en garde contre les conséquences, y compris en termes de sanctions, si la Chine offrait un soutien matériel à la Russie.

"C'est vraiment le moment où nous devons tous nous lever, comme l'ont fait les pays du G20 les uns après les autres, pour condamner l'agression", a-t-il déclaré.

La veille, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait claqué la porte de la réunion avec ses homologues du G20 après avoir essuyé un torrent de critiques concernant l'invasion russe de l'Ukraine.

"Il y avait un fort consensus et la Russie a été laissée isolée, comme elle l'a été à de nombreuses reprises depuis le début de cette guerre", a affirmé M. Blinken. "En fait, le ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, a quitté la réunion plus tôt que prévu, peut-être parce que ce message avait été si clair et retentissant", a-t-il estimé.

Le secrétaire d'Etat américain a également annoncé que les États-Unis allaient fournir une aide supplémentaire de 360 millions de dollars à l'Ukraine, notamment pour la nourriture, l'eau potable et les soins de santé d'urgence.

Eviter à tout prix un conflit

Alors que l'Occident s'efforce d'isoler la Russie après l'invasion de l'Ukraine et que l'économie mondiale est en proie à des incertitudes croissantes, Pékin et Washington ont pris des mesures de précaution pour empêcher que leurs innombrables divergences ne dégénèrent en conflit incontrôlable.

Les États-Unis chercheront "à faire tout ce qui est possible pour empêcher toute erreur de calcul qui pourrait conduire par inadvertance à un conflit", a déclaré aux journalistes, avant la rencontre, le plus haut diplomate américain pour l'Asie de l'Est, Daniel Kritenbrink.

"Nous nous engageons à gérer cette relation, cette compétition de manière responsable, comme le monde s'y attend", a déclaré Anthony Blinken. "La Chine et les États-Unis sont deux grands pays, il est donc nécessaire pour les deux pays de maintenir des échanges normaux", avait de son côté affirmé Wang Yi avant la rencontre.

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Allègement des droits de douane

Il n'empêche que les tensions restent vives. Outre la question de Taïwan, le président américain Joe Biden a largement conservé la substance de la ligne dure de son prédécesseur Donald Trump à l'égard de la Chine. Mais dans un récent discours, il a clairement indiqué que son pays ne cherchait pas à déclencher une nouvelle "guerre froide", même s'il a maintenu ses critiques, notamment en accusant Pékin de génocide à l'encontre du peuple ouïghour, majoritairement musulman.

On s'attend à ce que l'administration Biden assouplisse prochainement certaines des surtaxes douanières imposés par Donald Trump sur les produits chinois pour freiner la flambée de l'inflation américaine avant les élections de mi-mandat de novembre, avec le contrôle du Congrès en tête. Et pour cause, malgré leur rivalité, les deux plus grandes économies du monde restent des partenaires commerciaux majeurs.

Les responsables américains sont parfaitement conscients que toute mini-lune de miel avec la Chine pourrait être éphémère. Xi Jinping, le dirigeant le plus puissant de Chine depuis des décennies, devrait en effet remanier son équipe de politique étrangère au congrès du Parti communiste qui se tiendra plus tard cette année.

Mais Craig Singleton, qui suit l'évolution de la Chine au sein de la Fondation pour la défense des démocraties, basée à Washington, s'attend à ce que M. Xi nomme à nouveau des technocrates capables de travailler avec Washington.

"La raison en est simple : l'économie chinoise est confrontée à des vents contraires considérables et les décideurs chinois semblent désireux de reconnaître que la rhétorique agressive de la Chine s'est retournée contre elle", a-t-il estimé.

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(Avec agences)

Commentaires 3
à écrit le 09/07/2022 à 19:16
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Après ce tissu de mensonges, il faut en conclure que les relations sino américaines ne sont pas en voie d'amélioration. Bien au contraire, et il en sera ainsi pour longtemps (toujours?). Oui, toujours tant que les peuples ne pourront pas disposer li...

à écrit le 09/07/2022 à 18:09
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L'Amérique , après avoir semé la zizanie dans l'UE en affirmant aux ukrainiens qu'ils rentreraient dans l'OTAN , ne peut pas se permettre d'ouvrir un deuxième front en remuant à son tour Taiwan. Hélas pour nous européens c'est trop tard le mal est fa...

à écrit le 09/07/2022 à 15:55
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Les US arrêtent de soutenir les rebelles de Taïwan? La Chine aimerait bien que l'Occident les aide à récupérer l'île indépendantiste comme on aide l'Ukraine contre les indépendantises du Donbass et de Louhansk.

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