Taux : le Royaume-Uni fait une pause

Alors que les effets des resserrements monétaires opérés par les banques centrales commencent à se faire ressentir sur l'inflation (et sur la croissance), celles d'Angleterre, de Suisse et des Etats-Unis ont décidé de laisser leurs taux inchangés, prévenant toutefois que cela ne sonnait pas la fin des relèvements. À l'inverse, en Suède, la Banque centrale a procédé à une nouvelle hausse.
La Banque centrale suisse (BNS) a surpris en marquant une pause dans le durcissement de sa politique monétaire.
La Banque centrale suisse (BNS) a surpris en marquant une pause dans le durcissement de sa politique monétaire. (Crédits : Reuters)

Les bonnes nouvelles sur le front de l'inflation... en apportent d'autres du côté des taux. Ce jeudi 21 septembre, la Banque d'Angleterre (BoE) a, en effet, indiqué qu'elle laissait ses taux inchangés. Le 3 août encore, l'institution monétaire avait relevé ses taux de 0,25 point de pourcentage, soit sa 14e hausse consécutive. Ce relèvement avait ainsi porté ses taux directeurs à 5,25%.

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Cette pause est la première depuis le début du tour de vis monétaire entamé en décembre 2021. Elle avait ainsi succédé à la Réserve fédérale américaine (Fed) qui avait remonté ses taux la veille. La livre dévissait de 0,6% à 1,2273 dollar après l'annonce de cette décision.

Le fait que la BoE acte qu'il n'y aurait, cette fois, pas de nouveau relèvement peut s'expliquer par les données meilleures que prévu sur l'inflation du mois d'août. Elles pourraient, en effet, avoir influencé sa décision, alors qu'auparavant les analystes s'attendaient à une énième hausse de taux. « L'inflation CPI sur un an est tombée à 6,7% en août, à 0,4 point de moins que les anticipations » du Comité lors de la précédente réunion de politique monétaire de la BoE, a d'ailleurs souligné la banque centrale dans ses minutes. Elle a ainsi légèrement reculé par rapport au mois de juillet quand elle avait atteint 6,8% sur un an. Et ce grâce aux prix de l'alimentaire qui ont le plus contribué au repli d'août, avec ceux des services, tempérés par un rebond des prix du carburant.

Le chancelier de l'Échiquier, Jeremy Hunt, s'est félicité d'un plan de lutte contre l'inflation « qui fonctionne », sans toutefois crier victoire trop vite, reconnaissant que ce taux reste « trop élevé ». L'inflation britannique est d'ailleurs toujours la plus élevée des pays riches du G7.

Autre facteur qui a pu motiver la décision de la BoE ce jeudi : l'impact du resserrement de sa politique sur la croissance du pays. En effet, « il y avait de plus en plus de signes d'un certain impact d'une politique monétaire plus restrictive sur le marché du travail (...) et sur l'économie réelle plus généralement », a-t-elle fait savoir dans ses minutes. Le taux de chômage est, en effet, monté à 4,3% pour les trois mois terminés fin juillet, reflétant une activité économique qui s'essouffle dans le pays.

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Quant au produit intérieur brut (PIB), il s'est contracté de 0,5% en juillet, soit plus qu'attendu. L'économie a pâti de grèves dans la santé et l'enseignement et d'un temps pluvieux qui a découragé les achats dans les magasins. Certains économistes arguent qu'il s'agit du début de la récession attendue depuis des mois, mais qui ne s'est pour l'instant pas matérialisée.

Et si l'institution monétaire a signalé l'impact de sa politique sur l'économie britannique, elle est néanmoins restée floue sur le futur qu'elle pourrait avoir, indiquant que d'autres resserrements seront requis s'il y a des preuves de pressions inflationnistes plus persistantes.

La Banque centrale suisse surprend les analystes

À l'instar de la BoE, la Banque centrale suisse (BNS) a, elle aussi, surpris en marquant une pause dans le durcissement de sa politique monétaire. Elle a ainsi maintenu son taux directeur à 1,75%.

Vers 10H30 GMT (12H30 heure de Paris), le franc suisse reculait de 0,64% à 0,9044 franc suisse pour un dollar et perdait 0,63% à 0,9641 franc suisse pour un euro.

La majorité des économistes s'attendaient à ce que la BNS procède à une ultime hausse de taux d'un quart de point de pourcentage après cinq tours de vis depuis juin 2022, notamment pour ne pas laisser l'écart se creuser avec la Banque centrale européenne.

Mais plusieurs d'entre eux n'avaient pas non plus totalement exclu qu'elle laisse son taux directeur inchangé. Notamment parce que l'activité économique suisse a stagné au deuxième trimestre face à une baisse de la demande mondiale qui a pénalisé en particulier les entreprises exportatrices suisses dans l'industrie. En outre, l'inflation en Suisse est repassée sous la barre de 2% depuis juin, dans la lignée des objectifs de la BNS. Elle se situait, en août, à 1,6% sur un an, bien en dessous des niveaux observés chez ses voisins européens.

Pour autant, l'institution reste sur ses gardes, a-t-elle prévenu. Elle est prête à intervenir sur le marché des changes en cas de besoin et elle continuera d'observer « de près » l'évolution de l'inflation dans les prochains mois, a-t-elle indiqué dans le communiqué détaillant sa décision trimestrielle de politique monétaire. « Il n'est pas exclu qu'un nouveau relèvement de taux devienne nécessaire pour assurer la stabilité des prix à moyen terme », a-t-elle insisté.

Aux Etats-Unis, les prochaines hausses de taux conditionnées à la croissance

Même refrain du côté des Etats-Unis où la Fed a annoncé, mercredi, un maintien de ses taux d'intérêt directeurs dans la fourchette de 5,25% à 5,5%, à leur plus haut niveau depuis 22 ans.

Une pause dans les relèvements qui ne marquent pas pour autant la fin de ces derniers a insisté l'institution américaine qui anticipe une hausse supplémentaire de 0,25 point cette année. Tout dépendra de l'inflation - qui a rebondi en août pour la deuxième fois d'affilée à 3,7% sur un an - et de l'évolution de la situation économique : « une activité économique plus forte signifie que nous devons agir plus fort sur les taux », a expliqué président de la Fed, Jerome Powell

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La banque centrale américaine a, en effet, observé que l'économie se porte bien mieux que prévu, et a doublé sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis pour 2023, tablant sur 2,1% contre seulement 1,0% en juin. Elle anticipe désormais une croissance de 1,5% en 2024, contre 1,1% lors des précédentes prévisions.

Nouveau relèvement en Suède

En Suède, en revanche, la Banque centrale n'en a pas encore terminé avec les hausses des taux. Ce jeudi, elle a ainsi porté son taux directeur à 4%, au plus haut depuis 15 ans, avec un relèvement de 0,25 point.

« Les pressions inflationnistes dans l'économie suédoise sont toujours trop élevées », a-t-elle tranché, dans son communiqué. Et pour cause, la Suède souffre d'une forte inflation, qui avait culminé à 12,3% en glissement annuel en décembre. Et si elle ralentit progressivement depuis, elle demeure à un niveau élevé (+7,5% en août). Sans compter que le pays nordique doit faire face à la faiblesse de la couronne par rapport à l'euro et au dollar, qui renchérit le prix de ses importations. La couronne a ainsi touché un plus bas à 12 couronnes pour un euro lundi. « Les prix des services continuent d'augmenter rapidement, ce qui, combiné à la faiblesse injustifiée de la couronne, contribue à maintenir l'inflation à un niveau élevé et accroît le risque que l'inflation ne continue pas à baisser et à se stabiliser autour de l'objectif assez rapidement », selon la Riksbank.

Ce relèvement des taux était donc attendu par les économistes. Ils estiment d'ailleurs que la prochaine réunion en novembre pourrait marquer la fin du cycle de hausse. « Nous nous en tenons à notre prévision d'un dernier relèvement du taux à 4,25% en novembre par la Risbank », prévoient ainsi les économistes de Swedbank dans une note, sans exclure totalement qu'il n'y en ait même pas besoin. « L'évolution de l'inflation et de la couronne suédoise sur les mois à venir sera cruciale », ajoutent-ils. De son côté, la Banque centrale de Suède a indiqué que le taux directeur « pourrait encore être relevé ».

Nouvelle hausse à prévoir pour la BCE

Et elle n'est pas la seule à envisager de nouvelles hausses de taux. Tel est aussi le cas de la Banque centrale européenne (BCE). Lors du dernier relèvement de 0,25 point le 14 septembre, la présidente de l'institution, Christine Lagarde a indiqué que « nous ne disons pas que nous sommes actuellement au plus haut des taux d'intérêt ». Et si « les taux d'intérêt directeurs ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, apporteront une contribution substantielle » au retour vers l'objectif des 2%, « les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d'intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire », a-t-elle rappelé.

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(Avec AFP)

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