Transition énergétique : l'IRA de Biden booste les besoins en métaux stratégiques

Avec le plan IRA, les Etats-Unis devraient pouvoir assurer leur transition énergétique en sécurisant leur approvisionnement en cuivre, lithium et cobalt, grâce au développement local du secteur minier et aux importations venant de pays producteurs avec lesquels existent des accords de libre-échange, selon une étude de S&P Global. Seul métal à poser problème dans ce cadre, le nickel.
Robert Jules
Bobines de fil de cuivre. Les Etats-Unis peuvent potentiellement couvrir leurs besoins pour la transition énergétique d'ici 2035.
Bobines de fil de cuivre. Les Etats-Unis peuvent potentiellement couvrir leurs besoins pour la transition énergétique d'ici 2035. (Crédits : AMANDINE IBLED)

Dans la course aux métaux qui vont se substituer aux hydrocarbures avec la transition énergétique, chaque pays cherche à sécuriser ses approvisionnements. C'est ce que le président américain Joe Biden vise avec son plan Inflation Reduction Act (IRA), doté de 400 milliards de dollars. Il finance sous la forme de crédits d'impôts et de subventions aux entreprises et aux ménages la conversion de l'économie américaine aux énergies bas carbone, en développant localement la production de batteries pour véhicules électriques, d'éoliennes off-shore, de panneaux solaires, ou encore l'intensification des réseaux électriques... Dans une étude, S&P Global, maison mère de l'agence de notation, a analysé les conséquences de l'IRA pour les marchés mondiaux des métaux de l'IRA,

Conditions de plus en plus strictes pour être éligibles aux aides

Le plan prévoit par exemple qu'à partir de 2024, les industriels assemblant des batteries pour véhicules électriques sur le sol américain ne pourront être éligibles aux aides publiques qu'à condition que la part de la valeur des composants, essentiellement des métaux, produite aux Etats-Unis ou dans un pays avec lequel les Etats-Unis ont un accord de libre-échange, soit supérieure à 50% à partir de 2024. Cette part sera portée à 80% en 2027 et 100% en 2029. Les Etats-Unis vont donc devoir mener une extension accélérée de leur secteur minier et métallurgique local.

Une politique volontariste qui vient après la pandémie qui a bouleversé les chaînes d'approvisionnement et une crise énergétique amplifiée par la guerre russe en Ukraine qui a chamboulé les flux commerciaux des matières premières dont les métaux. Dans ce contexte, les inquiétudes portent sur la capacité des producteurs à répondre à l'explosion de la demande exigée par la transition énergétique. Aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume uni, au Canada, dans les pays de l'Union européenne, mais aussi au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale et à l'Agence internationale de l'énergie (AIE), nombre de rapports ont été publiés pour étudier la question et proposer des solutions. En France, par exemple, il y a eu le rapport Varin et la création d'un Observatoire français des ressources minérales (Ofremi) pour fournir « des informations claires sur les chaînes d'approvisionnement ». L'Union européenne s'est elle aussi dotée de structures similaires.

Des réserves de cuivre locales équivalentes à trois ans de production mondiale

Outre Atlantique, selon les calculs des experts de S&P Global, les Etats-Unis auront besoin en 2035 de 15 % de plus de lithium (soit 12.000 tonnes) qu'avant la mise en place de l'IRA, de 14% de plus de nickel (700.000 tonnes), de 13% de plus de cobalt (53.000 tonnes) et de 12% de plus de cuivre (2,6 millions de tonnes).

Selon l'entreprise spécialisée dans l'analyse financière, le lithium sera le métal qui bénéficiera le plus de l'IRA pour répondre à la demande des Etats-Unis, grâce aux futures capacités locales mais aussi aux importations du Canada et de l'Australie. Ces dernières années, le lithium a fait la une des médias sur son risque de pénurie, mais les prix élevés ont suscité le lancement de nombreux projets de développement, par exemple en France, avec la société Imerys. La production mondiale devrait passer de 800.000 tonnes à 3,6 millions de tonnes en 2035. Plus de 57% seront concentrées dans des pays qui ont des accords commerciaux avec les Etats-Unis qui eux-mêmes en produiront 5%, indique le rapport.

En revanche, la situation sera plus tendue pour le nickel et le cobalt. La production du métal du diable (qui désigne le nickel), utilisée notamment pour la fabrication de l'acier inoxydable et utilisé dans les batteries pour véhicules électriques, son exploitation est concentrée dans des pays qui n'ont pas de traités de libre-échange avec les Etats-Unis, en particulier le leader mondial, l'Indonésie, qui a affiché par ailleurs son intention de développer sa propre filière intégrée, de la mine à la production de batteries. Aujourd'hui, les Etats-Unis importent 47% de leurs besoins de pays avec lesquels ils n'ont pas d'accord de libre-échange, dont plus de 10% de la Russie. « Nous prévoyons que les pays qui n'ont pas d'accords de libre-échange avec les Etats-Unis représenteront ensemble 92% de la production de nickel en 2035 », indique le rapport, qui souligne qu'il s'agit là pour Washington « d'un défi significatif pour assurer ses futurs besoins ».

Le poids de la Chine sur le marché du cobalt

Quant au cobalt, en 2035, « 90% de la production mondiale sera située dans des pays qui n'ont pas d'accords commerciaux avec les Etats-Unis, principalement en République démocratique du Congo (RDC) dont plus de 70% est exporté aujourd'hui vers la Chine, qui compte pour plus de la moitié de la production de cobalt raffiné », pointe le rapport. Aujourd'hui, les Etats-Unis importent ce métal de pays avec lesquels ils n'ont pas d'accords commerciaux dont la Russie à hauteur de 11%. Malgré cette situation, d'ici 2035, les pays producteurs de cobalt qui ont des traités de libre échange comme l'Australie et le Canada devraient pouvoir couvrir leurs besoins des Etats-Unis, même si aujourd'hui ils ne leur délivrent respectivement que 3% et 12% de leurs importations.

En revanche, la première économie mondiale ne devrait pas avoir de problèmes pour s'approvisionner en cuivre. Le métal rouge, classé comme « métal critique » au Canada et en Europe, devrait voir sa production mondiale doubler dès la moitié de la décennie 2030 pour répondre aux besoins des objectifs de la neutralité carbone en 2050 à travers la planète. En effet, le sol des Etats-Unis recèle l'équivalent de 70 millions de tonnes de métal rouge, soit 3 ans de production mondiale. S&P Global y voit même « une substantielle opportunité pour son développement local ». Toutefois, ses experts mettent en garde sur les difficultés pour lancer une telle exploitation à grande échelle. La législation et les délais pour obtenir les permis ainsi que les litiges potentiels avec les organisations environnementales et les populations locales pourraient freiner ce développement.

Des risques juridiques et politiques qui pourraient aussi réduire l'intérêt des investisseurs d'autant que le secteur devra faire face à une hausse des coûts de production.

Enfin, S&P Global alerte sur certains risques sous-estimés. Il y a d'abord celui de la compétition internationale pour l'accès aux ressources qui restent limitées. Elle va s'intensifier au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de l'échéance 2050, en particulier entre les Etats-Unis et la Chine, d'autant que le géant asiatique occupe aujourd'hui une position dominante sur le marché mondial des métaux, notamment dans le secteur du raffinage.

Les prix des métaux n'ont pas encore intégré la demande de la décarbonation

Ensuite, les experts mettent en garde sur l'excès d'optimisme chez certains analystes qui se veulent rassurants sur l'offre future de métaux, en se basant sur la fluctuation à court terme des prix sur les marchés internationaux. Aujourd'hui, par exemple, l'indice LME, qui agrège les prix des métaux non ferreux, est en baisse de près de 7 % depuis le début de l'année et évolue à son niveau de février 2021. Le prix du lithium, lui, a chuté de 60% en un an, celui du cobalt de 36%. Ces prix n'ont pas encore intégré, selon eux, la future demande exigée par la transition énergétique, mais reflètent davantage le faible rebond de la demande chinoise post-Covid, ainsi que le ralentissement des économies aux Etats-Unis et en Europe sous l'influence de la poursuite de la hausse des taux des banques centrales. La tendance haussière reste à venir.

Robert Jules
Commentaire 1
à écrit le 03/09/2023 à 12:02
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Bonjour, les USA développer les énergies renouvelables a grande échelle, par une politique d'aides et de subventions importantes.... Bien sûr les industriels européenne mettre en avant cette situation pour avoir un plan équivalent... Mais la réalité...

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