L’Auvergne, future capitale européenne du lithium ? « Oui, c’est possible », assure Imerys

Alessandro Dazza, directeur exécutif d'Imerys, a défendu l'enjeu régional et local de l'exploitation du lithium sur le site d'Échassières, dans l'Allier, lors du Forum « Transformons la France », organisé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, Régions de France et La Tribune qui s'est tenu ce jeudi 1er juin, à Lyon.
Robert Jules
Alessandro Dazza, directeur exécutif d'Imerys, leader mondial de la production et la transformation des minéraux industriels
Alessandro Dazza, directeur exécutif d'Imerys, leader mondial de la production et la transformation des minéraux industriels (Crédits : DR)

Vidéo de l'intervention d'Alessandro Dazza, directeur exécutif d'Imerys

L'Auvergne va-t-elle devenir la capitale européenne du lithium, ce métal stratégique indispensable à la production de batteries ion-lithium pour véhicules électriques, dont la France compte bien devenir un producteur majeur ? « C'est possible », affirme Alessandro Dazza, directeur exécutif d'Imerys, invité du Forum « Transformons la France », organisé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, Régions de France et La Tribune, ce jeudi 1er juin, à Lyon.

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Imerys, leader mondial de la production et la transformation des minéraux industriels, compte lancer son exploitation sur son site minier actuel d'Échassières, dans l'Allier d'ici 2028.

« C'est notre métier. Cela fait 170 ans que nous y exploitons le kaolin, qui sert à faire la porcelaine de Limoges », rappelle ce Milanais, qui a pris les rênes d'Imerys en mars 2020, aux prémices de la pandémie du Covid-19.

Le plus léger des métaux

Le lithium a la propriété d'être l'un des métaux les plus légers. Il est quasiment devenu un métal précieux, indispensable dans le cadre de la transition énergétique. De fait, cette dernière induit une migration du parc mondial des véhicules thermiques vers celui des véhicules électriques.

Si des études du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) avaient déjà mis à jour le potentiel du lithium sur le site, il y a des décennies, il est devenu incontournable. La demande mondiale de lithium devrait tripler en moins de 10 ans, selon les projections de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Or, à l'heure actuelle, la France importe la quasi-totalité de son lithium des pays d'Amérique du Sud et de la Chine. Une dépendance que les pouvoirs publics veulent réduire pour réindustrialiser le pays. Dans cette perspective, le potentiel du site d'Échassières tombe à pic.

« C'est un gisement exceptionnel en termes de volume et de teneur du minerai dont la production annuelle est estimée à 34.000 tonnes d'hydroxyde de lithium, permettant de produire des batteries pour l'équivalent de 700.000 véhicules électriques par an, pendant plus de 25 ans », assure Alessandro Dazza, qui rappelle que le montant investi dans le projet va dépasser le milliard d'euros.

500 à 600 emplois directs vont être créés

L'enjeu n'est pas seulement national, mais aussi local. « C'est une immense opportunité pour la région », souligne le patron d'Imerys. Notamment en terme d'emplois, 500 a 600 emplois directs sont attendus, ce qui confirme donc largement l'estimation initiale de 1.000 emplois directs et indirects, précise le groupeUne aubaine pour les communes avoisinant Vichy et Montluçon, et un argument pour convaincre la population locale du bien-fondé du projet. « La transparence et la concertation, c'est la clé », témoigne Alessandro Dazza, en référence à ses relations avec les élus locaux.

« Nous leur avons communiqué toutes les études qui ont été réalisées, les projets que nous avons », indique-t-il, s'adressant également aux citoyens lors de réunions d'information. « S'il est encore trop tôt pour se prononcer, je vois quand même un fort soutien local, régional et national, ainsi que celui d'une majorité de la population locale », assure-t-il.

Si de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur certains points techniques, l'entreprise s'engage à les fournir au plus vite. D'autant que le projet d'Imerys peut contribuer à revivifier les infrastructures, en particulier ferroviaires.

« Le réseau ferroviaire dans la région ne compte pas parmi les meilleurs. J'espère que notre projet va permettre de pérenniser ces lignes un peu oubliées par la SNCF », pointe le directeur exécutif. Des études sont en cours et devraient être bouclées d'ici début 2024. Celles-ci portent autant sur le transport de la matière première pour alimenter les usines, que sur l'amélioration des liaisons entre l'Auvergne, Lyon et Paris, ce qui participe à réduire la fracture territoriale. En ouverture du Forum, Jérôme Fourquet, directeur du département Opinions de l'Ifop, a souligné que la réindustrialisation en France devrait être davantage portée par les villes moyennes que les grandes métropoles qui saturent.

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Des règles strictes en matière environnementale

L'adhésion de la population passe aussi par la question environnementale. Dès le début du projet, Imerys a invité deux délégations, de France Nature et Environnement et d'EEVV, à venir visiter le site.

« Ils ont vu les efforts qu'Imerys fait pour le rendre le plus soutenable possible sur le plan environnemental, mais ils veulent rester vigilants », indique Alessandro Dazza. Ce dernier reconnaît : « Une mine, une carrière ont un impact sur l'environnement, on ne peut pas dire le contraire, mais le fait de le faire de manière durable et responsable, c'est la clé d'autant que la France a les règles les plus strictes du monde en matière environnementale ».

De facto, la réglementation pourrait faire d'Échassières, le site le plus écologiquement soutenable dans la production mondiale de lithium. L'exploitation minière est souvent associée au risque de stress hydraulique.

« Nous avons mandaté une société spécialisée pour réaliser des études hydrologiques, et ainsi mesurer l'impact potentiel de l'exploitation pour s'assurer qu'il n'y ait pas de contamination », indique Alessandro Dazza,

Il rappelle que l'eau utilisée pour les besoins industriels est en quantité limitée, et est sans commune mesure avec les volumes utilisés pour l'exploitation de la saumure de lithium dans les pays d'Amérique du Sud, qui nécessite de grands bassins d'eau, car recourant à un procédé par évaporation.

« Le lithium que l'on va produire en France va être le plus propre dans le monde », se réjouit Alessandro Dazza, faisant valoir l'énergie décarbonée issue du nucléaire et les technologies utilisées pour réduire les émissions de CO2 par rapport aux exploitations minières du métal en Australie et en Chine, d'autant qu'il ne s'agit pas de l'ouverture d'une nouvelle mine, mais d'un site en activité depuis des décennies.

« L'approvisionnement sera difficile dans le futur »

Enfin, l'enjeu relève aussi de la souveraineté industrielle de la France. La pandémie du Covid-19 a démontré à quel point la dépendance à des chaînes d'approvisionnement étrangères pouvait fragiliser le pays. La France et l'Europe ont lancé une politique de réindustrialisation dans leurs territoires, notamment avec les nouvelles filières qu'offrent les transitions énergétique et numérique telles que définies dans le Plan 2030 voulu par le président Emmanuel Macron.

« Le lithium va devenir une ressource rare dont l'approvisionnement sera difficile dans le futur », avertit Alessandro Dazza, également présent mardi à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, pour l'inauguration de la première gigafactory de batteries en France. D'autres projets d'exploitation de lithium sont en train d'émerger dont celui, encore à l'étude, en Alsace. Il est cette fois-ci porté par le groupe minier français Eramet, qui produit également du nickel, autre métal stratégique, et Électricité de Strasbourg. Ils y envisagent une production de 10.000 tonnes de lithium de source géothermale à partir de saumure recueillies par filtration. A terme, elle permettrait de fournir 250.000 batteries de véhicules électriques par an.

Enfin, les autres pays européens se lancent aussi dans la course. Ce jeudi, l'Agence portugaise pour la protection de l'environnement a autorisé l'ouverture de la première mine de lithium du pays, près de Boticas, une région rurale du nord-est du Portugal, projet porté par une entreprise britannique Savannah Resources.

Robert Jules

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