Quand Gabriel Attal courtise LR

Alors que le parti d’Éric Ciotti menace de déposer une motion de censure, le Premier ministre multiplie les rendez-vous en tête à tête avec ses députés.
Ludovic Vigogne
Le Premier ministre avec Éric Ciotti et Gérard Larcher (à gauche) à l’Assemblée nationale, le 16 janvier.
Le Premier ministre avec Éric Ciotti et Gérard Larcher (à gauche) à l’Assemblée nationale, le 16 janvier. (Crédits : © LTD / Élodie Grégoire/ABACAPRESS)

Gabriel Attal est-il vraiment surpris par les menaces de motion de censure agitées depuis quinze jours par Les Républicains ? Il y a deux mois, le nouveau Premier ministre a reçu à déjeuner Éric Ciotti à Matignon. Les deux hommes se connaissent bien. Ils se tutoient. À l'automne dernier, quand Gabriel Attal était ministre de l'Éducation, il avait sélectionné quelques collèges des Alpes-Maritimes dans la liste des établissements scolaires retenus pour expérimenter l'uniforme. Le président de LR, également député de ce département, avait apprécié le geste.

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Cet hiver, lorsqu'ils sont attablés Rue de Varenne, leur échange est donc assez libre. Gabriel Attal confie à son invité ne pas se faire beaucoup d'illusions sur la loyauté de Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu, ces figures de son gouvernement venues des Républicains. Dans un autre genre, Éric Ciotti se fait tout aussi franc. Il prévient le Premier ministre qu'il doit s'attendre à un comportement plus rugueux de la part de son parti à l'Assemblée nationale. La gestion par Les Républicains des 49.3 que devra inéluctablement déposer le gouvernement à l'automne pour faire adopter son budget ne sera plus la même que lors des deux dernières années ; cela sera beaucoup plus tendu. Gabriel Attal a compris le message. « Ils ont le doigt sur la gâchette », dira-t-il un mois plus tard en privé.

Fébrilité et anxiété

Aujourd'hui, la menace, sur fond de dégradation de la situation budgétaire, agitée par LR du dépôt d'une motion de censure qui pourrait faire tomber le gouvernement Attal demeure encore très évasive. Même s'il se dit que son parti devra bien un jour casser l'idée qu'il est une béquille de l'exécutif, Éric Ciotti s'interroge encore sur la stratégie à suivre. Quelles seraient notamment les conséquences si le gouvernement tombait ? Dissolution ? Recomposition ? Que choisirait Emmanuel Macron ? Dans ces conditions, le patron de LR ne cache pas que rien ne devrait se passer avant l'automne, une fois que l'issue des européennes permettra aussi d'y voir plus clair.

Pour autant, cette éventualité provoque déjà une vraie fébrilité chez les députés de la majorité. À l'Élysée, en revanche, elle suscite moins d'anxiété : on ne croit pas qu'une motion de censure puisse être adoptée. Pourquoi Marine Le Pen, en la votant, accorderait-elle une telle victoire politique aux Républicains, ce parti qu'elle a toujours abhorré ? À Matignon, un tel scénario noir est également plutôt écarté. « À l'époque des retraites, les divisions des Républicains étaient un problème, car elles ont empêché le vote de la réforme. Cette fois, elles sont notre meilleure assurance vie », affirme un proche du Premier ministre. Une motion de censure ne pourrait-elle pas en effet faire exploser le parti d'Éric Ciotti ? Une part non négligeable de ses 61 députés (un tiers ?) y est opposée. Président du groupe LR à l'Assemblée, Olivier Marleix, radicalement anti-macroniste, serait-il même en capacité de prendre une telle initiative ? Pour cela, il faut réunir 58 signatures. Si des discussions existent avec le groupe Liot, qui réunit 21 députés corses, centristes ou ultramarins, il est loin d'être assuré qu'un tel seuil puisse être atteint avec eux.

Prudence

Gabriel Attal est néanmoins un trentenaire prudent. Pour éviter tout accident, il s'est mis à recevoir en tête à tête, dans son bureau Rue de Varenne, des députés LR. Parmi ceux qui ont déjà été conviés, parmi ceux qui vont l'être prochainement, figurent beaucoup des 17 signataires de la tribune publiée par La Tribune Dimanche, le 26 novembre, qui appelaient leur camp à se montrer « constructifs » sur la loi immigration. Avec chacun d'eux, le Premier ministre prend son temps ; l'entretien peut durer une heure trente. Il se montre très ouvert sur les dossiers et les idées qui leur tiennent à cœur. Avec certains, le locataire de Matignon a désormais de vrais liens. Dès le début du quinquennat, il a compris qu'il n'y avait aucune unité au sein du groupe LR de l'Assemblée et que celui-ci était un assemblage d'individualités très diverses. Alors que Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Édouard Philippe ont débuté au sein de ce parti et y ont conservé quelques attaches, ce pur macroniste, tout aussi ambitieux qu'eux pour la suite, ne disposait pas de tels relais. Dès son passage au ministère des Comptes publics, Gabriel Attal a ainsi commencé à recevoir des députés LR de façon individuelle. Il a continué à l'Éducation, avec d'autant plus de facilité que Les Républicains étaient au diapason de sa politique. À Matignon, il est désormais passé à un rythme soutenu. Dans cette entreprise, il est notamment aidé par son conseiller spécial, Maxime Cordier, qui a fait ses classes à l'UMP. « À Matignon, ils sont dans une stratégie de contournement », observe un proche d'Olivier Marleix.

Fiabilité et désaccords

Ces derniers jours, Bruno Le Maire a multiplié les attaques contre LR, qui vilipendait son bilan à Bercy. Gabriel Attal lui a demandé d'être moins dans la surenchère. Demain, il recevra à déjeuner Gérard Larcher. Lui et le président LR du Sénat s'apprécient. Le 21 mars, c'est Bruno Retailleau qu'il avait accueilli à sa table. Ces deux-là ne sont pas du tout des familiers. Ils se vouvoient. Le patron des sénateurs LR a beaucoup apprécié de travailler avec Élisabeth Borne, dont il a toujours salué la connaissance des dossiers et la fiabilité. Lors de son repas avec son successeur, il constate qu'ils ont de vrais désaccords. Quelques années plus tôt, la première fois que Bruno Retailleau avait rencontré Gabriel Attal, il s'était dit : « Ce garçon ne se sent tenu par rien. Il peut nous surprendre... »

Ludovic Vigogne
Commentaire 1
à écrit le 07/04/2024 à 20:33
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Lr ou Macron8e c'est le même parti...

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