Midterms : l'économie américaine sous pression

Les Américains sont appelés aux urnes mardi 6 novembre pour les élections de mi-mandat, une série de scrutins nationaux et locaux organisés deux ans après la présidentielle. Si l'économie américaine se porte bien, la baisse massive de la fiscalité, la politique budgétaire expansionniste, l'explosion des déficits et l'escalade des tensions dans la guerre commerciale constituent de sérieux risques.
Grégoire Normand
Les enquêtes d'opinion suggèrent que les démocrates pourraient reprendre la majorité à la Chambre des représentants tandis que les républicains conserveraient leur position dominante au Sénat.
Les enquêtes d'opinion suggèrent que les démocrates pourraient reprendre la majorité à la Chambre des représentants tandis que les républicains conserveraient leur position dominante au Sénat. (Crédits : Kevin Lamarque)

Ces élections de mi-mandat pourraient constituer un tournant dans la vie politique outre-Atlantique. Les citoyens américains s'apprêtent à se rendre aux urnes pour un scrutin qui s'annonce hors-norme. Si les derniers sondages indiquent encore des duels très indécis dans certains états, beaucoup s'accordent à dire que les démocrates gardent l'avantage pour le contrôle de la Chambre des représentants et les Républicains pour le Sénat.

Actuellement, les Républicains contrôlent le Congrès composé du Sénat et de la Chambre des représentants. Mais un changement de majorité dans l'une des deux chambres pourrait entraver les réformes économiques et sociales de Donald Trump pour les deux dernières années de son mandat.

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mid terms

[Selon un sondage mené par YouGov, la plus grande partie des électeurs interrogés (17%) a déclaré que le parti politique du candidat est le facteur le plus important dans leur choix. Un graphique de notre partenaire Statista]

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Si ces élections représentent un enjeu crucial pour les Américains, elles sont également déterminantes à l'échelle de la planète. En confortant la majorité républicaine aux élections locales, les citoyens américains pourraient encore renforcer la politique internationale de Donald Trump au détriment du multilatéralisme. Sur le plan climatique, l'administration américaine pourrait encore amplifier la dérégulation des normes environnementales entreprise depuis l'arrivée au pouvoir du milliardaire.

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donald trump

[Donald Trump en campagne le week-end dernier. Crédits Mike Theiler/Reuters]

Le week-end dernier, le locataire de la Maison Blanche n'a cessé de vanter son bilan économique dans le Montana. "L'Amérique est en plein essor. Les républicains ont adopté une réduction d'impôt massive pour (...) ceux qui travaillent. Nous allons bientôt suivre dans la foulée avec une réduction supplémentaire de 10% pour la classe moyenne", a-t-il déclaré.

Ralentissement en vue pour la croissance

Les performances économiques américaines auraient de quoi provoquer des jalousies chez les dirigeants des pays développés. En effet, les derniers résultats du PIB indiquent que la croissance reste sur un rythme soutenu à 3,5% en rythme annuel au troisième trimestre en dépit des tensions commerciales. Même si cela représente un coup de frein par rapport au trimestre précédent (4,2%), la progression du PIB est supérieure aux prévisions des analystes. Ces derniers tablaient sur une croissance de 3,3%.

Mais cette croissance vigoureuse devrait ralentir dans les mois à venir. Dans ses dernières projections, le Fonds monétaire international (FMI) expliquait que "aux États-Unis, la croissance s'affaiblira, car les effets de la relance budgétaire commenceront à s'estomper en 2020, à un moment où le cycle de durcissement monétaire devrait être à son sommet." L'institution basée à Washington anticipe une croissance de 2,1% en 2019 contre 2,4% en 2018 et 2,3% en 2017.

"En dépit de l'expansion actuelle de la demande, nous avons révisé à la baisse notre prévision de croissance américaine pour 2019 en raison des droits de douane qui ont été imposés récemment sur une large gamme d'importations chinoises, ainsi que des mesures de rétorsion prises par la Chine" ajoute le fonds dans une note de blog.

Du côté de la bourse, Wall Street est attendue sans grand changement ce lundi 5 novembre à la veille des élections, les bourses européennes évoluant pour leur part en hausse modérée dans un contexte de marché toujours marqué par les craintes entourant le resserrement monétaire en cours aux États-Unis, le conflit commercial entre Washington et Pékin, et le ralentissement de l'économie chinoise. La banque centrale américaine, qui fera donc ses annonces le 8 novembre prochain, devrait opter pour le statu quo, en raison notamment des incertitudes liées aux "midterms", souligne Reuters.

Chômage au plus bas

Sur le front de l'emploi, les signaux sont au vert pour l'économie américaine. Le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) est resté stable en octobre à 3,7% de la population active selon le dernier communiqué du département du travail publié le 2 novembre dernier. C'est le taux le plus bas depuis 1969. En dépit du passage de l'ouragan Michael en Floride, les créations d'emploi ont atteint 250.000 en octobre après 118.000 en septembre, dépassant les prévisions des analystes qui tablaient sur 185.000 créations.

Par ailleurs, si le taux d'emploi avait fortement chuté après la crise de 2008, il s'est largement redressé pour atteindre 70,3% de la population active à la fin de l'année 2017. Enfin, le taux d'activité des 25-54 ans qui constituent le cœur de la population active atteint 81% selon les dernières données de l'OCDE.

Des finances publiques sous tensions

Cette euphorie de l'activité américaine comporte de sérieux risques. La dynamique de l'économie américaine repose en grande partie sur la politique budgétaire expansive de l'ancien présentateur de télé-réalité. Dans le même temps, la vaste réforme fiscale lancée par Donald Trump a considérablement réduit les recettes publiques de la puissance américaine et creusé le déficit public. Des estimations de BNP-Paribas indiquent que la baisse du taux d'imposition sur les sociétés aurait fait économiser 140 milliards de dollars aux entreprises américaines en 2018.

Selon des chiffres du Congressionnal Budget Office (CBO), la politique fiscale américaine pourrait représenter une perte de recettes pour le trésor américain de 1.400 milliards de dollars sur 10 ans gonflant ainsi la dette publique à des niveaux record. Ce type de mesure fiscale normalement utilisée lors des périodes de ralentissement devrait limiter les marges de manœuvre des États-Unis en cas de besoin. Dans sa dernière note de conjoncture, BNP-Paribas expliquait :

"À l'approche des élections de mi-mandat, tout est mis en œuvre par l'administration américaine afin d'euphoriser la conjoncture. Quitte à faire exploser le déficit fédéral, dont la hausse est l'une des plus fortes jamais enregistrées hors période de récession. Les finances publiques sont sur une trajectoire difficilement soutenable, l'économie aussi. Le quasi plein emploi des ressources, le plafonnement des ratios d'endettement d'entreprises, les valorisations boursières tendues, sont autant de signes avant-coureurs d'un atterrissage, que nous jugeons possible dès 2019."

En parallèle des baisses massives d'impôts, certaines dépenses publiques explosent. L'argent consacré aux dépenses militaires devrait passer de 575 milliards de dollars en 2017 à 716 milliards en 2019, soit une hausse de 25% en deux ans selon des calculs des experts de la banque française. Ce qui représenterait un effort considérable pour les finances publiques américaines.

Une perte d'attractivité

La remise en cause des règles du libre-échange mondial et l'intensification des mesures protectionnistes pourraient encore diminuer l'attractivité du pays de l'oncle Sam. Selon le dernier rapport de la Cnuced publié au mois de juin, les flux d'investissements directs étrangers sont passés de 457 milliards de dollars en 2016 à 275 milliards en 2017. Si ce mouvement est loin d'être isolé à l'échelle de la planète, cette chute pourrait encore s'aggraver pour l'économie américaine dans les mois à venir.

Lire aussi : Un an après l'élection de Donald Trump, quel bilan ?

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 06/11/2018 à 12:05
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Obama les a envoyé dans un monde virtuel, Trump les ramène a la réalité! Pour nous européen nous avons un décalage de quelque mois!

à écrit le 05/11/2018 à 23:30
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Avec son franc-parler, si on peut appeler ça comme ça, Trump a donné l'illusion qu'il travaillait pour le peuple. Mais non, les inégalités se creusent. Quant à sa politique économique, elle consiste à vider l'armoire à pharmacie alors que les USA vo...

à écrit le 05/11/2018 à 19:23
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Je lis : "la politique budgétaire expansionniste, l'explosion des déficits et l'escalade des tensions dans la guerre commerciale constituent de sérieux risques" Heu vous parlez de TOUT LES PAYS DU MONDE ou juste des USA???!!!! Parce que si c'est ...

le 06/11/2018 à 3:51
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A JC. Souvenez-vous de l'adage : "Quand l'Amerique eternue, tout le monde s'enrhume".

à écrit le 05/11/2018 à 16:52
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Vu le comportement de Trump il ne peut qu'y avoir un retour de bâton qui pourrait être violent. A commencer par le NASDAQ et le Dow Jones qui sont en chute libre depuis le 4 octobre et qui ont perdu en 6 semaines ce qu'ils avaient gagné les 6 dern...

le 05/11/2018 à 17:19
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Je ne sais pas si "l'alourdissement du karma de l'Amérique par Trump va lui attirer une vengeance du reste du monde", mais je sais que s'il gagne les élections des midterms le reste du monde va déguster... car dans ce cas il va accélérer ses réformes...

le 05/11/2018 à 17:45
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Vous avez malheureusement raison mais les gros dégâts ont déjà été fait y compris pour les américains avec la fin de l'Obama care, la nomination à vie du procureur ultra-conservateur, la fuite en avant dans le déficit, etc etc.... la liste de ses méf...

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