Avec sa majorité pro-Brexit, Boris Johnson a un an pour « dealer » la sortie de l’UE

Malgré sa victoire écrasante aux élections législatives du 12 décembre, rien n'est gagné pour le premier ministre britannique. Car tout reste à faire. À commencer par la négociation d'un accord commercial avec Bruxelles. Et, les inconnues (conséquences sur la croissance, tensions avec l’Écosse, sur la frontière irlandaise...) sont nombreuses.
(Crédits : Henry Nicholls)

C'est fait ! Après bien des revers et nombre de cafouillages, les pro-Brexit, Boris Johnson en tête, ont obtenu ce qu'ils voulaient : la majorité absolue (375 sièges contre 203 pour les Travaillistes) du parti conservateur aux législatives du 12 décembre, qui ouvre la voie à une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 31 janvier 2020. Mais il n'y a qu'à observer l'évolution de la livre sterling pour se rendre compte que le parcours du combattant ne fait que commencer. Dans le sillage de l'annonce des résultats, la monnaie britannique a gagné 1,6 % face au dollar... pour se replier dès le lendemain matin. Car tout reste à faire. À commencer par la négociation d'un accord commercial avec Bruxelles.

Parmi ses nombreuses promesses, Boris Johnson a juré de ne pas étendre au-delà de décembre 2020 la période de transition pendant laquelle son pays sera toujours membre de l'Union, bénéficiant d'un marché unique et des avantages douaniers associés. Autrement dit, le Premier ministre n'a que quelques mois pour arracher un nouveau traité. Or il a fallu pas moins de sept ans à l'Union européenne et au Canada pour finaliser leur accord de libre-échange, par exemple... Faute d'accord commercial - un « no deal », donc - le Brexit pourrait être « hard », au lieu d'être « soft ».

L'enjeu du commerce extérieur

Boris Johnson sera-t-il capable de négocier en un temps record ? Nombreux sont ceux qui en doutent, à Londres comme à Bruxelles. L'ancien ambassadeur britannique auprès de l'UE, Ivan Rogers, a d'ailleurs publiquement pointé « l'amateurisme diplomatique déguisé en audace et en esprit de décision pour l'électorat britannique » de Boris Johnson, qui ne pourrait mener, à mesure que s'égrène le compte à rebours, qu'à des concessions de la part de Londres. Un accord, peut-être, mais mauvais, donc. Quant à un traité avec l'autre grande puissance économique, les États-Unis, il pourrait, alors que la campagne présidentielle s'engage outre-Atlantique, être victime de la stratégie commerciale pour le moins guerrière adoptée par Donald Trump. Et prendre, là aussi, des mois, voire des années.

La victoire pourrait donc vite prendre un goût amer pour Boris Johnson, d'autant que le Royaume-Uni s'appuie, pour près d'un tiers de son économie, sur le commerce extérieur, et que ces échanges sont pour moitié réalisés avec l'UE. Toute décélération dans ce domaine aurait des conséquences funestes sur la croissance, l'emploi, le financement des services publics, le niveau de vie des Britanniques... L'inverse, en somme, de ce qu'a promis Boris Johnson.

Évidemment, les économistes s'aventurent dans des pronostics. Certains craignent, faute d'accord, un « dumping » commercial de la part de Londres, à base de déréglementation et de droits de douane réduits. De quoi relancer l'économie ? Pas forcément. Pour Benjamin Nabarro et Christian Schulz, économistes à Citigroup, un Brexit sans accord avec l'UE empêcherait carrément l'économie de croître pendant deux ans - ce qui risquerait de plomber par ricochet l'économie européenne, sur fond de décélération mondiale - puis, à partir de 2022, elle n'enregistrerait qu'une progression poussive, de l'ordre de 1 %. Et ils ne sont guère plus optimistes en cas d'accord commercial, en envisageant une croissance de 1,5 % par an sur les deux prochaines années. Loin des lendemains qui chantent de Boris Johnson !

Enfin, pour l'OCDE, même si un accord commercial est conclu dans les mois qui viennent, le PIB britannique devrait refluer à 1 % en 2020 (contre 1,4 % en 2018). D'autres analystes, en revanche, sont plus sereins. Ceux de Goldman Sachs estiment qu'en offrant une meilleure visibilité la victoire conservatrice « devrait libérer des investissements qui n'ont pas été enclenchés pendant la période d'incertitude ». « À condition que la question de l'accord commercial soit résolue avant la fin de l'année 2020 », rétorque cependant Garry Young, économiste au National Institute of Economic and Social Research.

Des risques d'éclatement du royaume-uni

Autant dire que, après cette victoire, rien n'est gagné pour Boris Johnson. Et les inconnues, celles que - paradoxalement - on « connaît », concernant les termes d'un traité de libre-échange, incluant le destin des pêcheurs français le long des côtes britanniques, sont nombreuses. Et celles dont on ignore tout, encore plus... C'est vrai de la réaction de l'Écosse, qui pourrait vouloir rester liée à l'UE, d'autant que Boris Johnson « n'a pas de mandat pour sortir l'Écosse de l'UE », a fait valoir Nicola Sturgeon, la cheffe du Scottish National Party, arrivé en tête aux législatives du 12 décembre. Constitutionnellement, cependant, l'Écosse doit obtenir le feu vert du Parlement britannique pour organiser un référendum. Or Boris Johnson, qui se dit garant de « l'union du royaume », a prévenu avant les législatives qu'il refuserait...

Quant à l'Irlande du Nord, en envoyant, pour la première fois depuis la partition de l'île en 1921, davantage de nationalistes que d'unionistes au Parlement britannique, elle relance par ces résultats la question d'une union avec le Sud - au lieu d'une frontière entre les deux... Sans oublier le sort de Gibraltar, lui aussi en suspens, ni la relation avec le prochain président des États-Unis, républicain ou démocrate, allié traditionnel du Royaume-Uni.

Bien des cygnes noirs, des black swans, comme on dit dans la finance de l'autre côté de la Manche, en parlant de l'avènement d'un fait jugé pourtant peu probable à l'origine, pourraient assombrir les cieux. Une seule chose est sûre : le Brexit à tout prix... aura un prix. Et, ironie de l'histoire, ceux qui le paieront sont précisément les citoyens qui ont voté en faveur de la sortie de l'UE, notamment dans les régions du nord industriel, affectées par la politique d'austérité menée par les précédents gouvernements.

Commentaires 5
à écrit le 10/01/2020 à 19:26
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Rien n'est gagné et tout risque d'être perdu pour le RU... l'Écosse... l'Irlande du Nord...le Pays de Galles La Queen régnant sur un pays amputé de plus de la moitié de sa surface, dépossédée de ses possessions. 1F4 à la périphérie de Londres lui se...

à écrit le 09/01/2020 à 10:53
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Il semble que les ciseaux de la censure on refait leur apparition sur les commentaires, si peu de commentaire prouve un "petit" problème!

à écrit le 07/01/2020 à 9:16
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On rêve pour l'avenir de la France d'un Boris!

le 07/01/2020 à 11:10
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La retraite en Grande Bretagne actuellement à 65 ans va passer progressivement à 68 ans en 2037. Notez aussi que l'on a droit à une retraite que si on a cotisé au moins 10 ans.. Ajoutons à cela que le salaire minimum correspondant au SMIC Français ne...

à écrit le 07/01/2020 à 8:43
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"rien n'est gagné pour le premier ministre britannique. Car tout reste à faire. " Intro qui pèse deux tonnes. Des caisses et des caisses et une information de ce fait complètement dévaluée. LE brexit c'est mal comme ils disent les médias de masse...

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