En Europe, l'onde de choc du Covid-19 pourrait être dévastatrice

L'activité économique de la zone euro s'est effondrée en mars face aux mesures prises pour contenir la pandémie de coronavirus qui ont conduit les gouvernements de toute la région à fermer de vastes pans de leurs économies. L'indice composite PMI auprès des directeurs d'achat calculé par IHS Markit a chuté à un niveau record de 29,7 sur le mois, contre 51,6 en février.
Grégoire Normand
(Crédits : © Dave Kaup / Reuters)

Les dégâts causés par la pandémie de coronavirus dans une Europe confinée n'ont pas fini de se faire sentir. Au mois de mars, le secteur privé de l'union monétaire a enregistré un recul "sans précédent" pour s'établir à 29,7, selon les derniers indices Markit publiés ce vendredi 3 avril. Un record depuis que l'enquête existe (1998). Cette baisse de 21,9 points (51,6 en février) traduit l'ampleur de la crise économique provoquée par la propagation du virus à l'échelle du Vieux continent. Les économistes de l'institut ont même révisé à la baisse leurs projections par rapport à la précédente estimation flash (31,4).

Concrètement, pour les pays de la zone euro, une paralysie prolongée de l'économie pourrait provoquer des dégâts économiques et sociaux colossaux. S'il est encore trop tôt pour avoir des chiffres sur le produit intérieur brut européen du premier trimestre à ce stade, le repli des indices PMI, qui constituent des indicateurs avancés très observés par les milieux d'affaires et les économistes, est bien pire qu'en 2008. Interrogé récemment par La Tribune, l'économiste Eric Dor estimait que "la récession en Europe pourrait être hors-norme". De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) a affirmé en début de semaine qu'une "profonde récession" en 2020 sur le continent européen était "un fait acquis" en raison des graves conséquences économiques de la pandémie due au coronavirus.

> Lire aussi : "En Europe, l'ampleur de la récession devrait être hors-norme" (Eric Dor, directeur des études de l'IESEG school of management)

Surtout, le bilan humain est loin de s'apaiser. Selon un récent chiffrage établi par l'Agence France Presse, la France compte désormais 4.503 morts (à l'hôpital), auxquels il faut ajouter au moins 884 personnes âgées décédées en maison de retraite. Au total, ce sont donc au moins 5.387 personnes qui sont décédées. L'Italie est, avec 13.915 morts, le pays le plus durement touché en nombre de décès. L'Espagne compte 10.003 morts. En devenant l'épicentre de la crise sanitaire, l'économie européenne pourrait être fortement secouée dans les prochaines semaines si le confinement est amené à durer.

Les services frappés de plein fouet

Le secteur tertiaire est littéralement assommé par les effets de cette maladie infectieuse. Entre les mois de février et mars, les derniers chiffres indiquent que l'activité dans les services est ainsi passée de 52,6 à 26,4 selon l'institut Markit. Les mesures de confinement et la fermeture administrative de nombreux établissements ont entraîné une paralysie très importante des services. Cette chute vertigineuse de l'activité dans le tertiaire est d'autant plus inquiétante qu'il représente une part très importante (66%) de la valeur ajoutée européenne comme les données de la Banque mondiale le rappellent.

Ce repli historique pourrait avoir des répercussions majeures sur les conditions de la reprise. En outre, les directeurs d'achat interrogés par l'institut Markit très pessimistes.

"Les prestataires de services de la zone euro se disant de plus en plus préoccupés par les répercussions à long terme de l'épidémie de Covid19, les perspectives d'activité se sont fortement détériorées pour afficher leur plus bas niveau historique. Les entreprises des cinq pays couverts par l'enquête se sont en effet déclarées pessimistes quant à une reprise de leur activité dans les douze prochains mois".

Une industrie dans le rouge

Les moteurs de l'appareil productif européen sont en grande partie à l'arrêt. De grands groupes comme PSA, Renault, Airbus, Volkswagen, ont annoncé depuis plusieurs semaines qu'ils avaient suspendu leur activité ou considérablement réduit la voilure sur plusieurs sites de production implantées sur le Vieux continent. Ainsi, pour le 14ème mois consécutif, la production dans l'industrie manufacturière a baissé, d'après les données récoltées par les économistes de Markit. C'est la baisse mensuelle la plus importante depuis avril 2009. Or, si la part de l'industrie dans la valeur ajoutée européenne a sensiblement diminué depuis plusieurs décennies, elle représente toutefois un secteur stratégique en termes de souveraineté et d'emplois directs et indirects.

La bataille du chômage

Dans la zone euro, plusieurs Etats, à l'image de l'Allemagne au lendemain de la crise de 2008, ont mis en oeuvre des mesures de chômage partiel pour tenter de limiter la casse sur le marché du travail et faciliter le redémarrage de l'économie. Ces dispositifs pourraient en effet permettre de protéger les revenus d'une grande partie de la population active. En dépit de ces mesures, de nombreux travailleurs ayant des contrats à durée déterminée, des emplois temporaires ou "zéro heures", ou des indépendants sans véritable protection sociale pourraient faire les frais de cette récession sans compter les personnes en situation de chômage de longue durée (supérieure à un an en France).

"La baisse de la charge de travail et le fort climat d'incertitude ont incité les entreprises de services de la zone euro à réduire leurs effectifs en mars. L'emploi a ainsi reculé pour la première fois depuis près de cinq ans et demi, affichant en outre un taux de contraction record" ajoutent les économistes de Markit.

Pour éviter une hécatombe sur le marché du travail, la Commission européenne a annoncé jeudi dans un communiqué qu'elle voulait élargir les filets de sécurité en développant le chômage partiel à l'échelle du continent et un système de réassurance chômage baptisé SURE.

Lire aussi : Chômage partiel : des demandes en plein boom, un risque de fraude accru

Une réunion déterminante le 7 avril prochain

Malgré cette volonté affichée, la réponse des Etats européens en ordre dispersé fragilise grandement la riposte économique. Les divisions entre les pays du Nord (Pays-Bas, Allemagne, Finlande, notamment) et ceux du Sud (Espagne, Italie, France) ont une nouvelle fois fait apparaître une Europe morcelée. Si la réponse de la Banque centrale européenne est jugée à la hauteur des enjeux par un bon nombre d'économistes, les désaccords entre chefs d'Etats minent sérieusement les possibilités de reprise rapide. La réunion des ministres des finances de l'Eurogroupe le 7 avril prochain devrait être déterminante pour s'accorder sur une réponse économique majeure. Lors d'un point presse jeudi 2 avril, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a fait des propositions en amont de cette réunion.

Je pense aussi à la création de nouveaux financements de la Banque européenne d'investissement à hauteur de 200 milliards d'euros. Je pense, enfin, à la création d'un régime d'assurance-chômage pour un montant de 100 milliards d'euros comme Ursula Von Der Leyen l'a proposé. Ces trois instruments pourraient définir un cadre européen commun pour faire face à la crise immédiatement. En plus de ce cadre commun, l'Union européenne doit avoir une réflexion libre sur les instruments nécessaires pour relancer une économie d'après crise. [...] Ces programmes seraient cohérents avec le Green Deal et la stratégie industrielle détaillée par la Commission le 10 mars et viseraient spécialement à contribuer à la relocalisation en Europe des
chaînes de valeur stratégiques".

Lire aussi : Coronavirus : la France plaide pour un fonds de sauvetage européen financé par de la dette

Grégoire Normand
Commentaires 15
à écrit le 04/04/2020 à 11:40
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Quel scoop ! : c'est bien normal que l'économie s'arrête ou presque, puisqu'on est presque tous confinés à la maison. La question c'est combien de temps ça va durer, et que la perte économique, qui est sûre, soit équitablement répartie. Et que ceux ...

à écrit le 04/04/2020 à 10:51
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Et pendant ce temps, l'Europe a activé pour la première fois Instex - un mécanisme permettant à des entreprises occidentales de commercer avec l'Iran sans s'exposer aux sanctions américaines - afin de livrer du matériel médical et des produits pharma...

à écrit le 04/04/2020 à 5:47
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Toutes les difficultés que nous connaissons aujourd'hui, nées avec la pandémie, et qui auraient pu aussi bien être la conséquence d'une autre crise, sont directement liées à cette mode loufoque qui a créé la mondialisation et l'ultra libéralisme. Mêm...

le 06/04/2020 à 17:22
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Bravo ! Belle synthèse.

à écrit le 03/04/2020 à 21:43
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Il aura fallu cette pandémie pour que l'on sache, pour ceux qui en doutait! que (l'ue) n'existait pas, n'est qu'un fantasme qui perdure, à force de matraque, et des grenades lacrymogènes et que ça ne fait plus la balle. On appelle ça du totalitar...

à écrit le 03/04/2020 à 21:14
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Devrais je mettre des palmes avec mon masque de plongée ? Le tuba est il obligatoire ? quelle longueur réglementaire ?

à écrit le 03/04/2020 à 20:45
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Sans rire, les priorités du moment de l'UE totalement abonnée absente de la gestion de Covid sont : - ratifier accord de libre-échange avec le Vietnam ; - intégrer l’Albanie et la Macédoine du Nord ; - maintenir ou non l’indemnité de prés...

à écrit le 03/04/2020 à 19:42
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M'sieur Macron l'a dit, c'est le guerre. Cela risque fort de dériver vers une guerre pour l'alimentation lorsque les pénuries vont survenir. Au train où ça se dégrade dans les médicaments, ça devrait toucher rapidement les produits agricoles, fruits...

à écrit le 03/04/2020 à 18:27
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Il faut réaliser des kits de masques lavables à confectionner chez soi via la poste . Ce serait le moyen d'aller plus vite . On ne doit pas rester sans rien faire , il y a des énergies dans notre pays et on les laisse inactives . Faut se reprendre et...

à écrit le 03/04/2020 à 17:25
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si ca dure pas, c'est supportable, meme pour les petites gens ( pour lesquelles faudra quand meme certainement prevoir des avances de caisse - remboursables donc- vu que helicopter money c'est idiot vu que c'est peu cible pour un cout au dela des esp...

à écrit le 03/04/2020 à 17:16
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Les dégâts économiques et sociétaux de ce covid-19 sont énormes, monumentaux, abyssaux ; Il ne faut pas attendre quoi que ce soit de Bruxelles, une officine de lobbyiste qui est bonne à jeter dans une benne à ordure. La solution pour compenser ...

le 03/04/2020 à 21:12
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Didonc vanessa ? Faut arreter de passer ton confinement à regarder anouna d'accord ? Non par ce que qui paye vraiment les taxes à l'import hein ? Sachant qu'il n'y a par definition pas de produits de substitution produits justement en Europe. Oui ...

le 04/04/2020 à 0:03
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ce n'est que le début du commencement . La dépression va se creuser et nous sommes embarqués pour des années . Ce qui est désolent c'est que la jeunesse épargnée par le virus devra régler la note . Les vieux des 30 glorieuses coûtent cher !

à écrit le 03/04/2020 à 16:29
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Ah, enfin la faim, ya pas d'autre moyen pour mettre un terme au déclin.

à écrit le 03/04/2020 à 16:10
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La conclusion de cette crise sans précédent qui est loin de son épilogue ? L Union Européenne basée sur lintergouvernemental ne fonctionne pas quand tout va mal...saurons nous nous sauver collectivement ou sombrer individuellement ? Quels parmi les ...

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