Irlande du Nord : Boris Johnson tente un coup de force anti-Brexit

Le gouvernement britannique veut modifier l'accord de Brexit en introduisant des exceptions au protocole commercial régissant la frontière entre l'UE et l'Irlande du Nord. Cela alors que la province britannique est sujette à de vives tensions depuis la victoire des républicains du Sinn Fein et la défaite des unionistes pro-britanniques du DUP. L'UE a clairement averti qu'une telle mesure unilatérale justifierait des représailles commerciales.
Après avoir survécu à un vote de défiance lundi 6 juin, le Premier ministre britannique Boris Johnson à la Chambre des Communes, mercredi dernier (8 juin 2022), affrontait les députés lors d'une séance de questions hebdomadaires chahutée mais où il a semblé - au moins temporairement - avoir rallié ses troupes face aux attaques de l'opposition travailliste.
Après avoir survécu à un vote de défiance lundi 6 juin, le Premier ministre britannique Boris Johnson à la Chambre des Communes, mercredi dernier (8 juin 2022), affrontait les députés lors d'une séance de questions hebdomadaires chahutée mais où il a semblé - au moins temporairement - avoir rallié ses troupes face aux attaques de l'opposition travailliste. (Crédits : Reuters)

Aujourd'hui, le gouvernement britannique va introduire au Parlement un texte de loi afin de modifier certaines des règles régissant le commerce post-Brexit avec la province britannique d'Irlande du Nord, où de vives tensions ont resurgi menaçant la paix du Vendredi Saint signée en 1998. En effet, depuis la victoire pour la première fois, le 5 mai, aux élections locales des républicains du Sinn Fein, les unionistes pro-britanniques du DUP ont décidé de refuser de participer à un nouveau gouvernement à Belfast tant que ce protocole commercial ne sera pas modifié.

Un projet qui "viole le droit international", selon la cheffe du Sinn Fein

«Le protocole fonctionne», a martelé Mary Lou McDonald, la cheffe du Parti républicain nord-irlandais Sinn Fein, dimanche sur Sky News, accusant le gouvernement britannique de "violer le droit international" avec ce projet de loi modifiant les dispositions post-Brexit dans la province. Elle a affirmé qu'"une majorité importante" d'élus à l'assemblée d'Irlande du Nord "soutiennent le protocole".

Mary Lou McDonald en a aussi profité pour tacler Boris Johnson dont elle estime qu'il tente par cette manoeuvre de restaurer son autorité alors que 41% des députés de son Parti conservateur se sont prononcés la semaine dernière, lors d'un vote de confiance, pour qu'il soit déchu de son poste de Premier ministre.

Un projet "légal" et "juste" selon le gouvernement britannique

A l'opposé, le ministre britannique chargé de l'Irlande du Nord, Brandon Lewis, a assuré que le projet du gouvernement était "légal" et "juste". Il a expliqué qu'il avait pour but de "réparer" les problèmes engendrés par la mise en oeuvre du protocole afin de simplifier les échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord et d'apaiser les unionistes.

Pour mémoire, le protocole avait été signé pour protéger le marché unique européen après le Brexit sans provoquer le retour à une frontière dure entre l'Irlande du Nord britannique et la République d'Irlande européenne, et ainsi préserver la paix conclue en 1998 avec l'accord du Vendredi saint, après trois décennies de troubles sanglants entre unionistes et républicains.

En pratique, après de longues et difficiles négociations, l'accord conclu a instauré une frontière douanière au milieu de la mer d'Irlande, un compromis offrant le maintien d'une grande fluidité à la frontière terrestre -très fréquentée- entre la République d'Irlande et la province d'Irlande du Nord.

Mais selon les unionistes, cette frontière en mer d'Irlande qui instaure des contrôles douaniers en fait à l'intérieur même des frontières du Royaume-Uni, menace la place de leur province au sein de la Couronne à laquelle ils sont viscéralement attachés.

Un argument continuellement avancé pendant les négociations du Brexit mais remis sur la table alors que le parti unioniste DUP refuse de participer à un nouveau gouvernement à Belfast --dirigé pour la première fois par les républicains du Sinn Fein après leur victoire du 5 mai-- si ce protocole n'est pas modifié.

Le "canal vert", un nouveau système de circulation des marchandises

Et à la mi-mai, le gouvernement britannique, qui soutient les unionistes, avait annoncé sa volonté de légiférer pour le modifier. Il souhaite introduire un nouveau système qui permettrait aux marchandises circulant mais restant au sein du Royaume-Uni, de passer par un "nouveau canal vert", ce qui les affranchirait des longues et pénibles démarches douanières. En revanche, les marchandises destinées à l'UE resteraient, elles, soumises à l'ensemble des vérifications et contrôles appliqués en vertu du droit de l'UE.

Ce projet de loi visant à s'affranchir unilatéralement du protocole sera présenté ce lundi au Parlement par la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.

Réprobation de l'UE, de la république d'Irlande et des travaillistes

L'UE a clairement averti qu'une telle mesure unilatérale signifie revenir sur un traité international et justifierait des représailles commerciales. Selon Bruxelles, une telle mesure pourrait contrevenir au droit international. L'exécutif européen pourrait en réponse lancer une procédure en justice ou prendre des mesures de rétorsion, comme l'imposition de taxes douanières.

Le plus proche voisin de la province britannique, la république d'Irlande, membre de l'UE, a mis en garde à plusieurs reprises contre une modification unilatérale du protocole.

Le principal parti d'opposition britannique, le Labour, a lui aussi accusé le gouvernement de vouloir enfreindre la loi.

La députée travailliste Rachel Reeves a ainsi brocardé hier dimanche le gouvernement britannique qui "semble développer un record en termes d'infractions à la loi", en référence au scandale du "partygate", ces fêtes organisées à Downing Street en plein confinement et qui ont valu une amende à Boris Johnson -- une première pour un chef de gouvernement en exercice.

Un test pour Boris Johnson fragilisé mais toujours combatif

De fait, ce projet sera un test pour un chef du gouvernement très fragilisé après avoir été mis en difficulté la semaine dernière par son propre parti dont une forte proportion ont demandé qu'il soit déchu de son poste de Premier ministre (plus de quatre députés de son camp sur dix, soit 148 sur les 359 votants, ont voté pour l'évincer en raison du "partygate").

Après avoir donc survécu à ce vote de défiance lundi 6 juin qui l'a fortement fragilisé, le dirigeant a affronté le mercredi suivant, le 8 juin (photo), les députés lors d'une séance de questions hebdomadaires chahutée mais où il a semblé - au moins temporairement - avoir rallié ses troupes face aux attaques de l'opposition travailliste.

Revigoré et pugnace, il a défendu bec et ongles le bilan de son gouvernement face au leader du Labour, Keir Starmer, qui a de manière répétée accusé le gouvernement, "incompétent", d'avoir amplifié la crise du service public de santé (NHS), confronté à un manque chronique de personnel et à de très longues listes d'attente.

"Nous avons le taux de chômage le plus faible depuis 1974 et nous allons continuer à faire croître notre économie à long terme", a lancé Boris Johnson, avant un discours attendu cette semaine où il pourrait annoncer de nouvelles mesures face à la flambée du coût de la vie qui étrangle les Britanniques.

(avec AFP et Reuters)

Commentaire 1
à écrit le 13/06/2022 à 15:14
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Boris veut le beurre et l argent du beurre. encore un test de l unicite et solidarite de l UE.

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